Boualem Sansal a été arrêté à Alger le 16 novembre 2024 et condamné le 27 mars 2025 à cinq ans de prison ferme pour avoir gardé sa liberté d’expression. Dans sa fable orwellienne 2084. La fin du monde, il a notamment dénoncé le totalitarisme d’un certain radicalisme religieux. Sous des prétextes fallacieux, sans doute à la main du pouvoir algérien, deux mandats d’arrêts internationaux ont maintenant été lancés contre Kamel Daoud, l’auteur de l’ouvrage Houris dans lequel il raconte l’horreur du terrorisme durant la guerre civile des années 1990 et les liens obscurs noués par les pouvoirs civils et militaires avec l’islamisme.
Ruinée par la corruption, l’étatisme, l’intégrisme religieux et une justice prostituée aux plus offrants, qu’a dénoncés aussi Yasmina Khadra dès 1997 dans son excellent roman policier Morituri qui vient d’être republié en avril 2025, l’Algérie ne parvient pas à se développer malgré ses richesses naturelles. Alors que le PIB par habitant (en $ US constant 2015) de la France (10 733 $) représentait en 1960 à peine plus de quatre fois celui de l’Algérie (2 388 $), en 2023 ce même PIB de la France (39 117 $) est neuf fois supérieur à celui de l’Algérie (4 660 $). Pour cacher ses misères, le gouvernement algérien ressasse son ressentiment contre son ancienne puissance colonisatrice. Le 18 février dernier, lors de la journée du Chahid célébrant les morts pour l’indépendance algérienne, le président Abdelmadjid Tebboune a encore évoqué « les crimes du colonialisme français et les épreuves endurées par le peuple algérien pendant 132 ans de domination coloniale ». Oublieux des bienfaits apportés par la France, il la voue sans fin aux gémonies pour occulter ses propres échecs.
Une culpabilité infondée
L’Occident hélas encourage ce misérabilisme pleurnichard. Non seulement les églises chrétiennes ne cessent de battre leur coulpe, mais Emmanuel Macron alors candidat à la présidence qualifia lui-même le 17 février 2017 à Alger la colonisation de « crime contre l’humanité » : « […] les autorités algériennes ont la capacité de nous placer dans la position d’éternels coupables puisqu’il s’agit du seul crime imprescriptible. » L’idée de se flageller indéfiniment pour les actes des anciens conquérants sans lesquels le monde serait différent, mais peut-être bien pire, n’a pas de sens. On peut en effet regretter les injustices commises – il y en a eu bien sûr – et rétablir des vérités historiques oubliées ou occultées, mais on ne peut pas être coupables du sang versé par d’autres, pas plus qu’on ne peut pardonner au nom des autres. La culpabilité et la responsabilité sont toujours individuelles rappelle Hannah Arendt (cf . Responsabilité et jugement) : « Il n’existe pas une sorte de sentiment de culpabilité pour des choses qui se sont produites sans qu’on y ait participé activement. » Remettre ce principe en cause, c’est nier la vision de l’homme occidental fondée sur la singularité et l’autonomie de chaque personne.
Les conquêtes façonnent l’histoire
La réalité est que, comme le dit Yasmina Khadra, « rien ne dure en ce monde, ni les promesses ni les serments, ni les empires ni les conquérants ». Toute domination est dure à supporter mais peut avoir ses mérites. Les colonisations ont façonné les peuples des savoirs mêlés des vainqueurs et des vaincus. L’histoire humaine a été un continuel objet de confrontation de combattants avides et de peuples en peine d’avenir meilleur. Entre Orient et Occident, les Etrusques ont conquis le littoral italien avant d’être dominés par les Latins qui ont ensuite étendu leur suprématie sur tout le pourtour méditerranéen. Leur emprise est restée durablement dans les territoires des Celtes et Germains tandis qu’elle fut éphémère dans ceux des tribus et populations de ce qui est aujourd’hui l’Algérie, soumis successivement à Rome, puis aux Vandales, et en partie christianisés, avant que les Arabes viennent les assujettir et les convertir à l’islam, ne serait-ce que pour être exonérés d’impôt, puis progressivement les arabiser.
