Nombre d’entreprises se soumettent encore aux oukases de la bien-pensance en instituant en leur sein des politiques plus ou moins intransigeantes de quotas des races, des croyances, des genres ou de ceux qui n’en ont pas, ou qui n’en ont plus, ou qui en changent… « La moralisation triomphe en entreprise » observe Julia de Funès dans son ouvrage La vertu est dangereuse (L’Observatoire, septembre 2024). Mais peut-être plus pour longtemps. Car ça ne marche pas.
Dans la foulée du décès de Georges Floyd aux Etats-Unis et du mouvement Black Lives Matter, l’entreprise Lego a déclaré qu’elle renonçait à toute publicité sur ses jouets mettant en scène des policiers. Des sociétés comme Coca Cola ou Lockheed Martin font suivre à leurs salariés des formations pour les inciter à la diversité, pour « être moins blancs » et cesser de se prévaloir de tout privilège masculin ou hétérosexuel. Ces programmes Diversity, Equity, Inclusion trainings (DEI trainings), auxquels correspondent, peu ou prou, en France, des projets labellisés ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), peuvent conduire jusqu’à une nouvelle inquisition et une vindicte haineuse qui se propagent aussi dans les médias contre tous les auteurs, présents ou passés, suspects, de près ou de loin, d’avoir eu des opinions transgressives. Les grandes entreprises se dotent d’un directeur « diversité et inclusion », elles embauchent selon des critères de sexe, de race, de minorités sexuelles… Dans la même optique, les fonds d’investissement exigent des entreprises pour lesquelles ils cherchent des capitaux, qu’elles exhibent leur connotation inclusive afin de répondre aux attentes de certains investisseurs.
La discrimination inversée
Les entreprises confondent ainsi les rôles de l’entreprise et celui des familles ou des communautés politiques. Car l’entreprise se doit d’être efficace avant que d’être compassionnelle. La vertu est dévoyée quand elle n’est pas ordonnée aux finalités de ceux qui la pratiquent. Or la finalité des entreprises n’est de faire ni de la politique ni de la charité, contrairement à ce qu’a voulu en faire en France la loi PACTE du 22 mai 2019.
D’ailleurs, dans cette politique de diversité, les entreprises se moquent des gens qu’elles recrutent, elles les choisissent pour se prévaloir de leur appartenance plus que par souci éthique. Et quand elles se préoccupent à l’excès des origines, de la couleur de peau ou du sexe de ceux qu’elles embauchent, elles mettent en œuvre, de fait, une discrimination inversée, avec une politique d’emploi au faciès pour combattre des embauches au faciès, ce qu’ont fait valoir les étudiants asiatiques qui ont saisi la Cour suprême des Etats-Unis pour qu’elle interdise – ce qu’elle a fait par son arrêt du 29 juin 2023 Student for Fair Admission vs Harvard University – les pratiques de quotas en faveur de certaines races ou autres à l’entrée des universités dont le résultat était de pénaliser notamment les jeunes Asiatiques, généralement plus brillants.
Les limites de l’inclusion
Cette politique dite « inclusive » a donc ses limites. D’autres fonds activistes et des actionnaires se rebellent contre les pratiques de Disney qui fait des dons à des organisations favorables à la cause LGBTQIA+ et produit des films plus « inclusifs » que divertissants (« The Marvels« , « Wish« …). Netflix s’est plu à mettre en scène dans ses films des gens de couleur pour représenter ses personnages occidentaux (La Chronique des Bridgerton, Arsène Lupin…), mais les spectateurs n’ont pas apprécié. Ce wokisme a sans doute été une des causes des difficultés de Disney et Netflix, qui en reviennent. Dès la fin 2023 le PDG de Disney, Bob Iger, rappelait à ses créateurs qu’ils devaient « d’abord divertir [plutôt que] d’envoyer des messages ». Après que nombre de clients ont estimé, avec Elon Musk, que le virus woke rendait Netflix irregardable, il semble que la firme de streaming ait infléchi sa politique. De leur côté les administrateurs de Danone ont mis dehors Emmanuel Faber quand ils ont constaté que sa politique « inclusive » réduisait les résultats. C’est le constat que font de plus en plus d’investisseurs qui préfèrent des placements sûrs et rentables à des investissements idéologisés et… incertains.
