C’est la question que se pose Jean-Philippe Delsol à propos de la vague d’impôts « moralisateurs » qui menacent l’Europe : taxe Tobin et taxe Google. Les sociétés du Web sont souvent localisées en Irlande, dont la fiscalité allégée assure une prospérité qui a de quoi rendre jaloux les Français et les autres… La concurrence fiscale est-elle « immorale » ?
Désormais l’impôt se veut ouvertement moralisateur. Peu importe le rapport médiocre, voire négatif, d’un impôt à 75% ou de l’ISF, peu importent les effets néfastes pour la France de cette multiplication sans fin de nouveaux impôts si ceux-ci contribuent à « moraliser », c’est-à -dire à niveler par le bas, et finalement à démoraliser les Français. C’est le cas aussi bien de la nouvelle taxe Tobin que la France expérimente et que l’Europe voudrait généraliser, que de la taxe sur le Web.
Bientôt les Etats chercheront à imposer l’air que nous respirons comme déjà on le craignait dans les salons du XVIIIème siècle lorsque sévissait le Contrôleur Général des Finances Etienne de Silhouettte dont on disait qu’il s’apprêtait à tout taxer, même l’air, si bien qu’on apprenait à retenir son souffle pour éviter d’être assujetti à cette nouvelle charge fiscale.
Une taxe Tobin inutile
Les ministres européens des Finances (Ecofin) ont donné leur feu vert, mardi 22 janvier, au lancement d’une taxe sur les transactions financières (TTF) dans onze États membres, dont la France et l’Allemagne, à partir de 2014-2015. Bien entendu, la Suède qui en a déjà fait l’expérience douloureuse n’a pas donné son accord. La taxe sur les transactions financières a rapporté 200 M€ en 2012 alors que le gouvernement, qui en avait doublé le montant initialement prévu, en attendait le double.
Le Conseil des prélèvements obligatoire a noté dans son dernier rapport que les taxes successives qui se sont abattues sur les institutions financières depuis 2010 sont au nombre de près d’une vingtaine (augmentation de la taxe sur les salaires, prélèvement sur la réserve de capitalisation des compagnies d’assurance, taxe sur les bonus, contribution au financement des régulateurs…). Pour autant elles ne sont pas la bonne solution pour sécuriser le monde financier.
L’accroissement du poids de la fiscalité entrave le financement de l’économie au moment où celle-ci en aurait le plus besoin. Mais malgré tout et par posture idéologique la France a milité pour entraîner l’Europe avec elle. Et elle y a réussi au détriment des entreprises et donc de la croissance économique pour tous.
Une nouvelle taxe « Google »
Une autre source d’impôt a été trouvée : les sociétés du Web.
Le gouvernement a commencé par les clouer au pilori des mauvais contribuables pour ensuite justifier une nouvelle taxe qu’il voudrait instituer, si possible avec ses petits camarades européens, sur l’usage des données.
Après le patriotisme fiscal de MM Hollande et Moscovici, Fleur Pellerin invente la défense de la « souveraineté numérique » française. « Les données, dit-elle, c’est le nouveau pétrole de l’économie de l’immatériel. Les données des citoyens français et européens sont exploitées, à leur insu, outre Atlantique, et rapportent des centaines de millions de dollars aux géants du Net. Nous ne pouvons pas continuer à nous laisser piller ainsi éternellement. » Dès à présent, elle invoque la morale pour imaginer en France une loi « frappant les entreprises qui font un mauvais usage des données personnelles des utilisateurs.» Elle envisage aussi de faire payer les groupes de l’internet pour l’accès au réseau des opérateurs français.
Il est exact que les grands opérateurs du Net ont organisé leur opérations de telle sorte que leur profit soit le moins imposé possible, notamment en localisant leurs services européens en Irlande où le taux d’impôt sur les sociétés est de 12,5%, soit environ trois fois moins qu’en France.
L’OCDE se lamente en constatant que les pays développés ont de plus en plus de mal à collecter l’impôt sur une économie qui se dématérialise. Et pour empêcher que Google ne paye, par exemple, que 4% d’impôt en Europe, l’OCDE veut proposer une nouvelle convention internationale avec un double objectif : d’une part, interdire l’enregistrement de sociétés qui ne sont pas reliées à une activité physique sur le territoire d’un pays et, d’autre part, harmoniser les règles correspondant à la localisation fiscale des sociétés qui veulent s’enregistrer.
