Non, le gouvernement ne parviendra pas à retrouver ses objectifs de déficit public dans les délais fixés par Bruxelles. Et pourtant les 3% de déficit, que la France aurait dû ne pas dépasser à partir de 2015, étaient encore bien insuffisants, puisqu’ils laissaient la dette publique continuer à augmenter, alors qu’elle se trouve déjà à près de 95% du PIB ; ce qui représente environ cinq fois les ressources fiscales du pays. Le nouveau gouvernement voudrait en effet obtenir un nouveau report : un de plus ! Et pour cacher sa mauvaise note, il aimerait que l’on fasse alliance avec l’Italie et plus généralement avec d’autres pays du Sud peut-être. Mais il ferait mieux d’observer ce que ces pays ont fait, ou ont annoncé, et essayer de retenir les raisons de leur succès.
L’Italie du social démocrate Matteo Renzi semble avoir la volonté de « prendre le taureau par les cornes », en instaurant d’importantes baisses d’impôts et de charges, en introduisant des réformes de structure par la modification du rôle du Sénat et des modes de scrutin, en acceptant la signature de contrats de travail plus souples, en accélérant les délais des jugements, en encourageant l’Etat à payer les entreprises dans des délais normaux, tout en finançant ce programme par la baisse significative des dépenses publiques, notamment avec la suppression annoncée de 85 000 postes dans la fonction publique. Ainsi le déficit public devrait être ramené à 2,6% du PIB en 2014 et à 2,2% en 2015.
De son côté, l’Irlande parvient maintenant à emprunter sur 10 ans au taux de 3%, ce qu’elle n’avait pas fait depuis 2010. En 2013, son PNB a augmenté de 3,4%, tandis que son taux de chômage se réduisait de 13,7 à 11,7%, alors que pour la même période, il continuait d’augmenter dans la zone euro, où il culmine actuellement à 12% en moyenne. La dette publique de ce pays reste élevée, à 120% du PIB, mais l’Irlande peut compter sur ses forces structurelles, notamment la flexibilité de son marché du travail, avec des taux d’imposition attractifs ; et en particulier, son taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés à 12,5%, qu’elle pratique depuis plus de 20 ans, et qu’elle maintient contre vents et marées, malgré les pressions des Européens, pendant la crise, pour une augmentation.
Suivant l’Irlande, le Portugal souhaite aussi sortir au plus vite du plan de sauvetage de l’Europe et du FMI. Le retour de la croissance s’esquisse avec 0,6% au dernier trimestre 3013, le chômage reflue et les exportations bondissent. A un niveau de 129% du PIB, la dette publique reste encore très élevée, mais le pays parvient à emprunter à des taux de 4 à 5%, contre 6 à 7% il y a peu. L’austérité paye, malgré ses déboires et les difficultés à la faire accepter. Mais le Portugal baisse les impôts pour les retraités qui viendraient s’implanter sur son territoire. Ajoutée à des prix attractifs pour l’immobilier, elle constitue un appel à s’installer dans le pays, lancé aux Européens excédés par la spirale infernale de la fiscalité.
L’Espagne peine encore, elle aussi, à réduire son endettement, qui atteint 94% du PIB. Mais plutôt que d’augmenter les impôts, le gouvernement envisage de réduire le taux d’impôt sur le revenu de 52 à 50% sur la dernière tranche d’impôt sur le revenu ; et de supprimer tout impôt sur le revenu pour les revenus inférieurs à 12 000€ par an. Sur la base des propositions de la Commission d’experts de la Réforme fiscale, nommés par le gouvernement pour formuler des recommandations, le taux de l’impôt sur les sociétés, actuellement à 30%, pourrait aussi être abaissé de 5 à 10%. La croissance devrait revenir au taux de 1% en 2014, grâce à la compétitivité du travail qui désormais encourage les exportations.
Même la Grèce annonce son retour sur les marchés en juin prochain, avec un déficit budgétaire réduit à 2,2% du PIB en 2014. Le pays reste très fragilisé par un taux de chômage qui dépasse 27%, et une dette publique qui atteindra les 177% du PIB. Mais il commence à apercevoir le bout du tunnel…
Il n’y a pas eu de miracles. En effet, ces pays ont engagé, parfois sous la contrainte, des réformes structurelles qui commencent à payer : flexibilité du marché du travail et baisse des coûts, allègement du » mammouth étatique « , restructurations fiscales, dénationalisations… Faudra-t-il que la France attende d’être comme la Grèce pour envisager sérieusement quelques réformes de fonds ? Il sera sans doute trop tard, car le Royaume Uni, et d’autres îles ou péninsules, auront déjà attiré les meilleurs start up, en même temps que tous les investisseurs.