La dernière chance de la droite libérale face au bloc populiste

Emmanuel Macron a joué la France à la roulette. Sa dissolution donne au RN une prime aux prochaines législatives équivalente à celle que traditionnellement le vainqueur de la présidentielle obtient. A l’inverse, le parti Renaissance en paiera sans doute le prix dans les urnes. La droite libérale est désemparée et divisée face au risque des populismes.

Les forces en présence

 Jordan Bardella a obtenu aux Européennes 31,37% des suffrages et Marion Maréchal, dont la quasi-totalité des électeurs est prête à voter RN aux législatives selon les sondages, 5,47%, soit un total de près de 37% sans compter les petites listes et le ralliement, précipité, de Ciotti qui porteront sans doute le RN et ses alliés à environ 40% au 1^er tour des législatives.

La gauche a réuni moins de 30% ( PS/ Glucksmann : 13,83%, LFI : 9,89%, Ecolos : 5,50%) mais selon un sondage « Cluster17- Le Point » du 14 juin, les électeurs de Raphaël Glucksmann ne sont que 64 % à se déclarer favorables à l’alliance de la gauche. Les électeurs écolos semblent également indécis (sondage CSA pour CNEWS du 15/06). Malgré l’apport des électeurs qui s’étaient portés sur de petites listes de gauche aux Européennes, le Front populaire ferait, selon les sondages, entre 22 % et 28 % au 1^er tour.

Sachant qu’il faut avoir obtenu au moins 12,5% des votes des inscrits pour se maintenir au second tour, celui-ci sera réduit dans l’immense majorité des cas à des duels RN et alliés/Front populaire. Les sondages évoquent 536 duels sur 577 sièges !

Certes, les législatives peuvent permettre à des députés bien implantés de résister à des vents contraires. Ce qui fait que le parti Renaissance de Macron et Les Républicains pourraient conserver quelques dizaines de sièges, et sans doute deux fois plus pour Renaissance que pour LR. Mais il est vraisemblable que le RN et ses alliés obtiendront une majorité, du moins relative. Le traditionnel front républicain opposé à l’extrême droite ne marchera plus d’une part parce que la dite extrême droite a mis de l’eau dans son vin et d’autre part parce que le front populaire représente un danger bien plus radical.

Un RN incertain

Le RN sait que, Macron président, il n’aura pas toute latitude politique de faire ses réformes, et que la situation financière de l’Etat ne lui en donnera pas beaucoup de moyens. Il annonce donc qu’il y aura le temps 1 des urgences et le temps 2 des réformes. Pour les législatives, il a centré son programme de campagne sur huit propositions :

• Le passage de 20 % à 5,5 % de la TVA sur les prix de l’énergie qui pourrait représenter une baisse de 10 milliards d’euros de recettes pour l’État et autant de gains pour les usagers.
• Pour aider l’agriculture, il veut « développer les circuits courts et lutter contre la concurrence déloyale ».
• Il promet de « réduire les déserts médicaux, soutenir l’hôpital public et sécuriser l’approvisionnement en médicaments ».
• Il maintient sa volonté, courageuse, de privatiser l’audiovisuel public, ce qui économiserait 4Md€ par an et éviterait que les contribuables soutiennent malgré eux des médias subversifs.
• Il établirait une exonération de cotisations patronales sur les augmentations de salaires d’au moins 10% jusqu’à trois SMIC. Contrairement à ce que dit l’Institut Montaigne, cette mesure ne devrait pas couter 10Md€, mais elle réduirait dans le temps la ressource des cotisations.
• Il compte sur une réduction drastique de l’immigration légale et illégale et l’expulsion des délinquants étrangers pour faire des économies. Mais si cette politique peut en effet favoriser la sécurité publique, les recettes ne seront sans doute ni significatives ni immédiates.
• Il veut encore « stopper la multiplication des normes abusives » et « mettre fin au laxisme judiciaire », mais on est là dans les incantations.
• Face à la situation, il reporte l’abrogation de la réforme des retraites, la nationalisation des autoroutes, le prêt de 100 000€ à taux zéro pour l’accession à la propriété des jeunes et l’exonération de l’impôt sur le revenu des moins de trente ans. Mais il envisage déjà un impôt sur la fortune financière, IFF.

Un jeu d’opportunités

Le programme du RN est avant tout populiste et démagogique tout en évitant des excès majeurs, même si certaines mesures rejoignent celles de ses adversaires du Front populaire tandis que sa volonté de rétablir l’ordre rassure la droite. Malgré des dispositions bienvenues sur l’immigration ou l’audiovisuel, il manque cruellement d’armature, reste vague (normes) et conformiste à bien des égards (hôpital public), avec des mesures paramétriques (TVA, cotisations sociales), utopiques et marginales (l’agriculture de proximité) et d’autres, à terme, dangereuses (IFF, nationalisations…).

De fait, le RN n’a guère d’armature conceptuelle. Il veut gagner et il est prêt à cet égard à tous les opportunismes. Ce qui est un risque pourrait alors devenir la chance de la droite LR si le RN ne gagnait qu’une majorité relative et avait besoin d’elle pour obtenir une majorité absolue. La droite LR a elle-même navigué à vue pendant trop longtemps et jusque dans le ralliement intempestif de Ciotti qui, s’il devait être nécessaire, eut été plus efficace dans l’entre-deux tours. Le courage et les convictions affirmés par Bellamy et quelques autres dans la campagne des Européennes et suite à la dissolution peuvent la racheter malgré son programme encore imprégné d’un protectionnisme de mauvais aloi. Elle parviendra à saisir cette opportunité à son profit et à se dédouaner de toute complicité inappropriée si elle apporte et impose à une majorité reconstituée des idées fortes pour libérer la société et rendre aux Français la maîtrise de leur vie. Elle y réussira si ces idées nouvelles sont aussi autant d’économies pour l’Etat et d’augmentation du pouvoir d’achat et de libertés pour les individus. Qu’elle s’empare des propositions de l’IREF pour s’y aider.