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Il faut libérer le marché de l’électricité

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Avec la guerre d’Ukraine et la rupture des approvisionnements en gaz russe, les prix de l’électricité ont flambé. Mais l’Ukraine n’a été qu’un déclencheur sur le marché électrique désormais si administré qu’il a perdu sa flexibilité et sa capacité de réaction. Après un état des lieux, ci-dessous, nous publierons le lundi 6 février une analyse de quelques voies et moyens pour remédier aux difficultés rencontrées.

1ère partie :  état des lieux

Le marché électrique est compliqué à gérer parce que la demande électrique varie tous les jours en fonction de paramètres incontrôlables, comme la température, et que ce produit n’est pas stockable. L’offre est assurée par des sources très variées (thermiques, nucléaires, hydrauliques, éoliens, etc.) qui proposent à chaque instant leur électricité à un prix différent selon leurs facteurs de production. Certaines sources comme le gaz peuvent être disponibles très rapidement tandis que d’autres sont moins réactives, comme le nucléaire qui a besoin de plusieurs heures pour établir le cycle vapeur. Ici les coûts fixes sont de loin les plus importants, là ce sont les coûts variables.

Pourtant, l’électricité est un produit de première nécessité pour tous les services industriels, professionnels ou domestiques.

Pour répondre à ce besoin, l’Europe a organisé un marché de gros de telle façon que chaque source de production propose en continu ses produits dont le prix est fixé au niveau du coût marginal du dernier des moyens de production classés par coût marginal croissant (ou « merit order »). Par ailleurs, sur le marché court terme, un mécanisme de couplage de marché a été mis en place il y a une quinzaine d’années pour favoriser la meilleure disponibilité et les échanges au meilleur prix entre les pays au travers d’une étroite coordination entre différentes bourses d’électricité. Enfin, en aval, a été encouragée une libre concurrence entre fournisseurs pour que les consommateurs finaux bénéficient des meilleurs prix de distribution. Des gestionnaires du réseau de transport, comme en France RTE, filiale d’EDF, veille à la rencontre à tout moment de l’offre et de la demande, le cas échéant en commerçant avec les réseaux étrangers via les nombreuses interconnections établies.

Sur le marché de gros, l’idée était que le prix de la dernière centrale permette aux autres fournisseurs de dégager des marges pour investir de façon à améliorer et augmenter leurs outils de production et tendre vers des prix plus bas en augmentant l’offre, contribuant ainsi à ce que le marché puisse se passer progressivement des centrales de production les plus onéreuses et les plus polluantes. Sauf que cette vision angélique n’a pas fonctionné notamment à cause de la montée en puissance des énergies renouvelables (EnR) qui a déstabilisé le système pour diverses raisons. Ces EnR intermittentes ont bénéficié de larges subventions publiques et de garanties de prix de vente qui ont empêché les marchés de délivrer les bons signaux prix. D’autant plus que ces énergies ont obtenu une priorité de délivrance de leur électricité sur les marchés pour s’assurer que leur production, intermittente et aléatoire, soit utilisée de manière optimale dans un souci écologique. Elles ont ainsi obligé à maintenir de nombreuses sources de production au gaz ou au charbon pour les suppléer et elles ont tout à la fois détruit les incitations à produire de manière plus économique et contribué à augmenter les prix.

Les pouvoirs publics sont intervenus à tous les niveaux de la production et de la distribution pour en gérer les prix et les moyens d’accès

Parallèlement, l’électricité étant un élément de consommation très sensible, les pouvoirs publics sont intervenus à tous les niveaux de la production et de la distribution pour en gérer les prix et les moyens d’accès. La Cour des comptes observe qu’en France ont été prévus, notamment avec la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, une programmation pluriannuelle des investissements (PPI devenue PPE), des tarifs en obligation d’achat pour les énergies renouvelables (puis des compléments de rémunération organisés en guichet dans le cadre d’arrêtés tarifaires), un accès réglementé au réseau (TURPE) et ses principes de calcul (péréquation géographique, tarification « timbre poste »…), une compensation des surcoûts géographiques à l’approvisionnement (zones non interconnectées – ZNI)… Sur le marché de détail, dès avant les aides et plafonds décidés en 2022, ont été mis en place des soutiens aux clients précaires (tarif social ou de première nécessité devenu chèque énergie) et des tarifs réglementés de vente (TRV, dont les tarifs bleus). Sur le marché de gros, des facilités ont été accordées aux fournisseurs alternatifs, en particulier dans le cadre du Virtuel Power Plants de la Commission européenne en 2001), puis depuis 2011, avec le régime de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) créé par la loi NOME qui permet aux fournisseurs alternatifs d’obtenir auprès d’EDF de l’électricité d’origine nucléaire à un prix fixe et imbattable, 42 €/MWh depuis 2012.

