Les comptes de la Ville de Paris pour 2023 viennent enfin d’être rendus publics. Plus de six mois après la clôture de l’exercice ! (Pour mémoire, les sociétés cotées en bourse disposent de quatre mois pour le faire). Le moins que l’on puisse dire est que la situation ne s’est pas améliorée. Quand Anne Hidalgo prétend que les finances de Paris « vont très bien », elle ment.
Dans notre article de mars 2024, nous affirmions que la ville de Paris était en situation de cessation de paiement. Ce n’étaient pas des affirmations lancées en l’air sans preuves. Elles étaient, au contraire, solidement étayées par un examen attentif des comptes de la municipalité.
Une situation financière préoccupante
Rappelons brièvement quelques chiffres que nous donnions en mars. La dette, tout d’abord, était de près de 9,2 milliards d’euros (Md€) à la fin de l’année 2022, alors qu’elle n’était que d’à peine 1,4 Md€ à la fin de l’année 2000 (dernière année complète du mandat de Jean Tiberi). Entre ces deux dates, elle a donc progressé de 557%.
Quant à la trésorerie, nous révélions qu’elle était dans une situation alarmante. En effet, la Ville de Paris émet des billets de trésorerie (afin de financer ses besoins à court terme) pour un montant toujours plus élevé chaque année. Fin 2022, elle en avait émis pour plus de 7 milliards d’euros (Md€), contre 550 millions d’euros (M€) en 2019. Soit une augmentation faramineuse de 1 176% !
En comparant l’actif de la trésorerie et le passif, nous montrions que la trésorerie nette de la Ville de Paris était négative de plus de 258 M€ à la fin 2022. Cela signifie que, sans les billets de trésorerie émis chaque mois, Paris ne pourrait pas assumer ses dépenses quotidiennes de fonctionnement.
Au 31 décembre 2022, la trésorerie nette de Paris était donc déficitaire de près de 260 M€. Or, comme nous l’indiquions, la Ville devrait en principe disposer d’une trésorerie d’environ 450 M€ pour faire face à ses dépenses courantes – rien que les salaires représentent plus de 200 M€ par mois.
La mairie de Paris confortée par l’agence Moody’s ?
La maire de Paris, Anne Hidalgo, a répondu indirectement à notre article après l’attribution de la note Aa2 par l’agence Moddy’s, le 29 mars 2024, la meilleure possible pour une collectivité locale.
La municipalité s’est, bien évidemment, félicitée de cette notation qui confirme « la gestion rigoureuse de Paris ». Le communiqué de presse dithyrambique continuait ainsi : « Alors que l’Insee vient de dévoiler la situation critique des finances publiques nationales, la gestion budgétaire de Paris est une fois de plus saluée, au même titre que sa stratégie de financement, avec un endettement soutenable et optimisé ».
Il affirmait que « Moody’s souligne « la gouvernance et la gestion très solides de la Ville » et indique que « l’endettement de la Ville de Paris restera soutenable et sa charge d’intérêt très abordable ». L’agence indépendante atteste par ailleurs de la faible pression de la fiscalité locale parisienne, précisant que « la Ville applique un taux d’imposition très inférieur à la moyenne des villes françaises » ». Bref, tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Toutes les citations entre guillemets du communiqué de presse de la mairie de Paris sont bel et bien tirées du rapport de Moody’s. Mais les services d’Anne Hidalgo oublient, selon nous, l’essentiel. Moody’s indique, en effet, que la notation de Paris tient compte « de l’importance et de la richesse de son économie, lui procurant une base d’imposition très solide ». Le rapport précise même que « la Ville bénéficie d’une base d’imposition considérable confortant ses besoins de recettes. Ainsi, la Ville applique un taux d’imposition très inférieur à la moyenne des villes françaises, lui octroyant une marge d’ajustement conséquente, comme en témoigne le relèvement du taux de la taxe foncière opéré par la Ville en 2023 ».
En gros, Moody’s affirme que si la meilleure note possible est attribuée à Paris, c’est parce que la Ville a la possibilité d’augmenter considérablement les impôts (comme elle l’a fait l’année dernière en haussant la taxe foncière de 52%), et qu’elle est couverte par l’État. Cependant, comme le précise l’agence, un « abaissement de la notation de la dette souveraine aurait également une incidence négative sur la notation » de la Ville de Paris. Ce qui signifie que, si l’État n’est plus en capacité d’assurer les arrières d’Anne Hidalgo, la note de Paris sera abaissée.
Tout cela, quand on y réfléchit bien, n’est guère rassurant.
Paris continue à s’enfoncer
Les comptes pour l’année 2023 confirment nos inquiétudes. Tous les indicateurs se sont dégradés par rapport à notre point du mois de mars qui se basait sur les comptes 2022 et le budget 2023.
La dette, à fin 2023, s’établit à 9,791 Md€. C’est 565 M€ de plus qu’en 2022. Élue en 2014, Mme Hidalgo a creusé la dette de Paris de 6 Md€. Son prédécesseur, Bertrand Delanoë, en 13 années de mandat, ne l’avait aggravée que de 2,3 Md€.
Et ce n’est pas fini, puisque le budget pour 2024 prévoit 10,6 Md€ de dette, soit 828 M€ supplémentaires. Après une hausse de 6% en 2023, la dette devrait donc encore progresser de 8,5 % cette année !
Du côté de la trésorerie, la situation n’est pas plus florissante. En 2022, la Ville de Paris avait émis un peu plus de 7 Md€ de billets de trésorerie, des titres de créance émis à court terme (1 à 3 mois) pour boucler les fins de mois difficiles. En 2023, elle en a émis pour 8,2 Md€, soit une augmentation de 16%. Depuis 2019, la hausse est de 1 391% !
En fin d’année 2023, la trésorerie nette de la Ville de Paris (différence entre l’actif et le passif) s’est, elle aussi, dégradée. En effet, au 31 décembre 2023, la Ville avait un peu plus de 18,5 M€ sur son compte au Trésor public (soit presque 88 M€ de moins qu’en 2022 !), mais 380 M€ de billets de trésorerie n’avaient pas encore été remboursés. Sa trésorerie nette était donc déficitaire de plus de 360 M€.
Notre conclusion est donc la même qu’au mois de mars : d’un point de vue comptable, Paris est en cessation de paiement, sa trésorerie n’étant pas suffisante pour régler ses dettes.
Parisiens, attendez-vous donc à de prochaines hausses d’impôts. D’ici là, profitez bien des Jeux olympiques.
3 commentaires
encore un mozart de la finance en somme !
VOUS POURRIEZ EGALEMENT AU MOINS CITER LA « PISCINALISATION » DE LA SEINE POUR 1,4 MILLIARDS D’€ qui, en tout état de cause ne pourra, si elle se réalise, qu’être éphémère (Paris est le premier port de France). Nous vivons dans un asile de fous !
Et ce sont les mêmes Parisiens qui élisent et réélisent cette équipe municipale incapable qui font la leçon au reste de la France lorsqu’ils ont le culot, à chaque élection, de « mal voter »…