Les Berbères qui peuplaient les terres de l’Algérie avant d’être dominés au VIIème siècle par les Arabes ont eux-mêmes participé très largement à la conquête et à la colonisation, pendant près de huit siècle (711/1492), d’une grande partie de l’Espagne romano-wisigothique. Ils l’ont fait sans ménagement, sans pitié et sans se priver de la piller allègrement (cf. Rafael Sanchez Saus, Les Chrétiens dans Al-Andalus). Il faut ajouter que si Charles X a envoyé les troupes françaises conquérir l’Algérie en 1830 pour tenter, vainement, de sauver son trône, c’était aussi comme une revanche sur près de trois siècles de piraterie ravageuse en Méditerranée contre les pays chrétiens (cf. Robert C Davis) pour le plus grand profit du dey d’Alger et de la puissance ottomane qui continuait de coloniser ces territoires.
Ombres et lumières
Toute histoire est nourrie d’ombres et lumières. Ceux qui considéraient en Amérique du Nord qu’ « un bon Indien est un Indien mort » ne valaient pas mieux que les Anglais qui ont tenté d’éradiquer d’Australie toute présence indigène. Mais si les Espagnols d’Hernan Cortès ont sûrement perpétré des exactions, ils n’ont gagné de si vastes territoires qu’avec l’aide volontaire de très nombreuses tribus indiennes révoltées contre les Aztèques et les Incas, anthropophages et esclavagistes, qui faisaient régner leur tyrannie sur les populations indigènes (Cf. Marcelo Gullo Omodeo, Ceux qui devraient demander pardon).
En se présentant sans cesse comme l’innocente victime de la colonisation, l’Algérie, comme tant d’autres pays anciennement colonisés, cache son incapacité à assumer son indépendance et à prospérer. Cette tunique d’offensé éternel dans laquelle elle se drape est une tunique de Nessus : elle l’empoisonne. Plutôt que de réclamer des réparations injustifiées à la France et de rejeter sans nuance son héritage, elle ferait mieux, tout en gardant son identité, d’y puiser les ressources qui alimentent la civilisation : l’Etat de droit, la liberté de penser, d’aller et venir, d’échanger… Bien d’autres de nos territoires d’outre-mer, de la Nouvelle Calédonie aux îles caraïbes, devraient en faire de même.
18 commentaires
Le tiers-mondisme plonge ses racines dans les élucubrations macabres teintées de nazisme (Sartre, Fanon, Vergès, etc.)… Boualem Sansal a parfaitement démontré les accointances entre “islamisme et nazisme” et entre “arabité et germanité”, selon ses propres mots. C’est un intellectuel clairvoyant qui a eu le courage de dénoncer ce qui s’annonce être le totalitarisme du XXIème siècle. Nos politiciens, munichois, préfèrent regarder ailleurs voire jouer avec le feu. Mais nombre d’intellectuels valeureux venus des pays de culture islamique alertent précisément sur ce démon qui ronge aujourd’hui leur civilisation et met en danger la paix du monde. On attend les Churchill et les De Gaulle qui sauront conduire la lutte nécessaire.
L’Algérie d’aujourd’hui sera-telle la France de demain?
Merci pour cet article très instructif ; je voulais juste rajouter une précision : l’Algérie n’était pas une colonie mais un territoire français avec trois départements. La France qui s’étendait des deux côtés de la Méditerranée a été déchirée en deux et de nombreux Français ont dû quitter leur pays où ils étaient nés et où sont enterrés leurs ancêtres….
Oui. D’ailleurs, il ne faut pas oublier non plus que très nombreux ont été les Pieds-Noirs qui ont dû rentrer en France en ayant tout perdu et qui, contrairement à ce qui avait été annoncé, n’ont nullement été indemnisés.