L’Europe avait voulu instaurer des mécanismes de marché, mais à force de contraintes administratives auxquelles il est soumis, le marché électrique n’est plus que l’ombre d’un marché.

L’Europe avait cru pouvoir instituer des règles pour que fonctionne un libre marché, mais dès le début se sont donc multipliées les entraves à la concurrence, le marché a été de plus en plus administré, en particulier en France où l’Etat, qui ne voulait pas laisser la main à d’autres, a transformé EDF en société anonyme de droit privé tout en continuant à détenir plus de 80% de son capital et en lui imposant des contraintes diverses et variées en même temps qu’en la maintenant comme un quasi-monopole de fait. EDF assure près de 85 % de la production, suivie d’Engie (4 %). La position dominante d’EDF lui permet de gérer elle-même ses pointes de fournitures en disposant de moyens de production ou d’effacement nécessaires à la sécurisation de l’alimentation du réseau. Mais à l’effet de garantir l’équilibre des offres et des demandes d’électricité à tout moment, tous les fournisseurs d’électricité sont tenus de s’approvisionner en garanties de capacités pour couvrir la consommation de l’ensemble de leurs clients en périodes de pointe de consommation nationale. Ces garanties de capacité sont obtenues en investissant dans des moyens de production ou d’effacement ou auprès des exploitants de capacités. Elles font l’objet de règlements financiers incitatifs fixant des prix administrés et de référence des livraisons, ce qui est une atteinte de plus aux règles d’un libre marché. La gestion des pointes électriques est de plus en plus difficile à piloter au fur et à mesure que progressent les énergies renouvelables et volatiles. En témoigne le blackout électrique du Texas lors des grands froids du 14 au 19 février 2021, dû notamment à l’importance de l’éolien dans cet état américain pour couvrir la demande.

L’Europe avait voulu instaurer des mécanismes de marché, mais à force de contraintes administratives auxquelles il est soumis, le marché électrique n’est plus que l’ombre d’un marché. Les acteurs y sont publics et privés, mais tous, du moins en France, sont comme des marionnettes qui dansent au pas convenu par le marionnettiste qu’orchestre l’Etat avec l’Europe. Il existe une sorte de collusion entre les fournisseurs, privés et publics, et les autorités publiques, une sorte de capitalisme ou plutôt d’étatisme de connivence qui protège les intérêts des entreprises sans égard aux consommateurs quitte à rattraper partiellement les dommages créés en sur-imposant les profits de ces rentes pour financer des subventions aux consommateurs. L’Etat n’en est pas mécontent puisqu’il reste au centre du jeu et en contrôle toute la filière.

Mais cette opacité du marché est aussi sans doute une cause de ses dysfonctionnements en cas de difficultés comme la guerre d’Ukraine ou des vagues de froid ou de chaud intenses. Alors comment y remédier ?

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12 commentaires

Laurent46 30 janvier 2023 - 5:38

La vraie question et les réponses à chercher est pourquoi Macron ne veut pas libérer le marché de l’électricité ?
Est-ce comme le carburant ? le baril est très bas et les prix ne baissent plus pourquoi ?
TAXES, TAXES, TAXES … C’est le seule réponse que l’on peut avoir.
La Ripoublique tue l’économie de la France et quoi que dise cette sale génération de profiteurs et d’excréments les trente glorieuses ont été faites par le TRAVAIL et c’est la vraie génération de petit profiteurs actuellement au pouvoir en cette Ripoublique et dans l’UE en général, la tribu des fainéants, des incapables et des irresponsables qui détruisent tout ce qui a été réalisé par le travail de leurs ancêtres.
Mais toute cette génération est tellement fainéante et prétentieuse qu’elle ne se rend même plus compte de ses actes. J’aurai dû rajouter inculte car dans ces écoles de la République on ne leur a jamais appris l’histoire seul leur fonction de futur Ripou-bliquais et la grosse fainéantise leur à été enseigné. Et cela se vérifie tous les jours. Le plus grave c’est qu’entre Ripoublicain et escroc la marge est faible et la ligne rouge semble largement dépassée. Hélas un retour à la réalité n’est pas pour demain et ne reviendra pas sans larmes et sang qu’ils provoquent tous les jours que dieu fait.

