Sécurité sociale : encore des réformettes qui n’empêcheront pas la hausse des dépenses et des coûts pour les bénéficiaires. Et si l’on mettait fin au monopole de l’Etat comme c’est le cas dans d’autres pays ?
La France est le pays de l’OCDE dans lequel les dépenses sociales publiques sont les plus importantes : elles représentent 32 % de son PIB. Pour l’INSEE, l’administration de Sécurité sociale contribue aux principales dépenses des administrations publiques pour 47%. C’est dire si le projet de loi de financement de la Sécurité sociale revêt une importance capitale pour un Etat déficitaire et très endetté.
Le budget proposé est pourtant encore une fois déficitaire, de 7,8 Mds €. Certes, il est difficile de rééquilibrer un tel budget dès la première année de mandature mais les promesses d’équilibre repoussées à 2019 ne peuvent convaincre sans de vraies réformes.
L’Etat centralise toutes les caisses pour créer une « super » Sécurité sociale
Il n’y a qu’une réforme à noter : l’absorption du régime des indépendants par la Sécurité sociale dans ce qui s’apparente à une dernière tentative d’équilibrer les comptes. Le gouvernement espère probablement que l’augmentation du nombre de cotisants et la qualité de ceux-ci permettront d’atteindre un hypothétique seuil de rentabilité. Il oublie que c’est l’inefficacité même du monopole qui provoque un défaut de gestion manifeste et obligatoire. La seule réforme de taille va donc dans le mauvais sens.
Ainsi, le RSI va être adossé à la Sécurité sociale. Fortement critiqué pour ses insuffisances (et sa suffisance vis-à-vis des assurés ?), il disparait enfin. Mais quels avantages en attendre ? Pire, le PLFSS modifie la liste des professions libérales relevant des caisses indépendantes comme la CIPAV, la plus importante d’entre elles. De ce fait, la plupart des affiliés (90% selon le président de ladite caisse), vont devoir se tourner vers le RSI, donc vers la Sécurité sociale. La CIPAV estime que cela provoquera des hausses très importantes des cotisations (de 11% à 79%). Quel intérêt revêtent ces changements ? La CIPAV prétend détenir des réserves de 5 Mds €. La Sécurité sociale tenterait-elle de faire main basse sur ces réserves ? L’exposé des motifs n’apporte pas d’indications à ce propos mais, concernant le RSI, ose prétendre que « Cette réforme […] vise à recomposer le paysage des organismes de sécurité sociale […] afin de permettre aux travailleurs indépendants de bénéficier d’un système de sécurité sociale comparable en termes d’efficacité aux autres assurés.
Constatant l’inefficacité du RSI d’une part, et l’efficacité de la CIPAV d’autre part (le rendement en serait de 7,2%), le gouvernement choisi de tout nationaliser, manquant encore l’occasion de s’ouvrir à plus de concurrence.
Les mutuelles paieront
Mais il est prévu une augmentation des frais hospitaliers, de 18 à 20 euros, qui représenterait plusieurs centaines de millions d’euros, à la charge des mutuelles. Incapable d’équilibrer les comptes sociaux, pas plus que ceux des hôpitaux, le gouvernement poursuit cette politique qui consiste à transférer de plus en plus de charges sur les mutuelles sans baisser pour autant les coûts des assurances obligatoires étatiques. Ayons le courage d’aller jusqu’au bout de la logique et mettons fin au monopole de la Sécurité sociale et de ses 100 Mds € de frais de gestion !
Mise à plat du CICE et de la CSG
La transformation du CICE en réduction de charges permettra de revenir à une situation de droit commun plus apte à l’établissement des affaires que l’usine à gaz administrative qu’est le CICE. Il est regrettable cependant que le gouvernement n’aille pas au bout de sa réforme en simplifiant le système des charges, largement et indifféremment du montant de la rémunération.
L’augmentation de la CSG ne serait pas si critiquable si elle avait compensé une baisse de la progressivité de l’impôt pour tendre vers un impôt proportionnel sur une assiette large, correspondant à celle de la CSG, mais à un taux raisonnable.
L’hôpital : des chimères en guise de projet
En 2015, le secteur hospitalier représentait 43,9% des dépenses d’assurances maladies. A ce titre, un regard particulier est porté sur le secteur. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a elle-même travaillé dans un hôpital. Elle en connaît donc les problèmes… en théorie. Les propositions apportées relèvent plus du vœu que du concret. Il s’agirait principalement de promouvoir l’ambulatoire et engager le retour de la dotation.
En premier lieu, les techniques ambulatoires n’ont pas attendu le nouveau ministre pour se développer. Pourtant, c’est bien dans l’hôpital public qu’elles sont le plus en retrait, particulièrement dans ceux de Paris. Manque de concurrence, bureaucratie omniprésente, désorganisation, ont retardé l’application de ces techniques qui permettraient aussi de réduire la surface des hôpitaux par une baisse du nombre de nuitées et donc de chambres. Décréter ne suffit pas. Les hôpitaux sont vétustes et nécessiteraient beaucoup d’investissement pour se transformer sur la base du nouveau modèle utilement prôné par la ministre. Il faut engager la privatisation des structures pour lever des fonds permettant ces évolutions et pour en finir avec la suradministration des hôpitaux.
