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Avec le Digital Services Act, l’UE veut contrôler la liberté d’expression sur Internet

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Dans un contexte d’émeutes urbaines en France et de propagation de contenus violents sur les réseaux sociaux (appels à tuer, à brûler des voitures, etc.), Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, a annoncé vouloir bloquer les plateformes qui ne respectent pas la réglementation du Digital Services Act (DSA). Selon lui, elles « n’ont pas fait assez » pendant cette période. L’idée a été saluée par le président français Emmanuel Macron, qui s’est lui-même déclaré favorable à un blocage « ponctuel et temporaire » si la situation l’exige.

L’UE impose ses réglementations au mépris des décisions constitutionnelles

Applicable dès le 25 août, le DSA s’attaque aux plateformes ayant plus de 45 millions d’utilisateurs par mois comme Snapchat, Instagram, Meta ou encore Twitter. Il prévoit l’interdiction de la publicité ciblée pour les utilisateurs mineurs, la mise en place d’outils de vérification de l’âge, l’interdiction du partage des données sensibles de l’utilisateur (origine ethnique, croyances religieuses, orientation sexuelle, etc.), la publication de rapports de transparence sur la modération, la publicité ou l’accès aux données publiques, ainsi que l’interdiction des « contenus haineux » et de la « désinformation ». Sur ce volet précis, l’accès aux réseaux sociaux pourra être temporairement suspendu si leur action n’est pas jugée suffisante après une sanction.

Il y a déjà eu des tentatives de régulation de la liberté d’expression sur Internet : la loi Avia contre les contenus haineux en est l’exemple le plus récent. Elle voulait obliger les plateformes à retirer ou rendre inaccessible sous 24 heures tout contenu comportant une incitation à la haine ou une injure discriminatoire en raison de la race, de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap. Le manquement à cette obligation était passible d’une amende susceptible d’atteindre 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial. Le Conseil constitutionnel a retoqué cette loi en 2020, arguant du risque de « surcensure » des plateformes elles-mêmes pour éviter toute condamnation. Aujourd’hui, une réglementation européenne similaire est pourtant sur le point de s’imposer.

La politique de modération des réseaux sociaux ne concerne pas les technocrates européens

Le DSA soulève les craintes légitimes des représentants du monde syndical, des associations écologistes, et plus généralement de tout groupe politique susceptible d’être bloqué sur des critères flous et arbitraires. Les politiques de modération imposées par les États comportent d’innombrables travers qu’il serait difficile de lister de manière exhaustive. Des exemples : la suspension du  compte Twitter du média StreetPress en 2020, à cause d’une interview du directeur sur la loi Sécurité globale, avec une vidéo tirée du live de Révolution permanente ; celle, la même année, pendant quelques heures, des comptes Instagram de deux journalistes de Charlie Hebdo après la publication à la une du journal de caricatures du prophète Mahomet, lorsque le procès des attentats a commencé ; même chose pour la publication, sur Facebook, d’une photo de Zak Kostopoulos, militant homosexuel et défenseur des droits LGBT, après des signalements en masse. C’est la sévérité des sanctions, en cas d’inaction, qui poussent ces plateformes à appliquer un strict principe de précaution. 

Certes, ne pas réguler la liberté d’expression sur Internet n’est pas non plus sans danger. Il s’agit d’une balance des intérêts et des risques : vaut-il mieux jouer la surprotection et censurer à l’excès les contenus en ligne, voire bloquer des plateformes au détriment de l’ensemble des utilisateurs, ou prendre le risque de la liberté et laisser proliférer même des contenus jugés – sans réel critère objectif –  problématiques ? Nous disposons de quelques éléments pour répondre. Tout d’abord, les internautes se soucient davantage de bénéficier d’une bonne couverture réseau partout sur le territoire, que de savoir si, et comment, les GAFAM sont régulées. Nous avons pu le constater avec le volet numérique du Conseil national de la refondation (CNR). Ensuite, l’absence de réglementation n’est pas l’absence de contrôle : certaines interdictions sont parfaitement légitimes (apologie de la violence, pédopornographie, etc.), et les plateformes devraient être libres de déterminer elles-mêmes leur politique de modération, sans ingérence de technocrates non élus.

