Les gens du Commissariat général au Développement Durable ont lu avec soin le rapport de l’IREF sur le Logement Social publié en juin et ils engagent une querelle de chiffres mineure. Nicolas Lecaussin a lu avec soin les critiques, et y a répondu point par point. Mais bien sûr le Ministère n’a pu réfuter la thèse centrale du rapport : les HLM et autres organismes publics sont foyers de gaspillages, et créent la crise du logement.
Les gens du Commissariat général au Développement Durable ont lu avec soin le rapport de l’IREF sur le Logement Social publié en juin et ils engagent une querelle de chiffres mineure. Nicolas Lecaussin a lu avec soin les critiques, et y a répondu point par point. Mais bien sûr le Ministère n’a pu réfuter la thèse centrale du rapport : les HLM et autres organismes publics sont foyers de gaspillages, et créent la crise du logement.
Le 1er juin dernier, l’IREF rendait public lors d’une conférence de presse organisée par l’UNPI, un Rapport intitulé « La vérité sur le logement social » réalisé par Jacques Garello et Nicolas Lecaussin. Dans ce Rapport d’une centaine de pages, l’IREF dénonce – entre autres – les dérives et les gaspillages de la politique du logement menée par la France, rappelle l’importance du droit de propriété et fait une série de propositions concrètes. Le ministère du Logement a réagi à notre rapport en faisant plusieurs remarques et en contestant certains chiffres surtout ceux qui concernent les aides publiques au logement. Plusieurs précisions s’imposent :
– Nous sommes d’abord ravis de constater que le Rapport ait eu un tel impact, non seulement dans les médias mais aussi auprès des pouvoirs publics. C’était l’un des buts du Rapport.
– Nous constatons avec satisfaction que les critiques du ministère ne dénaturent pas les conclusions du rapport et ne mettent pas en cause nos propositions. Ces critiques portant sur des chiffres se réfèrent à des points minimes eu égard à l’épaisseur du rapport et compte tenu de la masse de données chiffrées que nous rendons publiques.
– Enfin, la réaction du ministère confirme nos remarques : les statistiques concernant la politique du logement sont incompréhensibles et il faut un travail titanesque pour les comprendre. S’agit-il d’une volonté délibérée de la part de l’administration pour cacher l’inefficacité des aides publiques ?
Vous trouverez en attaché la lettre du ministère et notre réponse plus bas.
REPONSE DE L’IREF
A Mme Sabine Baïetto-Beysson, vice-présidente de la commission des comptes du logement
Copie : Monsieur le Ministre, DHUP
Objet : Réponse aux Remarques sur le Rapport de l’IREF sur le logement social
Madame,
Nous avons bien reçu vos commentaires sur le rapport sur les aides au logement publié par l’IREF à la demande de l’UNPI et vous remercions pour le travail important que vous avez réalisé. Comme indiqué, ce rapport est basé sur de nombreuses sources dont le rapport de la commission des comptes du logement publié en 2010.
Permettez-nous de répondre point par point à vos différentes interrogations :
– Paragraphe « 1.4 Le poids de la fiscalité » (page 16)
Les chiffres de 51,2 milliards (vs. 55,3) concernant les prélèvements fiscaux et de 12 (vs. 11,2) milliards concernant les aides fiscales sont extraits du Rapport public 2009 du Conseil d’Etat intitulé « Droit au logement, droit du logement » (page 167).
– Chapitre sur les aides au logement (pages 21 à 36)
Les données sont en général extraites du Rapport de 2010 (compte provisoire 2009, comptes 2007-2008) et portent en effet sur 2008 (et non pas 2009 ou 2010).
– Page 21 Réduction des taux d’intérêt
La réduction des taux d’intérêt est citée comme un des modes de distribution parmi trois autres sans dire qu’il est exclusif. Le terme « avantages de taux » est utilisé couramment tout au long du « Rapport sur les comptes sur le logement », par exemple : « Les avantages de taux concernent les prêts dont le taux est inférieur à celui du marché ». D’autre part, les associations de consommateurs et les autorités publiques ont souvent demandé aux banques de fournir des taux d’intérêt « tout compris » incluant les frais de dossier et autres. Il nous semblerait logique de faire les mêmes calculs pour le logement social public. Enfin, nos comparaisons ne se font pas avec le taux du marché ou taux directeur de la BCE mais avec les taux pratiqués par les banques vis-à-vis des particuliers ou entreprises privées.