Le wokisme est un enfant naturel du totalitarisme comme le disait déjà Hannah Arendt, ainsi que le souligne l’excellent ouvrage de Bérénice Levet (Penser ce qui nous arrive avec Hannah Arendt, L’Observatoire, août 2024). La modernité s’est émancipée au point de prétendre que l’être humain peut être son propre créateur. En sont nés les régimes totalitaires qui croient que tout est possible et que, donc, tout peut être détruit, et qui confondent la liberté avec la rupture de tous les liens. Le wokisme en est un rejeton, une forme renouvelée du totalitarisme dans son acharnement à effacer le passé sinon pour condamner aux pires châtiments ceux qui sont désignés pour être coupables de tous ses maux supposés.
Il faut toujours se méfier des donneurs de leçons morales ainsi que nous l’ont démontré tant de ceux dont on avait indûment faite des icônes, de l’abbé Pierre à Oliver Duhamel et Gérard Miller. Même Emmanuel Faber semble d’ailleurs l’avoir compris en proposant désormais, dans sa nouvelle qualité de président de l’ISSB au London Stock Exchange, d’instituer dans le monde anglo-saxon des normes environnementales ESG moins contraignantes que celles de l’Europe.
Dans un marché concurrentiel, l’intérêt de toutes les parties prenantes (actionnaires, salariés, dirigeants, clients, fournisseurs, institutions publiques…) est que l’entreprise optimise le rapport qualité/prix de sa production dans le respect des hommes et du droit. Pour ce faire elle doit être principalement orientée dans ses recrutements et dans ses promotions par la qualité des individus qu’elle emploie et leurs mérites plus que par leur identité. Déjà d’ailleurs de grandes firmes réduisent leurs équipes « inclusion » au profit de celles en charge de l’Intelligence artificielle (même si elle n’est pas intelligente !). Le wokisme qui ignore les règles élémentaires de l’entreprise ne saurait y survivre longtemps.
8 commentaires
Moi aussi je veux un statut particulier!je ne suis pas comme tout le monde ,je suis unique,nous somme TOUS unique,nous voulons tous un statut unique!C’est le serpent qui se mord la queue!
Excellent article.
LGBTQIA+ ?
pas une seule majuscule à ajouter ?
et comment pourrais-je devenir moins blanc que je le suis ?
Christian
si vous voulez devenir un peu plus mate de peau : il y a le permanganate de potassium( c’est véridique, j’ai eu le droit à un traitement cutané avec ce produit quand j’étais enfant ; ma peau est devenue marron clair à l’endroit du traitement).
Bien sûr, c’est sur le ton de la plaisanterie!!!
LGBTQIA+B=X
Voilà ce que m’inspire le nom à rallonge de ce lobby de fous.
Que du bon sens.. merci pour votre travail.
Il est temps que ça se calme mais en attendant, beaucoup de dégâts ont été faits et les problèmes d’inclusion demeurent.
En tous cas, si ce n’est effectivement pas aux entreprises de les résoudre, ce n’est surtout pas aux administrations (en premier lieu à l’éducation nationale ni aux médias publics) de les exacerber.
Il faut extirper de notre société le virus collectiviste avec l’illusion de « l’homme nouveau » et ses cortèges d’horreurs. Mais comment ?
Commencer par arrêter de voter à gauche serait une bonne idée (et je précise qu’en France, le Rassemblement National aussi est de gauche et dit amen à toutes les évolutions sociétales réclamées par le wokisme).
Arrêter d’urgence d’exposer nos enfants à Internet me semble aussi être une priorité. Ne les laissez y accéder qu’après leur avoir mis de vrais livres (beaucoup) entre les mains afin qu’ils aient eu le temps, ainsi, d’exercer leur esprit critique.
Et avec cet esprit critique, s’élever contre le capitalisme idéologique qui est et reste le principal danger car c’est lui qui a le plus de moyens et impose ses normes jusque dans la sphère publique ; ce n’est pas l’État qui nous a inventé les « relecteurs de sensibilité » qui sévissent (et censurent), par exemple, aujourd’hui dans nos maisons d’édition.