Incroyable!!!!! Ce commentaire mérite le POMPOM. Juste une question: Vercingétorix a t’il connu l’Algérie française ? Y avait-il un pont entre Alger et Marseille ? A quelle époque ? A moins que, la Méditerranée ayant été à sec, il y avait, sous Cendrillon la continuité territoriale entre les deux pays ? Mais alors, nous sommes peut-être Algériens ????
Quand on connaît bien l’histoire, on ne peut que souscrire à cet article.
En 1980/81, j’ai travaillé 6 mois en Algérie. Ayant beaucoup circulé dans ce magnifique pays, j’ai souvent eu l’occasion de discuter avec ses habitants. Plus d’un affirmait que le pays était mieux géré et en meilleur état du temps des Français, sans pour autant regretter notre présence. Ils ne faisaient qu’un simple constat. Moi-même, j’ai pu observer combien de lieux qui avaient dû être prospères, se délabraient inexorablement.
Lors de mon séjour, plus d’une fois j’ai entendu dire par des habitants d’Oran qu’une sorte de milice kidnappait des jeunes filles dans des lieux publics (restaurants, cafés…) lorsqu’elles étaient en compagnie d’étrangers et ce, sans que la police ne cherche à intervenir. Jeunes femmes qui ne réapparaissent pas… Par ailleurs, nombreux étaient ceux qui n’hésitaient pas à affirmer que le gouvernement était très corrompu, ce qui était flagrant. La situation était telle, d’ailleurs, que j’avais à l’époque dit à ma femme (qui est née en Algérie) que ça allait dégénérer. Il a fallu attendre encore 8 à 10 ans pout aboutir à l’horreur que l’on sait, oeuvre, entre autres, des Frères musulmans et résultat aussi du laisser faire du pouvoir corrompu en place. Comme dans un nombre croissant de pays d’Afrique, ce qui motive les hommes politiques, ce n’est pas, loin s’en faut, le bien de leur pays mais uniquement leur intérêt personnel (pouvoir, argent, etc) d’autant plus que la puissance des armes modernes leur donne le pouvoir de s’imposer assez facilement à des populations démunies et qui, de surcroît, sont encore plus sujettes à la manipulation que dans les pays occidentaux (où elle atteint déjà des sommets!). C’est le grand retour à la civilisation tribale.
Madia à tous les étages, c’est la nouvelle doxa des régimes à l’échelle planétaire. Quel monde!!!
Correctif: “mafia à tous les étages”
La France a-t-elle besoin d’entretenir des relations avec l’Algérie ? Si oui, lesquelles? Celles-ci ne sont pas vitales pour
notre pays ! Dans ce cas, tournons la page, dénonçons tous nos accords avec ce pays et stoppons tout financement et soins gratuits des algériens en France.Privés de cette manne, ces populations quitteront notre pays…à leurs frais.
Il y a ,c’est certain, des secrets détenus sur Macron, ce qui explique qu’in fine la France se couche après chaque arrogance d’Alger. Le fait que le FLN puisse ou non recommander un vote favorable en faveur de Macron par la population française d’origine algérienne en France n’explique pas tout. Les affaires troubles du genre de celle avec Benalla cachent en effet des connivences, des ententes et certainement des malversations avec l’étranger en opposition avec les intérêts de notre pays.L’Algérie exerce depuis trop longtemps des effets de levier sur nos gouvernants et en particulier sur Macron qui devra rendre des comptes.
J’ai passé 21 mois en Algérie durant mon service militaire au barrage de Beni Bahdel .Ce gigantesque ouvrage construit par les français de 1936 à 1944 était destiné à l’alimentation en eau potable d’Oran,a l’irrigation de la plaine de Lala Marnia et enfin à fournir une grosse énergie électrique.
Bien sûr qu’à l’époque les colons en on profité mais pas que !