– Page 26, tableau 6
Ce tableau devrait s’intituler Avantages fiscaux et autres aides aux producteurs (hors réduction des taux). Plusieurs points expliquent les différences.
L’exemple « TVA 5,5 % sur travaux » ne devrait pas apparaître dans le tableau 6. L’idée était de citer la « TVA 5,5 % pour construction » qui représente un montant très minime dans le privé. La TVA à 5,5 % sur les travaux constitue une mesure générale, pérenne, applicable à tous les logements de plus de deux ans. Sa prise en compte pèse très lourd dans les chiffres du rapport sur les comptes du logement. Notamment dans la comparaison privé / HLM ou propriétaire occupant / HLM, puisque 57% des ménages sont propriétaires de leur résidence principale et qu’il existe en plus 3 millions de résidences secondaires. Dans ces comparaisons il ne faut pas oublier qu’il existe 4 fois plus de logements privés que de logements publics : 24 millions de logements privés (15 propriétaires occupants, 3 résidences secondaires et 6 locatifs privés) pour 6 millions de logements HLM. Ceci explique largement le chiffre de 5.700 millions d’euros indiqué dans votre tableau. En réalité, cette réduction de TVA n’est pas plus un avantage fiscal que le taux réduit de TVA sur l’alimentation ou sur les médicaments. Nous estimons qu’il ne doit pas apparaître comme un avantage fiscal. De même les avantages fiscaux pour les divers programmes écologiques ne sont pas des subventions aux propriétaires ou aux locataires, mais des encouragements à réaliser des plans gouvernementaux déclarés d’intérêt général. Elles aident à investir dans des équipements qui ne seraient absolument pas rentables sans cette subvention et le sont très difficilement avec.
La Caisse des Dépôts dispose de 200 milliards d’euros de dépôts notamment du Livret A pour financer principalement le logement HLM. L’avantage de taux résultant pour les HLM est évalué à 1,2 milliard d’euros dans le rapport des comptes du logement (800 millions sans votre note). C’est exactement le coût de l’exonération de fiscalité sur les intérêts des Livrets. A ce niveau, le système serait particulièrement inefficace et on pourrait se demander s’il faut maintenir en place un système complexe de collecte, de centralisation et de redistribution. En 2011, le taux du Livret A est de 2,25 % et certains prêts CDC aux HLM sont de 0,20% inférieurs à ce taux, soit 2,05%. Sur le marché des banques, les taux moyens pour les prêts immobiliers sont de 4,90 % pour une durée de 30 années. Ils augmentent de 0,5% entre 25 et 30 ans, et on peut estimer qu’ils augmenteraient de 0,6 à 0,7% par tranche de 5 années, soit 6,10 pour des prêts à 40 ans et 7,40% à 50 ans. Nous estimons donc que l’écart des taux d’intérêt entre les taux moyens des prêts CDC et les prêts des banques aux acquéreurs de logement est, sur une longue période, de 3 à 4 % plus 0,40 % de prise de garantie conduisant à un avantage de taux d’environ 4 milliards d’euros. Le rapport Comptes du logement de 2008 évoque la question de la nature de ces aides : fiscales ou de taux (celui de 2009 n’en parle pas). Bien que la source de ces aides résident dans l’exonération fiscale des Livrets, ce rapport estime qu’elles doivent être classées dans les avantages de taux (et non pas fiscaux). Nous avions fait le choix inverse qui revient à affecter 3 des 4 milliards au tableau 6 plutôt que 7.
Les aides des collectivités locales au secteur HLM sont très importantes comme le montre les deux exemples que nous avons cités dans notre rapport. Le dossier de « Habitat et Société » sur le Financement du logement social de 2005 indiquait un montant d’aide des collectivités locales égal à la moitié de celle de l’État. Elles devraient être prises en compte en totalité dans les comptes du logement. Nous avons évalué le financement (subvention directe et en nature – terrains, bâtiments et support, hors avantage de taux) des collectivités locales au logement social public à 2 milliards par an.
