Insécurité, complexité administrative, situation financière difficile : la ville et la métropole de Marseille ne sont pas en capacité d’investir autant que d’autres capitales régionales. L’Etat est donc venu à la rescousse au travers de son plan « Marseille en grand », qui n’a pas brillé par une grande efficacité…
 Le 5 novembre 2018, la ville de Marseille avait défrayé la chronique mais pas, cette fois-là , pour des violences urbaines qui donnent parfois l’impression d’être en Amérique su sud : deux immeubles insalubres s’étaient effondrés rue d’Aubagne, causant la mort de huit personnes et le laxisme des pouvoirs publics concernant la vétusté des bâtiments urbains.
C’est d’ailleurs toute l’aire métropolitaine qui souffre de défauts graves – les médias ont beaucoup parlé des écoles mais ce ne sont pas les seuls équipements qui auraient besoin d’être rénovés. En septembre 2021, le président de la République a donc annoncé, sous une pluie torrentielle, ce fameux plan « Marseille en grand », chiffré à cinq milliards d’euros. Son ton et ses propos étaient très déterminés : « Je reprends les commandes puisque les écoles, les transports, les logements sont laissés à l’abandon. » Las, depuis lors, l’État pompier s’est fait étriller par la Cour des comptes, notamment pour un manque flagrant d’organisation et pour n’avoir pas exigé de contreparties de la part des collectivités concernées.
Un beau plan pour Marseille, sans aucun objectif précisÂ
Bien que le PIB par habitant – 40 500 € pour la cité phocéenne et ses dépendances – soit supérieur de plus de 10 % à la moyenne nationale, ce qui suppose une base fiscale solide pour le prélèvement des impôts locaux, la Cour confirme que l’état des équipements publics et des logements de l’aire urbaine est inquiétant. Précisément, selon son constat, 38 % des écoles, joliment qualifiées de « sites à enjeux », sont délabrées et de 40 à 60 000 logements sont considérés comme des habitats indignes, soit environ 10 % du parc total (un chiffre cinq à dix fois plus élevé que dans les autres grandes villes).
Impuissant face au narcotrafic, l’État n’est plus capable  d’assurer correctement la tranquillité publique, ce qui peut créer d’autres problèmes comme la désertification médicale de certains quartiers, surtout les fameux quartiers nord, abandonnés par des médecins peu désireux de recevoir des tirs de mortier. Le 15e arrondissement de Marseille ne compte que 69,8 médecins généralistes pour 100 000 habitants, contre une moyenne de 112,5 pour l’ensemble de la ville.
Le plan était donc censé répondre à un problème global en intervenant dans huit domaines, les crédits étant répartis de la manière suivante :
Faits troublants : aucune structure de décision associant l’État et les collectivités n’a été mise en place, le suivi étant exclusivement réalisé par la préfecture. Pas d’indications précises non plus sur les objectifs à atteindre, aucun critère de performance défini, donc aucune possibilité de dresser un bilan crédible des actions en cours ou prévues.
Sans objectifs fixés noir sur blanc, le plan en reste au stade des intentions
La métropole Aix-Marseille-Provence, avec 1,9 million d’habitants, est la deuxième aire urbaine française et couvre 93 % du département des Bouches-du-Rhône. Est-il vraiment nécessaire d’ajouter une strate supplémentaire à ce gigantesque millefeuille administratif méridional dont l’IREF a déjà parlé ?
La situation financière de l’EPCI (établissement public de coopération intercommunale) est assez peu reluisante, notamment parce qu’il continue à verser 178,5 M€ aux communes. Ces petits arrangements locaux se traduisent par une capacité brute d’autofinancement par habitant[1] de l’ordre de 217 € (contre plus de 350 € pour Bordeaux, en tête du classement), soit une valeur inférieure de 17 % à la moyenne nationale métropolitaine. De fait, la métropole régionale est la troisième plus endettée de France, derrière celles de Nice et de Clermont-Ferrand, avec une capacité de désendettement de presque 8 ans. Ses dépenses d’investissement sont de 20 % inférieures à la moyenne des autres métropoles et 60% des sommes ne viennent  pas de ressources propres mais sont empruntées. Comme le souligne la Cour des comptes, tous les indicateurs sont au rouge quand on les compare à ceux des autres métropoles régionales.
Le plan n’ayant pas été contractualisé, la collectivité a montré beaucoup de bonne volonté pour ignorer les vagues incitations à rationaliser son action, notamment par la suppression des versements aux communes, mais sans mention, de toute façon, d’une éventuelle baisse de ses dépenses de fonctionnement.
Globalement, l’affaire illustre bien l’irresponsabilité, notamment fiscale, des collectivités locales, qui pestent contre leur manque d’autonomie mais ne laissent pas d’appeler l’État à l’aide lorsque leur mauvaise gestion les empêche d’assurer les prestations relevant de leurs compétences.
Il est donc nécessaire, d’une part de leur accorder cette autonomie fiscale, si possible en rationalisant la collecte des impôts locaux (par exemple via un système de centimes additionnels), d’autre part de faire faire baisser le niveau de leurs dépenses en réduisant progressivement la dotation globale de fonctionnement (DGF) ou d’autres dotations annexes.
[1] C’est-à -dire le montant de ressources disponible pour être investi rapporté, au nombre d’habitants, endettement non compris.
3 commentaires
” Je reprends les commandes… ”
verra-t-on mieux du côté de Mayotte ?
Donner l’autonomie fiscale à des collectivités locales irresponsables ne les empêchera pas d’appeler l’État à l’aide lorsque leur mauvaise gestion les empêche d’assurer correctement leurs compétences, mais garantira la création de taxes et impôts supplémentaire – voir la ville de Paris par exemple.
C’est la dernière chose à faire !
Au contraire il faut que tous soient convaincus que leurs ressources ne bougeront pas…
Où trouver des sous ? Il suffirait de lever un impôt sur le monde de la drogue si bien implanté à Marseille . . .