La France n’est pas le seul pays où des élections législatives ont eu lieu ces dernières semaines. Le Royaume-Uni a aussi appelé aux urnes le 4 juillet. Sans surprise pour quiconque suivait l’actualité et les sondages britanniques, les travaillistes (le Labour, principal parti de gauche) ont gagné avec une large majorité sur les conservateurs (les Tories, parti traditionnel de la droite britannique) sortants. Une élection qui met fin à 14 ans de gouvernement de droite au Royaume-Uni. Si la fatigue populaire d’être dirigé toujours par le même parti a pu jouer, les conservateurs ont aussi une large part de responsabilité dans leur défaite. À bien des égards, le parti de Thatcher a renoncé à ses principes libéraux et a déçu ses électeurs depuis le Brexit.
Un cataclysme électoral pour les Tories
Le Labour contrôle maintenant 412 des 650 sièges à la chambre des représentants. Il en gagne plus de 210 par rapport à la précédente élection de 2019. Inversement, les Tories n’en obtiennent que 121, soit une perte de plus de 240 sièges. Il s’agirait du pire résultat électoral dans l’histoire du parti. Des personnalités importantes des conservateurs ont perdu leur siège : l’ancienne Première ministre Liz Truss et l’ancien ministre du Brexit Jacob Rees-Mogg.
Les Tories n’ont collecté que 23,7 % des voix (alors que les 40 dernières années, ils se situaient entre 30 et 40 %). Le parti de la réforme (Reform UK, anciennement Brexit Party) est désormais la troisième force politique au niveau du vote populaire avec 14,3 %. Dirigé par Nigel Farage, qui fut le principal promoteur du Brexit et de la droite dite populiste, il n’était qu’à 3 % il y a 2 ans. Il n’aura que 4 sièges du fait du système électoral, mais il rattrape désormais la droite traditionnelle. Si les Tories ne se ressaisissent pas, il n’est pas impossible que Reform UK les dépasse à terme. Une situation qui n’est pas sans rappeler ce qui se passe en France où le parti Les Républicains s’est fait dépasser par le Rassemblement National et se montre incapable de remonter la pente.
Dans les deux pays, les électeurs se montrent déçus par la chute du centre droit. Dans un pays de tradition libérale comme le Royaume-Uni où Churchill et Margaret Thatcher étaient les Premiers ministres les plus populaires, un tel rejet des Tories n’est pas anodin.
L’abandon du libéralisme par les conservateurs anglais
Le Brexit a créé des remous et des incertitudes au sein de la droite anglaise. Elle  aurait pu profiter de la sortie de l’UE pour proposer un modèle plus libéral et débarrassé des normes, mais elle n’en a rien fait. De fait, le parti conservateur s’est enfoncé dans l’interventionnisme. Theresa May, la Première ministre qui a succédé à Cameron après le Brexit, a été qualifiée de « Red Tories » à cause de ses positions plus à gauche. Le manifeste qui lui a servi de programme rejetait le libéralisme classique : « Nous ne croyons pas aux marchés libres sans entraves. Nous rejetons le culte de l’individualisme égoïste. » (p. 9) Sur le plan économique, elle a manifesté sa volonté d’établir un contrôle plus strict sur les investissements étrangers.
Quand Boris Johnson est arrivé en 2019, il fut possible de croire à un tournant plus libéral. Mais le covid a chamboulé la politique anglaise et les nécessaires réformes. Pire, les scandales politiques liés à la gestion de la crise sanitaire ont détruit la confiance envers les conservateurs et ont contribué à les faire passer pour des politiciens peu respectueux de l’État de droit : les fêtes chez le Premier ministre alors que celui-ci imposait des confinements ont eu un impact majeur. Et sa politique s’est caractérisée par un fort interventionnisme, incluant des nationalisations d’entreprises.
Le résultat de cet interventionnisme incessant est que les impôts ont maintenant atteint le niveau de 1949. Liz Truss avait souhaité réduire les taxes mais sans réduire les dépenses de l’État, ce qui a conduit à une crise politique et à sa démission. En rejetant l’héritage de Thatcher et en répondant aux crises politiques par un interventionnisme accru, teinté de bons sentiments, les conservateurs post-Brexit ont brouillé les cartes. Ils ont aussi placé le Royaume-Uni dans le piège de la dette.
Dès lors, il ne faut pas s’étonner de la montée de Reform UK. Si son programme est très anti-immigration (y compris légale), sur les aspects économiques, il prône entre autres une réduction des dépenses publiques, une baisse des taxes, ainsi qu’une réduction d’impôts pour les soins privés et pour les écoles privées. Il convient toutefois de noter que, de par la dimension nationaliste du parti, le protectionnisme est aussi très présent.
Si le Royaume-Uni veut éviter de se retrouver entre la gauche et la droite populiste, les Tories doivent renouer avec les programmes qui leur ont naguère assuré leur victoire.
2 commentaires
Très bonne analyse. Je suis binational franco-britannique et toute ma vie j’ai voté pour les Conservateurs. Cette année, en juillet, j’ai fini par les lâcher et j’ai voté pour Reform. Je suis tout à fait représentatif de l’électorat Conservateur, trahi depuis 14 ans par un parti qui a abandonné toute prétention au libéralisme Thatcherien. Mon meilleur espoir serait que les Conservateurs viennent piocher dans le programme de Reform et qu’on change de gouvernement de nouveau dans quatre ou cinq ans. Je ne suis pas forcément optimiste.
Le Royaume-Uni vit aussi mal que la France. Leurs conservateurs ne sont pas conservateurs. les Travaillistes sont toujours autant de Gauche. La Sécu Anglaise, le National Health Service, créé en 1945 par le Parti Travailliste, a toujours été un désastre médical et économique. Les Travaillistes veulent encore plus de NHS. Les Anglais seront encore plus mal soignés.