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Le programme des Républicains aux européennes ou le verre à moitié vide

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Les Républicains ont dévoilé le 14 mai leur programme pour les élections européennes, intitulé « Maîtriser notre destin ». Examen de ce document de plus de 50 pages, très inégal.

Un programme bien présenté

En dépit de sa longueur, le programme des Républicains se lit aisément, loin du jargon sociologico-gauchiste ou des élucubrations des thuriféraires du woke, des études « racisées » ou « non genrées »…

L’objectif est manifestement de se distinguer tant de la politique macronienne que de l’extrême droite, même si, sur certains points, il peut exister des convergences avec Emmanuel Macron ou, s’agissant de l’immigration, avec Marine Le Pen.

En liminaire, François-Xavier Bellamy marque son opposition à la fuite en avant du macronisme par la création de dettes et d’impôts européens. Il fulmine contre « l’excès des normes, des charges et des contraintes ». Il fait part de son souhait, entre autres, d’une « Europe de la liberté, non des contraintes et des charges » (p. 4). Sur tous ces points, il sera suivi par les libéraux.

L’introduction est déjà plus contrastée ou ambiguë, mais le texte refuse « l’impasse socialiste et anti-européenne de Marine Le Pen », laquelle « se complaît, comme la gauche, à défendre un État-providence » (p. 7).

Le programme se divise en six parties que l’on peut intituler ainsi : défense, économie, agriculture, environnement, immigration, institutions. Nous nous concentrerons sur les aspects économiques et sociaux.

D’importants points positifs

Le paragraphe dénommé « pour une mandature de la dérèglementation et de la lutte contre le délire normatif européen » retient particulièrement l’attention. Les propositions sont nombreuses : réduction de 25 % de la fonction publique européenne « car il y a toujours moins de normes quand il y a moins de fonctionnaires » ; moratoire sur certaines normes récentes ; suppression de deux normes européennes en cas de création d’une nouvelle norme ; obligation réelle des études d’impact et d’évaluation de la législation existante avant l’édiction d’une nouvelle norme ; pouvoir d’initiative de suppression des normes donné au Parlement et au Conseil européens ; réduction du nombre d’agences européennes et du budget de fonctionnement de l’Union (pp. 18-19).

On pourra discuter de telle ou telle mesure, mais nul ne saurait mettre en doute le fait que les Républicains aient pris conscience du problème majeur de la bureaucratie et du « harcèlement textuel » bruxellois. En témoigne le fait que le programme revienne dans la dernière partie sur l’idée que « l’inflation normative est une calamité européenne » et que « la Commission européenne, qui a le monopole de l’initiative législative, doit cesser d’être une machine à produire des normes » (p. 48). Une suggestion innovante est alors émise : « pour chaque projet de norme nouvelle, (…) que la Commission soit tenue de faire une proposition alternative sous forme de mesures concrètes non normatives permettant d’atteindre le même objectif » (p. 49). Par ailleurs, les Républicains entendent « faire la chasse » aux surtranspositions dans le domaine agricole (p. 32), mais étrangement les autres domaines ne se trouvent pas cités…

Le programme confirme les propos liminaires de François-Xavier Bellamy au sujet du rejet absolu de toute dérive de la dette et des déficits au niveau européen (p. 22), comme de la création d’impôts européens (p. 23). Là encore, les Républicains témoignent d’une pleine compréhension du bilan désastreux de la présidence française actuelle en matière de finances publiques.

Point également très positif : l’insistance du programme sur le fait de « faire respecter la répartition des compétences et le principe de subsidiarité prévus par les traités entre l’Union européenne et ses Etats membres » (p. 48, le principe de subsidiarité étant déjà cité p. 32).

Des points négatifs particulièrement regrettables

François-Xavier Bellamy n’étant pas libéral, il eût été étonnant que le programme des Républicains le fût. La tête de liste ne dénonçait-elle pas dès 2015 le « libéralisme individualiste » de la gauche et la « mondialisation débridée » ? Il déclarait alors : « Quand la politique fait défaut, c’est toujours le plus faible et le plus fragile dans la société qui en paie le prix » (« François-Xavier Bellamy : pourquoi le libéralisme est de gauche », entretien, Le Figaro, 30 septembre 2015). Il y a en fait chez lui une dimension très traditionnelle de la droite : l’étatisme, même si elle est moins développée que chez beaucoup de ses collègues républicains, à commencer par nombre de candidats sur sa propre liste…

De là, une insistance sur le terme de souveraineté (p. 7), soit implicitement dans le domaine militaire, ce qui peut se comprendre, soit explicitement dans les domaines « économique » (p. 18) et « alimentaire » (p. 26).

