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Faut-il fusionner l’Allocation spécifique de solidarité (ASS) et le Revenu de solidarité active (RSA) ?

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En juin 2018, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno le Maire, avait déclaré sur Europe 1 qu’il serait “légitime de réduire la politique sociale sur l’emploi”. Une parole qui en avait effarouché plus d’un dans la mesure où elle évoquait l’hypothèse d’une extinction de l’aide destinée aux chômeurs ayant épuisé leurs droits, l’allocation de solidarité spécifique (ASS).

La suppression de l’ASS avait déjà été envisagée en 2014 dans un rapport de l’IGF et de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales), mais la ministre du Travail de l’époque, Myriam El Khomri, s’y était opposée. La crise sanitaire ayant bloqué toute les réformes, rien n’avait plus bougé. Le débat pourrait toutefois ressortir à la faveur des élections présidentielles de l’année prochaine.

Coûts et bénéficiaires de l’ASS

L’ASS a été créée en 1984 pour les chômeurs en fin de droits. Contrairement à l’allocation chômage, elle relève d’un régime d’assistance et non d’assurance. Pour en bénéficier, il faut être à la recherche d’un emploi et justifier de cinq années d’activité salariée dans les dix années précédant la fin du contrat de travail.

Le montant de l’allocation forfaitaire mensuelle est de 507€ lorsque les autres ressources de l’allocataire (pour une personne seule) sont inférieures à 676€. Entre 676€ et 1183€, l’allocation est dégressive. Au-delà, elle ne s’applique plus.

Une personne qui retrouve du travail ne pourra toucher l’ASS que pendant trois mois, alors qu’un individu sans activité pourra cumuler les aides, ASS et RSA par exemple. Le montant du RSA étant fixé à 565€ mensuels, un allocataire de l’ASS cumulant les deux touchera 1072€, sans compter l’éventuelle aide au logement, soit 87% du Smic net, fixé à 1 231€ mensuels. L’incitation à travailler n’est donc que de 159€ par mois, ce qui est peu et permet de comprendre les raisons du faible taux d’inscription à Pôle emploi des titulaires de cette prestation : 48 % [[Anne-Claire Amprou et.al, Scénarios de réforme de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), IGAS, Rapport N°2014-015R / IGF N°2014-M-028-03, juin 2014.]].

Mini-jobs et suppression de l’assistance chômage : l’exemple allemand des politiques de responsabilisation

En Allemagne, au début des années 2000, les lois Hartz ont eu pour objectif de réduire le chômage en incitant les catégories les plus éloignées de l’emploi à réintégrer le marché du travail.

La loi Hartz II, d’avril 2003, instaure une aide à la création d’entreprise pour les chômeurs, l’Ich-AG, et élargit les possibilités d’application aux emplois dits « marginaux », les mini-jobs et les midi-jobs. Les mini-jobs sont des emplois à temps très partiel dont le revenu mensuel ne doit pas dépasser 450 euros ; les cotisations salariales y afférentes se limitent à la retraite (le salarié peut néanmoins demander de ne pas y cotiser) mais les cotisations patronales sont plus importantes que pour un emploi classique (de l’ordre de 28 % contre 20 % pour les contrats classiques).

Les Midi-jobs ont été créé afin de lisser la hausse des cotisations s’appliquant au salaire des personnes dont le nombre d’heures travaillées dépassait le plafond prévu pour les mini-jobs. Ainsi, pour les emplois donnant lieu à une rémunération mensuelle comprise entre 450 € et 1 300 € (850 € avant le 1er juillet 2019), un taux de cotisation salariale progressif est appliqué jusqu’à atteindre le taux plein au niveau du plafond de 1 300 €.

Ce type de contrat est souvent exercé en complément d’une activité classique. Ainsi, entre 2004 et 2011, 840 000 de ces mini-jobs complémentaires ont été créés (de 1,69 à 2,53 millions de contrats) contre seulement 81 000 exercés en activité unique. Les contrats des midi-jobs ont, de leur côté, augmenté aussi de 280 000 (de 1,19 à 1,37 millions). Cette croissance s’est poursuivie, et en 2018 leur nombre a atteint 7,6 millions au total, dont 2,8 millions en activité complémentaire et 4,8 millions en activité principale.

La loi Hartz IV de janvier 2005 supprime le régime d’assistance chômage (équivalent de l’ASS) destiné aux chômeurs en fin de droits et conditionne le bénéfice de l’aide sociale minimale à la signature d’un contrat d’insertion avec l’agence pour l’emploi. Elle créée aussi les ein-euro-jobs, un dispositif où le chômeur continue de percevoir son allocation tout en effectuant un travail d’utilité publique payé un euro de l’heure. Ils ont monté en puissance de 2005 à 2009, passant de 200 000 à 320 000 emplois, puis sont retombés et n’étaient plus que 188 000 en 2011.

Pendant la période 2004-2008, le taux de chômage de l’Allemagne recule de 3,4 points, contre seulement 1,6 points en France et 1,9 points pour la zone euro. Une baisse d’autant plus notable que les taux de croissance, de part et d’autre du Rhin, ont été comparables à cette époque.

