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Pourquoi il faut enclencher la transition vers la retraite par capitalisation

Jean-Philippe Delsol dans Le Point

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il est urgent de passer de la répartition à la capitalisation © Mourad Allili_Sipa
François Bayrou a remis la réforme des retraites en chantier sans aucun tabou, « pas même l’âge de la retraite », en laissant les partenaires sociaux s’entendre dans le respect des équilibres financiers. Au risque peut-être que celui-ci se fasse en épuisant l’épargne de sécurité (20Md€) du Fonds de réserve des retraites. Il a rappelé par ailleurs avoir été un « militant » de la retraite à points que défend la CFDT. Mais un système à point n’améliorerait pas l’équilibre des retraites et resterait dépendant de notre démographie déclinante.

En 2024, 663.000 bébés ont vu le jour en France, soit 2,2% de moins que l’année précédente qui avait déjà connu une baisse de 6,6% par rapport à 2022. Cette réduction de la natalité semble structurelle et durable tant elle relève d’une évolution des mentalités et des modes de vie, avec en particulier un refus de plus en plus de femmes de procréer. Les perspectives démographiques remettent donc en cause gravement et sans doute durablement les perspectives des retraites par répartition dans lesquelles les pensions servies aux retraités proviennent chaque année des cotisations des actifs.

Certes, l’Etat prend déjà en charge une partie significative des pensions. En 2023, les cotisations des actifs en ont financé moins de deux tiers. Le dernier tiers a été pris en charge par les contribuables à raison d’une contribution légitime de l’Etat de 20 Md€ au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), en faveur des personnes ayant une faible pension de retraite, et d’un surplus, contestable, de 110 Md€  versé principalement d’une part en compensation de divers dispositifs d’exonération de cotisations des salariés du privé et d’autre part à raison de l’insuffisance des cotisations des fonctionnaires et de divers régimes spéciaux parapublics. Mais ces charges énormes (130 Md€), qui représentent presque l’équivalent du déficit public annuel, ne pourront être supportées ni longtemps ni durablement. D’autant plus que, malgré la réforme de 2023 et ces apports conséquents de l’Etat au système de retraite, celui-ci reste déficitaire et, selon Gilbert Cette, président du Conseil d’orientation des retraites, ce déficit est appelé à s’accroitre significativement, jusqu’à 0,8% du PIB (25Md€) au-delà de 2030.

Les retraites françaises par répartition coûtent très cher pour un rapport faible. Les cotisations en sont très élevées, près de 28% du salaire brut (contre18,2% en moyenne dans l’OCDE en 2022), pour des prestations qui représentaient en moyenne 71,90% du dernier salaire en taux de remplacement net (après impôts et cotisations supportés par rapport au dernier salaire) contre un taux de remplacement de 93,20% aux Pays-Bas ou de 77,30% au Danemark.  Pourtant, les dépense publiques et privées des systèmes de retraite représentent en France près de 14% du PIB, 3,5% de plus qu’aux Pays-Bas ou au Danemark. Parce que ces deux derniers pays ont adopté très largement la capitalisation. En taux de remplacement brut, avant impôts et charges sociales, les systèmes par capitalisation danois et néerlandais permettent d’offrir aux retraités des pensions de plus de 30% supérieures à celle des Français alors que l’effort financier demandé aux cotisants et aux contribuables français est 30% supérieur à celui demandé aux leurs par les Pays-Bas et le Danemark.

Il est donc urgent de passer de la répartition à la capitalisation, d’autant plus urgent que la transition sera nécessairement progressive et ne pourra se faire que sur une période longue. Dans une étude réalisée pour l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF), je démontre que la transition vers la capitalisation est possible sans surcoût des cotisations et avec un gain significatif à long terme. Le secret de la capitalisation, sa magie, tient au fort rendement des intérêts capitalisés dont Albert Einstein aurait dit qu’ils sont “la plus grande force dans tout l’univers ».

Si la France avait adopté la capitalisation, il aurait suffi à un salarié de cotiser deux fois moins, soit 14%, pour obtenir la même retraite qu’aujourd’hui. C’est d’ailleurs ce qui peut permettre la transition vers la capitalisation en affectant pendant quelques dizaines d’années la moitié des cotisations à de la capitalisation tout en continuant à assurer les engagements pris à l’égard de ceux qui ont cotisé jusqu’à maintenant en « répartition ». A long terme, il suffira d’une cotisation de 14 ou 15 % pour assurer aux retraités un niveau de vie décent, au lieu des 28% de cotisation actuelle. Ce sera autant de pouvoir d’achat en plus pour les salariés.

D’autres chercheurs ont proposé des solutions différentes pour passer à la capitalisation.  Nicolas Marques, de l’institut Molinari, dans une étude faite avec le mouvement Croissance plus en septembre 2021, présente une solution pour « faire monter en puissance une dose de capitalisation, à l’image de ce qui a été fait pour les fonctionnaires avec l’ERAFP ou les pharmaciens » sans faire payer « deux fois » » les salariés. Dans son étude pour la Fondapol, Bertrand Martinot propose la création d’un deuxième pilier obligatoire de retraite par capitalisation avec une cotisation complémentaire qui augmenterait les cotisations pendant quelques dizaines d’années avant qu’elles puissent être réduites progressivement à un niveau inférieur au niveau actuel pour assurer aux nouvelles générations une pension inchangée par rapport à aujourd’hui. Il observe au surplus que la capitalisation aurait « des effets favorables sur la distribution des fortunes » en dotant tous les Français d’une épargne retraite.

 Au surplus, les fonds de pension gérant les retraites disposeraient d’une épargne importante susceptible d’être, pour une large partie, investie dans l’économie nationale de façon à en financer le développement tout en impliquant les cotisants indirectement dans l’économie nationale.

La capitalisation est proposée en France aux fonctionnaires et aux élus qui peuvent déduire de leurs revenus imposables leurs cotisations de retraite par capitalisation. Ils y sont d’ailleurs très attachés, au point que les quatre organisations syndicales (SNABF Solidaires, CGT, FO, CFE-CGC) de la Banque de France avaient appelé à la grève contre la réforme des retraites pour préserver leur régime par capitalisation créé il y a deux siècles par Napoléon. Il serait temps que tous les Français puissent bénéficier de ce système de retraite par capitalisation sans la mise en place duquel il ne restera peut-être aux futurs retraités du système de répartition que les yeux pour pleurer.

Lire l’article sur le site de Le Point

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