De là également une opposition au libre-échange, non seulement dans le domaine agricole, nous allons y revenir, mais aussi dans le domaine industriel. Certes, le programme ne l’énonce pas ainsi : sur ce point, comme sur bien d’autres, il se construit sur le mode «  je suis pour la liberté, mais… ». Ainsi, le texte mentionne : « Nous sommes favorables au commerce et au libre-échange car la France compte de nombreux exportateurs », avant d’ajouter : « mais pas à n’importe quelles conditions ni à n’importe quel prix », la seconde partie de la phrase démolissant en grande partie la première… Il s’ensuit que les Républicains plaident en faveur de « clauses miroirs » dans les accords de libre-échange, faute de quoi des « clauses de sauvegarde » doivent permettre d’en suspendre l’application en cas de « concurrence déloyale ». Il s’ensuit également que les Républicains refusent les accords de libre-échange avec le Canada et le Mercosur (p. 21). Autrement dit, ils sont favorables aux exportations françaises, mais opposés aux importations, évidemment déloyales puisqu’elles ne respectent pas les « standards européens »… que les Républicains dénoncent par ailleurs lorsqu’ils parlent de bureaucratie et de délire normativiste communautaires, sans se rendre compte de leur inconséquence !

Sans surprise, c’est lorsqu’il traite de l’agriculture que le programme touche le fond ; même s’il a le mérite de décliner vigoureusement toute politique de décroissance. Au motif de « souveraineté alimentaire », il faut « augmenter le budget de la Politique agricole commune » (p. 27). La critique du libéralisme est ici totale : « Sans régulation et sans stratégie collective, l’activité agricole oscillerait entre phases de surproduction et périodes de pénurie », d’autant que l’agriculture accomplit « des missions d’intérêt général qui ne sont pas prises en compte par le marché » (p. 28).

Là, les Républicains se déchaînent, sur fond de… pêche aux voix. La méthode est similaire à celle du protectionnisme industriel, en pire : « Nous sommes favorables au commerce international qui a toujours favorisé la prospérité au niveau mondial. Mais (…) ». Mais le programme refuse l’entrée dans l’Union européenne « de produits agricoles ou de la pêche qui ne correspondent pas aux mêmes standards environnementaux ou les taxer très fortement pour rétablir une concurrence loyale ». Les consommateurs, évidemment jamais cités, apprécieront. S’y ajoutent un refus de la conclusion de nouveaux accords contraires aux intérêts de l’Union et de la France, une « revue générale » des accords existants, des « clauses miroirs », des clauses de sauvegarde et, si cela ne suffisait pas, des « contrôles stricts aux frontières » (p. 29).

En substance, le programme des Républicains fait penser au verre à moitié vide ou à moitié plein. Il sera considéré par beaucoup comme le « moins pire » des programmes, ce qui ne sera pas très compliqué eu égard au caractère affligeant des autres, mais cela sera-t-il suffisant pour inciter les citoyens à se déplacer aux urnes et à voter LR ?

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5 commentaires

ORILOU 4 juin 2024 - 10:51

S’agissant d’une simple mesure de bon sens, on ne voit pas en quoi il serait regrettable de pénaliser l’entrée des produits ne remplissant pas les critères imposés aux producteurs Européen Il suffirait que l’Europe et la France mettent fin à l’inflation normative pour que les échanges s’équilibrent. Où est le problème ?
Panneaux solaires, voiture électriques, électro-ménager etc. font déjà les délices d’usines chinoises et/ou asiatiques au détriment des usines Européennes… parfois aux frais des contribuables européens.
Que dire des médicaments toujours plus nombreux en ruptures de stocks.
On peut être favorable au commerce international sans être partisan du n’importe quoi.

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MARSOUIN 4 juin 2024 - 1:42

Bonjour, les LR ont un lourd passé d’opposition à « ventre mou » ou de pseudo opposition si l’on préfère.
Il leur faudra sérieusement se racheter de cette faiblesse s’ils veulent qu’on leur fasse confiance.
Ce n’est donc pas encore vers eux que je me tournerai.

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Jean-Aymar de Sékonla 5 juin 2024 - 8:36

N’oubliez quand même pas que c’est la complicité Modem-LR qui nous à mis Macron… et qui ont donc une écrasante responsabilité sur le déclassement de la France. Ces gens sont carriéristes avant tout. Ne vous laissez pas berner.
Si vous voulez faire carrière c’est pas chez reconquête qu’il faut aller!

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gerard 6 juin 2024 - 11:55

Il faut que la concurrence , qui est indispensable pour le bien des consommateurs et du pays, soit par contre loyale , et je trouve que le programme LR est bien équilibré à ce sujet . Je suis un ancien élève de Milton Friedman (Chicago) , et nos libéraux de l’IREF devraient relire ses papiers sur la concurrence….

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Nicolas Lecaussin 6 juin 2024 - 3:26

Je ne pense pas, cher Gérard, que pour Friedman la concurrence loyale équivaut au protectionnisme et encore moins imposer aux autres nos propres normes et réglementations, d’autant plus si elles sont pénalisantes pour nous-mêmes.

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