Il sert désormais en plus de base de loisirs pour les habitants de Tlemcen situé à 30 km.
Certes , les algériens , Tebboune en tête ont des tords mais, Cher Jean-Philippe Delsol vous oubliez que deux français “contemporains” ont attisé sans vergogne un feu dont on savait qu’il couvait .
Macron avec sa déclaration aussi absurde que déplacée de 2017 ” Le colonialisme est un crime contre l’humanité”. Bon sang mais il ne faut pas réfléchir pour tenir pareille bêtise.
Darmanin en 2020 en rendant hommage aux martyrs du FLN .
A tous les deux , ils sont au coeur de la question d’aujourd’hui et c’est peut être de le reconnaître qu’ils ne remuent pas ciel et terre pour faire libérer Boualem Sansal , ils doivent préférer qu’on s’essuie les pieds sur notre dos , ce ‘est qu’un moment de honte vite oublié pensent-ils .
Profondément minable.
Fin de la guerre d’Algérie mars 1962
Fin de la guerre de Corée juillet 1953
La Corée du Sud a été détruite par une guerre totale alors que l’Algérie ne l’a pas été par une guerre qui n’était qu’une guerre de guérilla
PIB par habitant Algérie 172 USD en 1962 et 9374 USD en 2019
PIB par habitant Corée du Sud 260 USD en 1960 et 31846 USD en 2019
60 à 70 ans après ces guerres, la Corée qui avait un PIB par habitant comparable à celui de l’Algérie a un PIB par habitant qui lui est 3 fois et demi supérieur !
De plus l’Algérie a en grande quantité du gaz et de pétrole, ce que n’a pas la Corée
Et toutes les infrastructures pétrolières et gazières algériennes ont été financées et réalisées par la France
Vous en concluez ce que vous voulez…
Analyse très lucide
l’epoque est au miserabilisme et à la culpabilisation.
nous avons depuis l’apres guerre un modele princeps de victimes éternelles que d’aucuns s’empressent de suivre
L’Algérie n’était plus une colonie au moment de son indépendance mais une partie de l’État français. Parmi les innocentes victimes il ne faut pas oublier les français pourtant présents depuis plusieurs générations qui ont du choisir entre la valise et le cercueil et d’autres de souche maghrébine qui avaient servi la France et qui ont été massacrées par leurs frères.
Très bon article plein de bon sens
Et si nous nous disions: ces pays ont besoin de nous, aidons les, non pour mieux les spolier comme c’est le cas actuellement, mais pour les aider à vivre leur vie. C’est clair, ils ne peuvent oublier les massacres dont ils ont été victimes, chez eux, le mépris de Macron lors de sa visite au Maroc : Sahara marocain, la haine dont les gens comme vous font preuve à l’égard des immigrés, algériens en particulier. Vous êtes de ceux qui pensent qu’un mort d’un côté compense un mort de l’autre. Ça ne fait pas zéro mort, ça en fait deux. Dan votre semblant d’historique vous avez oublié les croisades.
Notre Président semble ignorer que l’Algérie n’était pas une colonie mais un DEPARTEMENT Français. Il ignore également qu’en partant de l’Algérie, les “pieds noirs”avaient le choix entre la valise ou le cercueil ! Ils y ont laissé non seulement tout ce qu’ils possédaient mais aussi des villes propres, des écoles, des hôpitaux, des aéroports, des infrastructures etc. etc. sans compter le pétrole et le gaz !
Qu’en ont-ils fait ? Les accords de 1968 n’ont vraiment plus aucune raison d’être… si tant est qu’ils aient été justifiés ! Les rapatriés d’Algérie n’ont pas bénéficié des mêmes largesses.
Elle ne parvient pas ; ou plutôt elle ne veut pas….
Assistée, subventionnée et se vautrant dans le misérabilisme.
Arrêtons de tendre la joue, sortons les cojones et agissons au lieu de se faire humilier encore et encore.
Ça suffit de payer !