Entre 2004 et 2011, grâce à ces lois et malgré une baisse de 1,3% de la population en âge de travailler, la population active augmente de 4,9%, augmentation portée par une hausse de 4,6% du taux de participation au marché du travail, particulièrement visible chez les seniors dont le taux d’activité augmente de 38% (de 47 à 65%). Le taux d’emploi, pendant la même période, augmente de plus de 7 points, de 64,9 à 72,4%. Les 2,5 millions d’emplois créés alors sont majoritairement atypiques : l’emploi intérimaire est multiplié par 2,7, passant de 331 000 à 882 000 personnes ; l’emploi à temps partiel progresse de 33% quand l’emploi salarié à temps plein augmente de 2,7% seulement.

Le serpent de mer de la fusion du RSA et de l’ASS

Au cours de son histoire récente, la France a mis en place un ensemble de prestations sociales catégorielles destinées à des populations spécifiques (personnes handicapées, personnes âgées démunies, parents isolés, chômeurs en fin de droit), avant d’en arriver à une réponse à vocation générique avec le RMI en 1988 puis le RSA en 2009.

Pour calculer l’effet de la suppression de l’ASS sur les ménages, la Direction générale du trésor a identifié quatorze cas-types de ménages : dans la moitié des cas, le passage de l’ASS au RSA génère une perte de revenus se situant entre 8 et 192 € par mois, soit de 1,1 % à 13,6 %. Dans les autres cas, les revenus sont maintenus. Les familles monoparentales sans revenu et les couples sans enfant ou avec un, deux ou trois enfants et sans autre revenu n’enregistrent aucune perte avec la réforme.

Finalement, l’idée d’une fusion du RSA et de l’ASS rejoint celle d’un revenu à vocation universelle. C’est la pire des solutions, celle qui habitue les chômeurs à vivre d’allocation plutôt que du travail. Il vaudrait mieux favoriser les mini-jobs comme l’ont fait les Allemands. Ils nous donnent la preuve par le résultat de l’efficacité de leurs dispositifs.

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4 commentaires

Sonia Palmer 16 juin 2021 - 1:49

Faut-il fusionner l’Allocation spécifique de solidarité (ASS) et le Revenu de solidarité active (RSA) ?
Merci pour ces données chiffrées détaillées qui ont le mérite de nous informer sur un sujet très peu évoqué par les médias. La comparaison avec l’Allemagne et effectivement très instructive. Cela donne à réfléchir, sans pour autant partir sur des conclusions hâtives…

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Philippe 16 juin 2021 - 6:22

Cumul ASS et RSA
Vous écrivez : « Une personne qui retrouve du travail ne pourra toucher l’ASS que pendant trois mois, alors qu’un individu sans activité pourra cumuler les aides, ASS et RSA par exemple. Le montant du RSA étant fixé à 565€ mensuels, un allocataire de l’ASS cumulant les deux touchera 1072€, sans compter l’éventuelle aide au logement, soit 87% du Smic net, fixé à 1 231€ mensuels. ».

Or, le RSA étant une prestation sociale sous plafond de ressources, on ne peut pas cumuler ainsi RSA et ASS. Le montant de l’ASS sera comptabilisé dans les revenus que le RSA vise à compléter. Le RSA sera donc nul.
En revanche, la personne pourra cumuler ASS et aide sociale de la commune.

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PhB 16 juin 2021 - 9:44

Loi Hartz IV, baisse du chômage et prolongation des petits boulots pour la retraite
Bonjour
Travaillant en Alsace et ayant des collègues Allemands à Karlsruhe, lors de nos rencontres professionnelles, nous échangeons beaucoup pour comparer les systèmes de travail français et allemand, leurs évolutions respectives, ainsi que le fait d’être éventuellement frontalier dans un cas comme dans l’autre. Il y a beaucoup d’Alsaciens de l’autre côté du Rhin mais on a aussi quelques collègues Allemands travaillant chez nous.
Votre développement est tronqué et est uniquement « à charge » .
Une facette non moins importante concernant la loi Hartz IV devrait être évoquée.
Si effectivement en procurant du travail complémentaire sous payé elle a permis de diminuer le nombre de chômeurs entre 2004 et 2008;
du fait du manque de cotisations retraites que ça a généré,
il se trouve actuellement toute une frange de retraités allemands dépassant parfois les 70 ans qui sont obligés de continuer à travailler pour compléter leur retraite insuffisante.
Faudrait aussi mentionner cet état de fait dans votre développement.
PhB

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Romain delisle 17 juin 2021 - 10:14

Faut-il fusionner l’Allocation spécifique de solidarité (ASS) et le Revenu de solidarité active (RSA) ?
Merci à tous pour vos commentaires toujours aussi intéressants à lire.

En ce qui concerne la comparaison des modèles français et allemands, l’équation me semble pouvoir se réduire à ceci : augmenter la précarité et diminuer le chômage ou conserver un fort taux de chômage financé par un modèle social déficitaire.

Aucun système n’est parfait, mais le modèle allemand est à l’équilibre et laisse respirer les entreprises.

En ce qui concerne le cumul RSA/ASS, la source provient de la Cour des comptes.

Bien à vous tous,

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