Le risque est juste que le consommateur en souffre. Aujourd’hui les services du net offerts par les Google et autres géants sont gratuits et universels. Le resteront-ils si ces services sont taxés ? Car l’impôt est toujours un « enrayeur » comme disait Bastia.
L’Irlande accusée de « dumping fiscal »
La solution des distorsions fiscales n’est jamais de taxer toujours plus, mais plutôt de taxer moins et, pour ce faire, seule la concurrence fiscale est efficace.
Si les pays européens avaient des taux d’impôt plus proches de ceux de l’Irlande, les grands groupes délocaliseraient moins leurs opérations. D’ailleurs, l’Europe dénonce régulièrement le dumping irlandais avec un taux d’IS de 12,5%, mais le produit de l’IS en Irlande est en proportion du PIB du même ordre que celui de la France et de la moyenne européenne, à environ 3%.
Le Rapport d’information présenté début 2012 par les députés Jean-Yves COUSIN et Pierre FORGUES sur « l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés » évoque l’Irlande en soulignant que la « réussite économique de ce pays est spectaculaire. Il était l’un des plus pauvres d’Europe lorsqu’il est entré dans le Marché commun en 1973, et est maintenant, même en dépit de la crise qui l’a plus particulièrement frappé que d’autre l’un de ceux où le PIB par tête est l’un des plus importants de l’Union européenne. Cet Etat était encore proche de la moyenne des 27 pays maintenant membre de l’Union européenne en 1995, à l’indice 103 (indice 100 pour les 27), quand la France était à 114, et il est maintenant à 128 (France 108), après être passé en 2007 au premier rang de l’ensemble des Etats membres, après le Luxembourg, à raison de l’indice 148. Cette réussite économique est étroitement associée à une politique fiscale agressive fondée sur un niveau particulièrement peu élevé du taux de l’impôt sur les sociétés, à raison de 12,5 %. »
La jalousie fait obstacle à la concurrence
Il faut donc craindre que les attaques répétées contre l’Irlande relèvent plus d’une forme de jalousie. L’Irlande est au bout du bout de l’Europe. Elle se défend comme elle peut. Lors de la crise de 2008, elle a été forcée par les grands Etats européens de sauver ses banques en s’endettant parce que celles-ci devaient à ceux-là beaucoup d’argent, beaucoup plus qu’aux Irlandais eux-mêmes. Elle a néanmoins résisté pour conserver son modèle fiscal contre toutes les pressions extérieures. Et elle est en train de gagner son pari.
Que les autres pays trouvent leur propre dynamique, adaptée à leurs spécificités, plutôt que de vouloir niveler tous les pays par le bas pour les égaliser au niveau du plus pauvre, comme la France s’obstine à le faire pour ses propres citoyens. Chaque pays doit développer ses ressources.
La concurrence n’est pas seulement bonne entre les entreprises au profit des consommateurs. Elle doit aussi exister, de la même manière, entre les Etats au profit des contribuables. Cette concurrence est source d’innovation et de prospérité.
L’Irlande en est le témoin, malgré le choc qu’elle a subi en 2008. Elle en est le double témoin car non seulement ce pays, l’un des plus pauvres d’Europe, a réussi à s’élever jusque parmi les plus riches, mais aussi parce qu’il a permis aux grandes compagnies du Web de réussir leur expansion. Sans doute, cette réussite n’aurait pas été aussi spectaculaire si les gens du Web n’avaient pas pu profiter d’impôts modérés, leur donnant la possibilité d’investir et d’attirer des capitaux. Ils n’ont pas été entravés par une fiscalité confiscatoire et décourageante.
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Une de plus!
Ca y est, la taxe Google va entrer en vigueur. Notre ‘cher’ président a signé un accord dit ‘historique’ avec Google pour cela. Et la France pourra se targuer d’être le premier pays à taxer le web. Au moins, nous ne sommes pas les derniers en tout, c’est rassurant! Et la taxe sur le PQ, c’est pour quand?