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La Gauche n’aime pas davantage les fourmis, que les vraies réformes économiques

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On vient donc de l’apprendre: parmi les 14 mesures destinées à permettre au budget de l’Etat de réaliser quelque 14,5 milliards d’euros d’économies en 2016, les établissements d’enseignement supérieur vont à nouveau monter en première ligne. Déjà pour cette année 2015, 97 millions d’euros (96,6 exactement) seront ponctionnés sur 11 universités, une bonne vingtaine d’écoles d’ingénieurs et une dizaine d’autres grandes unités touchant à l’enseignement supérieur, qui représentent ensemble un peu plus d’un tiers des établissements œuvrant dans le secteur. Le tort de ces « bourgeois de Calais »? Oser présenter dans leurs comptes un fonds de roulement supérieur à 65 jours de fonctionnement, ce qui en bonne gestion socialiste, formatée au déficit permanent et aux flux tendus, est une faute lourde et inexcusable.

I – LES ECONOMIES DANS L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Certes la Conférence des Présidents d’Université a bien pu dénoncer « une décision inepte », critique que relaie pleinement la Conférence des Directeurs des Ecoles Françaises d’Ingénieurs. Qu’importe, le Gouvernement n’en est pas à une avanie près et l’on connaît l’indéfectible attirance du pouvoir politique français – de gauche, comme de droite d’ailleurs – pour les décisions les plus malheureuses, celles qu’on traîne ensuite pendant des années parce qu’elles ont sournoisement et irréversiblement compromis l’avenir. Quoi qu’il en soit, en sont donc pour leurs frais tous ceux qui au sein de leurs unités ont oeuvré pour une gestion prudente de leurs crédits, en croyant qu’il était probablement sain en ces temps financièrement difficiles de se prémunir raisonnablement contre les aléas financiers de toute sorte (la plupart des unités attendent toujours en cette fin du mois d’avril leur dotation 2015), ou même de préfinancer d’ambitieux programmes d’investissement ou de recherche, mais qu’à cela ne tienne!

Certes on savait depuis longtemps que la Gauche préfère les cigales, mais jusqu’ici, elle avait évité de commencer à casser les pattes des fourmis. Maintenant, c’est fait et l’Université d’Artois, par exemple, se trouve mise à l’index avec 24 millions de retenues pour avoir osé se constituer progressivement un fonds de roulement parfaitement indécent de 161 jours de fonctionnement (le ratio, reconnaissons-le, est indiscutablement élevé, mais pas nécessairement abusif s’il prépare des investissements futurs!). Ce comportement est très explicitement dénoncé par le pouvoir, parce qu’il aboutit à une sorte de rétention, presque de thésaurisation de l’argent public, inacceptable en ces temps de disette. Et avec cet art consommé qu’a la présente majorité de faire de chacune de ses décisions une leçon de morale, le Ministère assène l’argument ultime, selon lequel « l’argent public étant rare, autant qu’il soit dépensé intelligemment ». Ceux qui, malgré eux, se rappellent le récent scandale d’Ecomouv ou l’épique désamiantage de Jussieu, sont bien sûr priés de ne pas s’étrangler. Implicitement, les établissements ponctionnés (6 dans le Nord-Pas de Calais subissent à eux seuls une moins-value de quelque 37 millions d’euros, soit nettement plus du tiers des économies nationales! sont donc traités comme des affameurs, parce qu’ils conservent injustement et égoïstement par devers eux une partie des crédits que leurs petits camarades savent si bien dépenser.

Mais reconnaissons quand même la magnanimité du pouvoir, puisqu’il prévoit que les établissements ainsi pénalisés dans leurs dotations pourront librement puiser dans leur fonds de roulement, aussi bien pour assurer l’équilibre de leur fonctionnement, que pour relancer une politique d’investissement que la rue de Grenelle juge insuffisante. Il paraît en effet que la Ministre supporte de plus en plus mal le renouvellement régulier, y compris sur les chaînes publiques, d’une série de reportages fort déplaisants sur le délabrement avancé de certains locaux, quand ce n’est pas sur leur caractère dangereux, insalubre ou repoussant.

