Selon un article scientifique qui vient d’être publié, les confinements en Europe et aux États-Unis n’ont réduit la mortalité liée au COVID-19 que d’à peine 0,2 % en moyenne, alors que les coûts économiques ont été énormes. Ce constat ne surprend plus. Les données les plus récentes nous racontent la même histoire : les confinements ont été un échec. Bien sûr, il est plus facile de faire des prévisions étayées par des données que de supputer l’évolution d’une situation inédite, ou presque. Mais alors, pourquoi tant de pays ont-ils choisi l’option du confinement avec autant de conviction, en l’absence de données adéquates ?
Une réponse possible renvoie à deux processus différents mais interconnectés. Le premier relève d’une dynamique de conformisme social (ou de « l’informations en cascade ») comme dans la célèbre expérience de Solomon Asch : des individus confrontés à l’opinion majoritaire d’autres individus dans un groupe peuvent adopter des positions contraires à leur propre jugement mais conformes à celles du groupe. Une sorte de « conformisme rationnel ». Supposons qu’un Premier ministre veuille déterminer si une politique (dans notre cas, le confinement) est bonne ou mauvaise. Il réunit un ensemble d’experts (disons des virologues) et leur demande, un par un, ce qu’ils pensent. Aucun n’a une connaissance parfaite de la situation, mais chacun a à cœur de donner une réponse correcte (il n’y a aucun ressort idéologique), pense qu’il a probablement raison, mais sans en être tout à fait certain. C’est vrai pour tous ces experts et tous le savent. Le premier qui répond à la question du Premier ministre ne peut compter que sur ses propres connaissances. Il émet un avis, il peut avoir raison ou tort, mais il donne sa meilleure estimation. Le second expert répondra en fonction de ses connaissances mais aussi de la réponse du premier expert. Si le premier expert se trompe et que le deuxième expert est d’accord avec le premier, alors ils influenceront le troisième expert, qui s’alignera (de manière tout à fait rationnelle de son point de vue) sur ses collègues, peu importe ce que sa propre opinion lui aurait suggéré de dire au Premier ministre. Et ainsi de suite. Les déclarations des derniers experts à s’exprimer n’apporteront guère d’informations nouvelles. La réponse des experts sera donc unanime… et peut-être totalement fausse.
La logique de la « cascade d’informations » peut expliquer le « conformisme rationnel », mais aussi la manière dont des groupes d’experts peuvent rapidement changer d’avis. Par exemple, imaginez une situation dans laquelle, après qu’un groupe d’experts eut exprimé le même avis, un nouvel expert entre en scène, ignorant l’opinion de ses collègues. Il offrira ainsi éventuellement de nouvelles informations à un groupe plutôt mal informé ; et ces nouvelles informations pourraient suffire à inverser la dynamique du processus décrit précédemment.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En effet, les aiguillons politiques sont également à l’œuvre. Considérons un dirigeant, dans un contexte démocratique, en pleine pandémie. Il peut suivre deux stratégies : a) imiter ce que d’autres pays font déjà (peut-être parce que certains scientifiques soutiennent cette option…) ; b) essayer une nouvelle voie. Laquelle de ces deux options choisira-t-il ? Du point de vue du rapport avantages-coûts, la réponse est assez évidente. Il sera très satisfait s’il choisit b) et si b) s’avère être le bon choix. Mais il paiera un prix élevé s’il opte pour b), et que b) est erroné : c’est lui et lui seul qui sera tenu pour responsable. Le fait, essentiel, que des vies et des morts à court terme soient en jeu, amplifie les effets. D’autre part, il ne passera pas pour un génie s’il choisit plutôt a) et que a) est correct. Mais il minimise la perte de prestige s’il advient que a) soit faux. Après tout, il a suivi la « science ». Le résultat est qu’un politicien sera fortement incité à opter pour la stratégie la moins risquée. Ainsi, le choix fait par le premier pays (réputé) démocratique est partagé par tous les autres. C’est ce qui s’est passé en Occident, où le gouvernement italien a fait le premier pas et a opté pour le confinement.
Pourtant, tous les pays n’ont pas décidé de suivre la même voie, ou du moins, pas avec la même rigueur. Pourquoi ? Ce n’est pas nécessairement parce que certains se soucient de la liberté de leurs citoyens en soi. C’est plutôt parce que certains gouvernements démocratiques étaient plus particulièrement sensibles à la réaction possible de leurs citoyens (dans l’isoloir). Quelques données semblent étayer ce point de vue.
Le graphique ci-dessous compare le pourcentage de personnes, dans différents pays démocratiques, qui n’étaient pas disposées à sacrifier leurs droits et leurs libertés afin d’améliorer les conditions de santé publique ; le « COVID-19 Stringency Index », basé sur neuf indicateurs, mesure les politiques gouvernementales pendant la pandémie. L’indice va de 0 à 100 (100 = le plus strict) et prend en compte les fermetures d’écoles, les fermetures de lieux de travail et les interdictions de voyager. Les pourcentages proviennent d’enquêtes réalisées entre mars et juin 2020, tandis que l’indice se réfère au début de l’année 2021 : la corrélation est plutôt élevée et négative, comme prévu (r-Pearson : -.74).
La morale de cette histoire est simple : il est préférable de prendre la décision des premiers venus avec des pincettes. Cela vaudra également pour la prochaine crise (le changement climatique ?).
3 commentaires
Votre article sur le confinement n’est pas convaincant : le graphique ne concerne pas du tout le rapport entre mortalité et confinement. Vous ne traduisez pas clairement les titres en abscisse et ordonnée et vous vous référez à une corrélation dont vous ne citez pas les composants sans rapport avec ce graphique. En résumé, vous affirmez sans vraiment démontrer, et surtout, oubliez un fait qui contrarie la thèse de Ash sur le panurgisme: la Suède , l’Angleterre, les USA, le Brésil ont commencé par rejeter la pratique du confinement on sait où cela les a amenés.
Je suis de l’avis de DESROZIERS: Ce qui m’intéressait dans le résumé, et m’a amené à lire l’article, était la « constatation ou démonstration » que les confinements en Europe et aux États-Unis n’ont réduit la mortalité liée au COVID-19 que d’à peine 0,2 % en moyenne. Je n’ai rien trouvé sur ce point fondamental. Les théories fumeuses qui occupent tout l’article n’ont aucun intérêt « scientifique ». J’aimerais beaucoup lire « l’article scientifique qui vient d’être publié ». Pouvez vous fournir un moyen de le trouver ? Ne serait-ce que pour prouver qu’il existe réellement. Je pourrais alors le comparer à ce que j’ai moi-même écrit sur l’inefficacité des mesures de confinement , etc… imposées à la population française sur gareaucovid-newtone.nouveau-tiers-etat.org
Le lien est bien dans l’article, le voici : https://sites.krieger.jhu.edu/iae/files/2022/01/A-Literature-Review-and-Meta-Analysis-of-the-Effects-of-Lockdowns-on-COVID-19-Mortality.pdf
Cordialement,
NL