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Tabz 30 janvier 2023 - 8:47

@Laurent46 Pourquoi ne veut-il pas libérer le marché ? Parce qu’il y a une volonté de faire monter les prix pour diminuer la consommation. Sinon, on aurait redémarré Fessenheim et les autres.
Allez sur ecologie.gouv.fr, cherchez « Stratégie Nationale Bas Carbone (snbc) », téléchargez les pdf et voyez : tout est planifié !
Il faut absolument sauver le climat d’un péril qui n’existe pas… En ruinant les français.

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Serge GRASS 30 janvier 2023 - 7:28

La libéralisation du marché de l’électricité est une catastrophe. Certes le monopole posait des problèmes en donnant un pouvoir de nuisance exorbitant aux syndicats, pouvoir de nuisance que nous retrouvons dans les produits pétroliers pourtant privatisés. Je constate que la concurrence dans le marché de l’électricité conduit non pas à ce qu’elle fasse baisser les prix, mais au contraire à les faire monter avec la notion  » du coût marginal du dernier des moyens de production ». Et les prix privilégiés de l’ARENH n’ont pas conduit les « fournisseurs alternatifs » à investir dans des moyens de production, mais réclamer plus de GW de la part d’EDF et l’augmentation du prix régulé pour augmenter leurs marges.

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Epidaure 31 janvier 2023 - 9:23

Le coût de production d’EDF est d’environ 50€ le MWh. Or le même EDF le vend actuellement au prix de marché européen, soit 3 à 8 fois plus cher. Mais que fait EDF de ses superprofits actuels? N’est ce pas un moyen commode de renflouer les caisses de l’état qui parallèlement accuse l’Europe et se dédouane auprès des particuliers grace au pseudo bouclier du tarif régulé.

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Astérix 30 janvier 2023 - 8:36

Une fois de plus, lorsque l’état s’occupe de gérer c’est la catastrophe. Votre excellent article démontre l’incurie de nos dirigeants qui ont réussi à monter une usine à gaz administrative. Les français vont encore devoir payer leur incompétence alors que nous disposions des coûts les plus bas avec nos centrales nucléaires que nos crétins n’ont pas été capable d’entretenir.
La solution, éjecter Macron et sa clique, sortir de l’Europe et de l’euro.
Mais enfin l’on voit bien que cette europe ne nous amène que des problèmes et des coûts inutiles !
Il serait temps d’ouvrir les yeux.

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Jonathan Rien 30 janvier 2023 - 9:01

Merci pour cet excellent texte ! En attendant le 2ème partie, j’ajouterai juste qu’il faut libérer le marché tout court.
PS: comme incidence première sur le prix de l’électricité, vous savez le carburant pachère, ne pas oublier la volonté de fermer les centrales nucléaires et leur fermeture définitive s’il n’y avait eu la guerre en Nukeraine. Les états membres de l’UE sont les vrais responsables et à l’évidence l’UE aggrave encore les problèmes.

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Dupond 30 janvier 2023 - 9:04

Voici ce qui attends les Français
Trop c’est trop après le bouclier tarifaire
Voir la production éléctrique en europe electrity.maps
https://www.boursorama.com/patrimoine/actualites/apres-le-gaz-le-tarif-reglemente-de-l-electricite-augmente-a-son-tour-de-15-92df73f4b92e467466606cd3745a9895

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LEBLOND 30 janvier 2023 - 10:25

On met beaucoup trop de choses sur le dos de l’Ukraine c’est inadmissible. Nous ne sommes pas assujettis au gaz russe comme l’Allemagne, donc nous devons sortir du marché électrique lié au gaz. Quant au marché alternatif c’est bidon. Pour la production dite verte alors là c’est la catastrophe, car le matériel utilisé n’est pas de fabrication française et nous coûte la peau des fesses, merci l’écologie politique.