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8 commentaires

Roven 27 juillet 2023 - 7:04

Après avoir consommé les ressources du pays pour acheter les voix, les technocrates qui nous gouvernent s’interrogent sur l’avenir de leur maintien au pouvoir : ils s’attaquent désormais à la liberté d’expression en cherchant à museler toute forme de remise en cause (JDD, réseaux sociaux…).

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AlainD 27 juillet 2023 - 8:23

La ficelle n’est elle pas un peu grosse ? Au motif de sabrer les débordements ces messieurs de Bruxelles ne sont ils pas en train de nous mener tout droit dans « 1984 » ? George Orwell était sûrement un visionnaire…

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John Swift 27 juillet 2023 - 9:32

En lisant cet article je me suis posé la question de savoir de ce que l’on trouvait actuellement sur le web. J’ai donc posé la question « Comment fabriquer un cocktail molotov ? »
Faites-le vous serez surpris du nombre d’informations que l’on trouve pour : sabotage d’un oléoduc, recettes pour des actions directes nocturnes, etc.
Dire que les plateformes devraient être libres de déterminer elles-mêmes leur politique de modération, sans ingérence de technocrates non élus est une idiotie. Elles ne le font pas. Vous avez déjà oublié le mois de juin ?
La liberté d’expression a bon dos

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Mathieu Réau 31 juillet 2023 - 2:47

Je suis entièrement de votre avis.

Je pense toutefois que demander aux plates-formes de s’occuper de la modération, même sous la menace de sanctions, est une fausse bonne idée. C’est ce que je reprochais à la loi Avia, précisément : à mes yeux, il s’agissait d’une loi par laquelle l’État se déchargeait sur des institutions privées de son devoir régalien de maintien de l’ordre.

Considérons Internet pour ce qu’il est de facto : un espace public. Et que l’État y applique les mêmes règles que dans tout autre espace public.

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thiers jean marie 27 juillet 2023 - 10:30

Comme toujours, cette limitation commence a minima, visant ce qui n’intéresse, en général, que des individus sans grande valeur. Mais, une fois le principe posé, rien n’exclut de réviser, degré par degré, l’étendue de la censure. Aucun gouvernement, aucun régime n’étant honnête, on peut s’attendre à toutes les restrictions d’opportunité.
Enfin, être choqué par un excès n’est pas forcément une mauvaise chose. à condition de savoir la décrypter ou la fondre dans une vision documentée. L’interdiction est finalement assez primaire qui a, en outre, le visage de la duplicité. Interdirait on les bébés blancs empalés sur un bambou ? Non, parce que l’idéologie dominante le permet.
J’ai vécu en RDA, et vous avez vu « la vie des autres », cherchez et demandez vous par quelle déviance nous y arriverons.

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Antifiscal 27 juillet 2023 - 7:57

Bsr, c’est de la petite quicaillerie car la technologie les a.dépassés. il y a longtemps car il y a des solutions techniques existantes…que j’ai déja mises en place car je veux que ma vie privée reste privée sans que ses pendards décident de la piétiner.

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Mathieu Réau 31 juillet 2023 - 2:51

Quiconque réellement soucieux de sa vie privée ne partage pas celle-ci sur Internet : c’est le meilleur endroit où se la faire piller par des entreprises avides de profit.

Je m’étonne toujours, d’ailleurs, que tant de gens se soucient à ce point de l’ingérence d’États au demeurant impuissants dans la régulation d’Internet quand les mêmes n’ont, pour la plupart, pas l’ombre d’un scrupule à étaler ouvertement leur intimité devant des entreprises qui n’agissent qu’au nom de leurs intérêts privés et ne se privent pas de faire commerce de nos données…

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Henri 31 juillet 2023 - 9:22

Il ne restera plus qu’un espace de liberté : le Dark Web, où l’on trouve tout, le pire comme le meilleur.

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