De toute manière, le Ministère nous assure que ce coup de rabot intervient pour la bonne cause, puisqu’il procurera quasiment la moitié des 200 millions d’euros supplémentaires consacrés à l’augmentation de la masse salariale et des autres moyens de fonctionnement de l’enseignement supérieur (l’autre moitié étant fournie par le dégagement du fameux chantier de Jussieu précité). Certes le citoyen ordinaire, qui ne maîtrise pas l’orthodoxie subtile de la finance socialiste, se demande comment il se fait que dans le cadre d’une réduction annoncée de la dépense publique, les économies réalisées auprès des uns servent à gager les augmentations promises aux autres. Il s’étonne aussi que l’enseignement supérieur qui fait pourtant partie des priorités et des préférences présidentielles se trouve ainsi sanctionné, sans avoir véritablement fauté, alors qu’il est porteur d’avenir et de progrès pour l’ensemble de la Nation. D’ailleurs, les responsables des établissements concernés ne se font pas prier pour assurer que ce mauvais coup impactera immédiatement et prioritairement leurs programmes d’investissement et de recherche, pour complaire à l’obsession de l’immédiateté et du court terme qui inspire ce pouvoir. Certains mauvais esprits objecteront en outre que cette intervention venue d’en-haut semble difficilement compatible avec l’autonomie, dont on a récemment voulu progressivement doter l’ensemble de nos universités. D’autres esprits tout aussi chagrins feront valoir enfin que ce « hold-up » risque de dégoûter à jamais les unités les plus vertueuses de réaliser la moindre économie et qu’elles rejoindront promptement celles pour lesquelles tout excédent est un gros mot. Mais qu’importe, 50 milliards d’économies ont été promis à Bruxelles en trois ans et tout est bon ou presque pour montrer au bon peuple et à l’Europe que la détermination du pouvoir est sans faille. Il reste que les quelque 97 millions de crédits 2015 de ce coup de menton ne représentent qu’un peu moins de 0,70% de l’effort annuel requis au plan global. Autant dire que le plus difficile reste à faire…

II – L’ABSENCE DE VRAIES REFORMES AILLEURS

Or cette malheureuse manipulation en fait craindre bien d’autres ailleurs, puisque aussi sournoisement qu’efficacement, elle opère entre l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur une sorte de mutualisation rampante des ressources, en privilégiant les gestions les plus dépensières tout en sanctionnant les plus prévoyantes. Malheureusement, bien d’autres exemples en bien d’autres domaines illustrent dans notre pays ce parti pris à courte vue, tétanisé par l’urgence et excluant toute réflexion à long terme. On se gardera de rappeler le détournement quasi-immédiat et scandaleux de la contribution de solidarité pour l’autonomie de 0,30%, imposée aux retraités soi-disant pour financer le coût de leur éventuelle dépendance. Pourtant pour les retraites complémentaires du privé, on envisage rien de moins que de fusionner les deux régimes « cadres » et « non-cadres », alors que leurs réserves leur sont propres, qu’elles sont parfaitement individualisées et qu’elles ne sont pas normalement miscibles. Même menace aggravée encore pour les quelque 20 milliards d’euros et plus de provisions techniques patiemment et prudemment accumulées au fil des ans par les caisses des retraites des professions libérales sur lesquelles l’Etat, avec la complicité bienveillante de la Cour des Comptes, vient d’appesantir considérablement sa tutelle. Ces quelques exemples, qui sont loin d’être exhaustifs, montrent un pouvoir financièrement aux abois et qui lorgne volontiers l’argent qui se trouve dans la poche des autres…

En fait, on observe que toutes les réformes économiques de ces trois dernières années – celles déjà convenues, comme celles en cours – se détournent systématiquement des enjeux les plus importants. Les plus abouties ne font jamais qu’effleurer l’essentiel sans jamais aller au cœur du sujet et c’est devenu une spécialité de ce Gouvernement d’exhiber ses maigres efforts de réforme, en préférant toujours les cibles les plus voyantes ou les plus vulnérables à celles les plus importantes ou les plus stratégiques. On comprend bien que lorsqu’on veut supprimer des niches, il soit préférable d’éviter celles qui abritent les chiens les plus mordants. Mais depuis trois ans et dans le domaine économique, c’est au mieux (le chômage n’en faisant pas partie) le sur-place qui l’emporte. On observe certes que le souci de communication est évident et omniprésent, mais la forme ne doit pas vider, ni vicier la matière et on aimerait que les annonces du pouvoir soient lestées au fond de quelques mesures plus substantielles. Depuis le temps que prévaut cette sinistre stratégie d’évitement dont Bruxelles pourrait bien finir par se lasser, on attend toujours en effet une réflexion et une politique courageuses notamment:

– sur un plan pluriannuel de maîtrise et de réduction significatives de la dépense publique désormais parvenue à des sommets déraisonnables;

– sur la réduction progressive des effectifs de la fonction publique ramenés à leur dimension spécifiquement régalienne;

– sur la résorption de l’anomalie qui consiste à subventionner les retraites publiques par une ponction directe et annuelle de plusieurs dizaines de milliards sur le budget de la Nation;

– sur l’éradication rapide du conflit d’intérêt flagrant qui permet à des fonctionnaires censés servir l’Etat d’en prendre en réalité le contrôle à leur plus grand profit, en investissant méthodiquement et en masse tout aussi bien le Gouvernement et les Cabinets ministériels que le Parlement, mais pas seulement puisque présentement le Conseil Constitutionnel est exclusivement composé de membres issus du secteur public, comme si eux seuls pouvaient apprécier la constitutionnalité d’un texte ou la légitimité d’une élection présidentielle;

– sur la dérive inquiétante et constante du secteur hospitalier public, avec la solution du problème des urgences créé de toutes pièces par une politique de Gribouille aveuglément poursuivie pendant des décennies par des ministres incapables de penser par eux-mêmes;

– sur la redéfinition du rôle, de l’organisation et du fonctionnement des syndicats salariaux qui, en réunissant à grand peine comme adhérents 8% des salariés français, ne peuvent décemment prétendre à eux seuls confisquer et bloquer tout le dialogue social du pays (pour être juste, soulignons que les mêmes problèmes – ou presque – se posent mutatis mutandis pour les syndicats patronaux, dont la représentativité se concentre sur les entreprises de grande taille, dont les effectifs dépassent ordinairement plusieurs centaines et parfois plusieurs milliers de salariés);

– sur une fiscalité locale enfin cohérente après trente ou quarante ans d’errements et d’injustices parfaitement connus;

– sur les abus insoutenables des régimes spéciaux, qui cumulent la sécurité et les avantages de retraite des emplois publics avec – pour trop de postes – les durées de travail les plus brèves du monde du travail tout en approchant – voire parfois même en dépassant- le niveau des rémunérations privées;

– sur l’inflation persistante des codes, des lois, des règlements, des circulaires, des instructions et des normes qui, par leur volume et leur complexité insensés, handicapent, quand ils ne la suppriment pas, l’initiative et l’innovation dans notre pays;

et de manière plus générale une plus grande fermeté et une meilleure réactivité vis-à-vis de tous ceux (ils se reconnaîtront sans peine) qui, dans ce pays, pèsent davantage par leur pouvoir de capter, de nuire, d’empêcher et de bloquer que par leur propension à servir le pays et à augmenter sa richesse.

CONCLUSION: EN ATTENDANT 2017

Loin de ces ambitions, les plus sceptiques pensent au vu des trois premières années qu’il reste au pouvoir deux ans pour ne pas faire pire, en espérant que la croissance tant attendue finira bien par gommer tout ou partie de ses carences, notamment en inversant in extremis – mais probablement qu’à la marge vu la faiblesse de la croissance escomptée rapportée à l’ampleur de la détérioration déjà actée – le cycle infernal du chômage. En réalité, au-delà de la flotte de cars promise par Monsieur Macron, l’économie française attend toujours les réformes qui rapprocheront enfin sa compétitivité de celle de ses concurrents.

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1 commenter

dominogris 14 mai 2015 - 5:55

soviétisation
On retrouve la même aberration dans les fonds de péréquation des collectivités locales. Responsabilité diluée et prime aux mauvais gestionnaires.

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