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PhB 30 janvier 2023 - 11:48

Bonjour
L’électricité n’est pas une marchandise, vu que la technologie actuelle ne permet pas de la stocker en très grande quantité sans faire appel à de immense structures comme les lacs de retenue, que l’on peut remplir en heures creuses.
Donc, tous les fournisseurs « alternatifs » qui ne produisent rien sont des « rigolos » qui vendent une marchandise, un service ou un bien qu’ils ne possèdent pas, voir même des escrocs!
Quand aux petits producteurs, ou bien il revendent l’électricité produite localement directement dans leur entourage, comme pour certaines petites entités hydroélectrique, ou comme moi , avec mes panneaux photovoltaïques, ils le revendent au vrai distributeur qui gère le réseau local (chez nous c’est Electricité de Strasbourg).
Chaque relation fournisseur client fait l’objet d’un contrat spécifique (dans mon cas le contrat a été fixé pour 20 ans, période qui engage les deux protagonistes).
Tout le reste est de la FOUTAISE:
La Régulation des Charges comme on dit dans le langage du métier, fait que c’est au niveau National que doit se gérer la distribution électrique.
Ensuite il faut faire appel à des entreprises locaux-régionales qui gèrent les parties terminales du réseaux électrique (passage de la HT à la MT et BT) pour assurer l’acheminent dans les meilleures conditions .
Chez moi, suite à la disparition du tarif règlementé, si Electricité de Strasbourg décide d’augmenter ses tarifs en juin, je pourrai (futur) le considérer comme « normal », ce sont eux qui entretiennent le réseau et interviennent en cas de problème.
Je ne vais pas aller chez une « sirène » qui va me faire miroiter un prix mirobolant et qui techniquement n’a aucune action sur l’acheminement du courant électrique.
Réfléchissez bien quand vous devrez choisir votre fournisseur en juin prochain.
PhB

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Obeguyx 5 février 2023 - 10:49

Depuis 40 ans, il ne fait vraiment pas bon de faire des hautes études, lorsqu’on voit le degré de conneries atteint aujourd’hui par les « nouveaux » penseurs. Ca m’ennuie de le dire, mais c’était mieux avant !!! Au fait, avant quoi ? Mais avant le socialisme, vous savez la plaie de l’humanité, vous savez cette idéologie qui permet tous les outrages et qui génère toutes LES GUERRES depuis son invention. Contre cette vérité il n’y a pas de contradicteurs sinon seulement des menteurs. Mort aux cons !!!

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Jean-Pierre Bardinet 7 février 2023 - 9:36

Qui sont les responsables de cette situation ? La Commission, l’Allemagne avec Angela Merkel qui a imposé son absurde modèle d’Energiewende, et nos gouvernants qui, tous, ont tout fait pour casser notre système électrique intégré et torpiller EDF dont pourtant l’Etat est actionnaire principal. Si Jospin et ses complices de l’époque (DSK, Mme Voynet, Mme Lepage,…) n’avaient pas stoppé la surgénération avec l’arrêt de Superphénix, nous aurions eu un avantage concurrentiel colossal et notablement réduit les déchets, notamment le plutonium, ce que les Verts ne peuvent supporter dans leur combat idéologique contre le nucléaire. Puis Macron a arrêté le projet de surgénération Astrid pour de minables motifs électoraux et mis à mort Fessenheim, qui nous manque cruellement, à tel point que nos gouvernants irrationnels et incompétents ont rouvert la centrale à charbon de St Avold. Quant à Sarko, c’est lui qui a lancé l’ARENH, dispositif absurde qui oblige EDF à vendre à bas pris (42 €/MWh) 30% de sa production à des concurrents dont la très grande majorité ne produit rien. Et maintenant nos gouvernants, responsables avec ceux de Mitterrand, de Sarko et de Hollande, de cette situation de pénurie, viennent pleurer sur les plateaux télé pour nous supplier de faire des efforts. Je n’en ferai aucun et je les emmerde.

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Nicolas Lecaussin 7 février 2023 - 3:35

Ce sont les politiques français les responsables, pas l’Europe…Vous le dites d’ailleurs aussi dans votre commentaire…
NL

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