La deuxième mesure phare va venir en alourdir encore le fonctionnement : en effet, l’article 39 propose « l’extension de la portée du contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins avec la possibilité d’octroyer un intéressement aux établissements de santé répondant aux objectifs contractuels de qualité, de pertinence et d’efficience des soins ». C’est le retour de la dotation qui avait été abandonnée en 2004 parce qu’elle ne correspondait à rien de concret. Mais refusant encore la libre fixation des tarifs, la tarification à l’acte (T2A) a été pervertie par un niveau de détails bureaucratiques absurde. On en revient donc à un planisme mal caché. L’hôpital va se voir confronté à une liste d’objectifs concoctés dans des bureaux, dont il devra pouvoir prouver l’accomplissement pour décrocher la dotation supplémentaire. Le refus obstiné et doctrinaire de l’échange mutuel au sein du marché empêchera toute solution simple et efficace d’émerger.
La manipulation des branches famille et vieillesse
Comme depuis quelques années, la branche famille (50 Mds € de dépenses) va encore être maladroitement manipulée par des baisses sélectives des aides à la garde d’enfants (Paje) qui sont censées permettre une baisse des dépenses de 70 millions € en 2018. Cette réforme, néanmoins, crée une nouvelle forme de redistribution en conditionnant l’aide à des critères de revenu plus sévères.
Concernant la branche vieillesse (228 Mds €) : alors que l’on reconnait que le rapport entre retraités et cotisants baisse depuis 1965 (4,29) et s’établit à 1,32 (régime général), aucune alarme. Après les réformes Fillon, le régime de base de l’assurance retraite va continuer à être bénéficiaire l’année prochaine mais replongera dans le rouge sous l’effet incontournable de la démographie. Rien n’est anticipé ici, l’on feint de croire à un équilibre prochain. Il est urgent d’introduire plus de capitalisation.
Quelles solutions ?
Les orientations proposées dans ce PLFSS 2018 ne sont que des arrangements paramétriques comme il y en a depuis des années qui, au mieux, repousseront des échéances désagréables. Ce plan évite soigneusement toute réforme de fond, comme celles que nous proposions par exemple pour l’APHP et qui peut être étendue aux hôpitaux entiers pour la question du financement ou de la privatisation; pas de réformes des retraites ni du financement du système de santé. De ce fait, seule reste l’augmentation des impôts (CSG, tabac, soda, forfait hospitalier,) pour sauver ce qui peut l’être, jusqu’à quand ?
2 commentaires
mesures du dernier PLfS :plus d'ETAT
Votre article est très intéressant et pertinent .Il montre l'amateurisme d'Etat dans la recherche des solutions pour en endiguer les dérives des coûts de notre Secu Sociale qui prend l'eau de plus en plus et pour qui 'on trouve chaque année de nouveaux impôts pour boucher les trous.
Je note au passage que le gouvernement Macron va transférer certains coûts sur les mutuelles en se "défaussant" ainsi de façon cachée sur ces mutuelles que la gauche et les macronistes avaient jugés indésirables lorsque F. Fillon avait laissé entendre qu'elles pourraient servir à indemniser les petits risques courants puisque ces dernières sont des organismes privés émanant du capitalisme odieux proscrit dans la santé.
Je vous serais reconnaissant de me confirmer les chiffres que vous indiquez et que je n'ai jamais vu dans la presse :
– frais de gestion administrative de la Sécurite sociale :100 Milliards par an?
-ensemble des prestations et transferts(?) de la sécurité sociale :472 Milliards
Pourriez-vous nous rappeler l'ensemble du coût des prestations de la Sécurité Sociale et leur composition en:
-maladie
-retraite
-allocations familiales
Ces chiffres sont fondamentaux pour comprendre les choses et s'il vous était possible d'indiquer les montants des financements selon leur nature:
-par exemple:
-montant des cotisations sociales (employeurs +salariés :
-montant de la CSG venant alimenter le tonneau des danïdes:
-autre montant et nature:
Je vous remercie de votre clarification indispensable.
JPD
Bonjour Monsieur,
Je vous remercie de votre lecture et de vos commentaires bienveillants.
Voici un lien qui vous permettra de consulter les données concernant les dépenses de l’administration de sécurité sociale : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2383672?sommaire=2383694.
La répartition des dépenses de sécurité sociale prévue pour 2018 (http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0269.asp) est celle-ci, en milliards € : Maladie 200,7, Accidents du travail et maladies professionnelles 13,3, Vieillesse 227,2, Famille 49,6, Toutes branches (hors transferts entre branches) 477,1 et ajoutons : Fonds de solidarité vieillesse 20,3.
En 2015, les cotisations sociales représentaient 58% (270 Mds €) des ressources de la SS et la CSG 23% (107 Mds €).