Le report de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) aux collectivités territoriales à 2017 vient d’être décidé par le Gouvernement. La baisse de cette dotation financière globale de l’État aux collectivités avait déjà été réduite par le Sénat de 1,6 Md € le jeudi 12 novembre, allant de pair avec le gel de la péréquation verticale, c’est-à-dire d’une répartition plus équitable des ressources de l’État entre les collectivités dans un objectif d’égalité territoriale.
Le montant global de la dotation s’élève à plus de 36 Mds € (sur environ 60 Mds € de transferts État/collectivités territoriales), que le Gouvernement souhaitait réduire initialement de 3,7 Mds € sur le budget 2016 – soit de 10%.
La validation par l’Assemblée nationale de la réduction de la baisse de dotation aux collectivités constituerait un effort financier global de 2,1 Mds €, soit :
– Un effort de 820 M € au lieu de 1,45 Mds € pour les communes ;
– Un effort de 350 M € au lieu de 621 M € pour les EPCI ;
– Un effort de 650 M € au lieu de 1,15 Mds € pour les départements ;
– Un effort de 255 M € au lieu de 451 M € pour les régions.
Cette reculade sur l’effort demandé aux collectivités territoriales quant au volume global des dotations et autres transferts étatiques est une erreur majeure, dont le seul objectif est de satisfaire les frondeurs, les syndicats communaux et les divers groupes d’intérêt territoriaux. L’État a déjà réalisé une partie des efforts budgétaires en réduisant les dépenses dans les ministères, alors que les dépenses locales ont explosé dans le même temps, anéantissant à zéro les efforts de l’administration centrale pour réduire le poids de la dépense publique et des déficits.
Or, c’est bien sur les postes des collectivités territoriales et de la protection sociale qu’on peut trouver les plus grandes marges de manœuvre budgétaires pouvant entraîner une réduction de la dépense publique totale. Des coupes dans les dépenses publiques doivent être réalisées massivement dans la fonction publique territoriale et dans les dépenses des communes, des intercommunalités, des départements et des régions françaises.
La baisse des dotations doit entraîner une baisse des dépenses !
Introduite en 1979, la DGF constitue de loin le principal concours financier de l’État aux collectivités territoriales. La loi de finances de 2004 avait profondément revu les critères de définition du montant de la dotation en faisant doubler l’enveloppe budgétaire accordée aux collectivités ; ainsi, la DGF était passée de 18,8 Mds € en 2003 à 36,8 Mds € en 2004. La politique récente de baisse des dotations, fortement critiquée par les collectivités qui craignent une mise en difficulté financière, est donc aisément absorbable par les collectivités si elles font les réformes nécessaires, qu’elles baissent leurs dépenses et qu’elles arrêtent de développer l’emploi public.
La croissance des recettes et des dépenses locales par rapport à la richesse nationale a été continue depuis une quinzaine d’années, tandis qu’elles connaissent une inflexion au Royaume-Uni depuis 2009 et qu’elles ont toujours connu un niveau faible en Allemagne et en Suisse (voir graphique). On a constaté depuis une dizaine d’années une hausse de la part relative des dépenses de fonctionnement dans les collectivités territoriales françaises : c’est le cas dans les départements où cette part atteint presque les 80 % en 2015. La distribution des prestations sociales par les départements (APA, RSA, fonds de solidarité logement, etc.), représente la moitié de leurs dépenses de fonctionnement, soit environ 35 Mds d’€. Or, le transfert de nouvelles compétences et champs d’action auprès de l’échelon départemental couplé à la crise économique ont accentué les dépenses de fonctionnement des départements. La part relative des dépenses de fonctionnement est également très importante dans les communes (environ 67 %) et dans les régions (61 %).
La croissance des dépenses publiques a notamment été plus rapide dans les régions que dans les autres échelons administratifs. Entre 2002 et 2013, les dépenses des régions ont progressé de 91,6 %, tandis que cette proportion n’est « que » de 81,1 % pour les départements et de 47 % pour les communes et les intercommunalités. S’il existe l’effet d’économies d’échelle et qu’il ne faut pas minorer les transferts de compétences et des nouvelles allocations budgétaires accordées par l’État, la croissance des dépenses des administrations locales est beaucoup plus rapide que le taux de croissance de l’économie, et la proportion par rapport à la production nationale ne cesse de s’accroître avec le temps. Il faut inverser ce processus et maintenir l’effort sur la durée.
Réduire les effectifs de la FPT : une première solution !
La croissance de l’emploi public territorial a été de 36,3 % entre 2000 et 2010, sur une croissance totale de 11,7 % de l’emploi public. La fonction publique territoriale (FPT) compte pour 35 % des effectifs globaux de la fonction publique, dont 27 % dans les communes (dont les EPCI) et 8 % dans les régions et départements, tandis que la fonction publique hospitalière représente 21 % et la fonction publique d’État (FPE) 44 % (voir premier graphique). Les effectifs territoriaux sont même passés de 1,85 million en 2009 à 1,95 million en 2013, soit une augmentation de 5,4 %, alors que les effectifs de la FPE ont diminué de 2,5 millions à 2,47 millions sur la même période (voir second graphique). Il est urgent de casser cette dynamique de croissance des effectifs territoriaux car la France est déjà sur-administrée avec une proportion de fonctionnaires par rapport à la population active de 1/5, alors que cette part est de 1,3/10 pour l’Allemagne et de 1/10 pour le Royaume-Uni – pays qui ne sont pas moins bien administrés, loin de là !
Comme on peut l’apprécier sur le graphique ci-après, les plus importantes marges de manœuvre sont notamment dans la fonction publique communale, qui représente en 2013 l’essentielle partie des effectifs de la FPT totale (76,9 %), tandis que les départements emploient 18,9 % des effectifs de FPT et que les régions en emploient 4,2 %. 65 000 des nouveaux agents employés dans la FPT depuis 2010 l’ont été pour les communes, sur un total de 75 200 nouveaux agents, soit 86 % de l’ensemble des nouvelles embauches.
Conclusion
Il faut donc repenser la politique territoriale en faisant en sorte que les collectivités locales apprennent à rationaliser leurs dépenses, à déléguer le maximum de missions relatives à leur champ de compétences auprès d’organismes privés, à fusionner des postes, à ne pas renouveler les départs en retraite et à limiter la pléthore de dépenses inutiles de fonctionnement et d’investissement. Il existe aussi trop de niveaux d’administration territoriale entre les régions, les départements, les communes et les EPCI, sans oublier les autres subdivisions comme les arrondissements départementaux, les arrondissements municipaux, les cantons et l’échelon interrégional. Il serait donc utile de réformer le fonctionnement des territoires en commençant par supprimer l’échelon départemental en déléguant ses missions et ses compétences aux nouvelles régions ; en accélérant le regroupement des communes au sein d’entités plus étendues ; en supprimant de nombreux postes à l’échelle communale lors du regroupement des communes ; et en simplifiant drastiquement les innombrables subdivisions territoriales.