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La sécurité et le gouvernement déboussolés

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La proposition de loi relative à la sécurité globale a été déposée le 20 octobre 2020 par deux députés LREM et soutenue par le gouvernement au point de la soumettre au Parlement en procédure d’urgence. Le projet était de renforcer les pouvoirs de la police municipale, l’accès aux images des caméras-piétons, la captation d’images par les drones et de limiter la diffusion de l’image des policiers.

Le fameux article 24 était initialement rédigé comme suit :
« Le paragraphe 3 du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 35 quinquies ainsi rédigé :
Art. 35 quinquies. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale autre que son numéro d’identification individuel lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. »
Après des débats déjà houleux, il a finalement été adopté comme suit, sur amendement gouvernemental, les 20 et 24 novembre :
« Sans préjudice du droit d’informer, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification, autre que son numéro d’identification individuel, d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de police municipale, lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police. »
Ce projet de loi a été adopté à une très large majorité comprenant les groupes de la majorité présidentielle et 99 des 105 députés LR, un seul d’entre eux s’abstenant.

Face au tollé provoqué par l’atteinte grave et manifeste de cet article 24 à la liberté d’expression et d’information, Jean Castex, a annoncé, jeudi 26 novembre, la création d’une « commission indépendante chargée de proposer une nouvelle écriture » de l’article, ce qui revenait à vouloir se substituer au législateur ! Devant une telle bévue qui a soulevé à nouveau les protestations, il s’est ensuite rétracté en reconnaissant que la « réécriture d’une disposition législative ne saurait relever que du Parlement » !

Bref, le gouvernement travaille dans la précipitation la plus totale et sans réflexion. Il est débordé par les évènements et par l’opinion. Il n’a pas de ligne directrice, il s’affole et multiplie des textes inutiles et dangereux, au surplus inapplicables, pour cacher son impuissance.

Car au même moment, il s’apprête à soumettre au Parlement un projet de loi sur le « séparatisme » dont l’article 25 prévoit d’insérer un nouvel article au code pénal (223-1-I) ainsi rédigé :

« Le fait de révéler, diffuser ou transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser, dans le but de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens, est puni de trois ans d’emprisonnements et 45 000€ d’amende. Lorsque les faits sont commis au profit d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000€ ».

Chacun constatera que cet article 25 du projet de loi « séparatisme » pourrait suffire à protéger les forces de l’ordre sans remettre en cause la liberté de la presse qui défend, elle, les citoyens contre les excès toujours possibles des dites forces de l’ordre. Ce qui, sous réserve des résultats des enquêtes en cours, ne semble pas un vain mot au moment où plusieurs affaires montrent des violences policières gratuites qui n’auraient pas pu être dénoncées sans les images qui en ont été prises. Alors pourquoi cet article 24 ? Car autant, il faut sans doute comprendre que les agents de police dépêchés place de la République pour en déloger les occupants illégaux et soumis de la part de ces derniers à de nombreuses provocations, aient pu chercher à se saisir de leur personne, y compris par un croche pied, il n’est évidemment pas admissible que les policiers aient à l’égard de citoyens ordinaires des comportements qui le disputent par leur violence et leur haine à ceux des pires voyous.
Il ne s’agit pas pour autant de limiter l’action des forces de sécurité. Au contraire, il faut les soutenir dans leurs actions de maintien de l’ordre et leur reconnaitre volontiers la légitime défense quand elles sont face, comme ce dernier samedi place de la Bastille et presque tous les week-end, aux casseurs en furie. Il faut leur donner les moyens de s’opposer à ceux qui veulent détruire notre société sans respect de nos valeurs communes et notamment de la libre expression.

Une fois encore il faut observer que la majorité politique ferait mieux de concentrer ses efforts sur le renforcement et la formation des forces de l’ordre et de la justice plutôt que de gonfler les dépenses sociales comme une baudruche et de mettre le feu à l’économie et à la société au nom d’une urgence sanitaire. Celle-ci n’a d’ailleurs, pour une large partie, de nécessité qu’à la mesure de l’incurie de l’Etat et ne sert peut-être qu’à dépenser sans compter au détriment des contribuables chargés de payer ensuite les frais d’une telle gabegie. Ce gouvernement qui n’est plus que l’ombre d’un pouvoir a-t-il un avenir ?

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2 commentaires

Hank Rearden 30 novembre 2020 - 9:01

Décevant
Votre soutien à demi-mot à l'état policier, guidé par une ignorance des faits sur le terrain, est très décevant.

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François MARTIN 30 novembre 2020 - 10:05

Dans la "gabegie" actuelle, la police est l'un des rares corps qui fonctionnent encore à peu près correctement
Il est par ailleurs probable qu'une étude comparative objective des "violences policières" et des violences anti-policières montrerait que, pour le nombre de morts, les policiers sont loin d'être les plus coupables.

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