Enfin, les épargnants de PEL ont bloqué leur capital pendant une certaine durée à des taux minimes pour le cas où ils achèteraient un logement. Il n’est pas possible de mettre cet avantage fiscal sur le même plan que les prêts à taux réduits dont bénéficient automatiquement les HLM. Comme vous l’avez fait remarquer, le PEL se retrouve parfois moins avantageux que le taux des banques.
– Page 30 Données chiffrées
Les chiffres indiqués sont des évaluations qui synthétisent les différentes sources généralement citées en annexes. Concernant par exemple le coût de l’exonération de l’impôt sur les sociétés pour les offices HLM, il est évalué à 400 millions d’euros par le Ministre du logement pour 2008 (réponse à la question N°DL71 à l’Assemblée nationale pour le projet de loi de finance 2008) et à 350 millions dans la conférence de presse du 26 septembre 2008 de présentation du budget du ministère du logement et de la ville. Il est exact que le « Rapport évaluant l’efficacité des dépenses en faveur du développement et de l’amélioration de l’offre de logements » estime ce coût à 700 millions, chiffre que vous avez retenu.
Le chiffrage du coût des plans Perissol, Borloo et autres est aussi délicat. Le « Rapport de la commission des comptes du logement de 2007 » (page 96) avait fourni un montant de 575 millions d’euros … pour 2004 en baisse de 113 millions par rapport à 2003. Le rapport publié en 2010 pour 2008 ne cite aucun chiffre mais indique (page 98) que « la part des aides versées au secteur locatif privé a baissé légèrement depuis 1995 et s’établit à 9,8 % du total. Nous nous sommes basés sur ce pourcentage pour trouver 500 millions pas trop éloignée de la vôtre à 585 millions.
L’estimation du coût des PEL/CEL est aussi floue. Le rapport sur « La fiscalité dérogatoire » du Conseil des impôts présentait deux estimations pour 2003 : 996 millions d’euros d’après la Direction de la Prévision et 1880 pour la DLF. Le rapport d’information sur les niches fiscales enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2008 par des députés dont Gilles Carrez, et Migaud ne cite pas l’exonération des PEL/CEL parmi celles qui coûtent plus de 250 millions d’euros par an. Vous l’estimez à 600 millions. Nous avions retenu 900 millions. Il est vrai que les changements de fiscalité et le niveau des taux d’intérêt ont beaucoup diminué l’attrait de ces programmes. Les 600 millions couvrent-ils l’exonération des intérêts de la période avant prêt qui, à la réflexion, n’ont rien à voir avec les aides au logement ? Disposez-vous de données indiquant combien de PEL ne se concluent pas par un achat immobilier ?
Entre tous ces chiffres, nous avons prudemment retenu le chiffrage minimum par souci d’objectivité.
– Page 35
Le tableau traite en effet de l’année 2008 et des aides personnelles aux locataires, et aussi aux propriétaires en cours d’accession pour un montant minime (7% du total) dont le chiffrage est indiqué dans le tableau 17.
– Page 36, tableau 17
Le texte juste au dessus du tableau indique clairement qu’il ne concerne que les propriétaires qui viennent d’acquérir ou vont acquérir un logement. Nous n’avons pas pris en compte les avantages de taux des prêts PAP, PAS et PC dont le tableau 314 du Rapport des Comptes du logement estime qu’il est nul. Pour le PEL, ce même tableau indique que l’avantage a été négatif en 2005, 2006 et 2007 et positif de +45 M € en 2008 (votre estimation est qu’il a aussi été négatif en 2008).
Nous ne manquerons pas d’approfondir notre enquête lors d’un prochain rapport car la première leçon à tirer est que les comptes des aides au logement sont incompréhensibles. Ni les Parlementaires, ni les citoyens ne sont en mesure de comprendre et de contrôler les méandres de la distribution de ces aides. Et comme la Cour des comptes l’a indiqué, « l’équité et l’efficacité de ces aides sont encore plus inconnues ». De même, le Rapport du Conseil d’Etat (2009) le précise clairement : « Mais les dépenses fiscales liées au logement poursuivent des objectifs si nombreux et si différents … que leur lisibilité d’ensemble s’en trouve affectée. (…) Et l’évaluation d’ensemble de la fiscalité du logement reste à conduire » (page 172). Cela explique sans doute pourquoi, 65 ans après la fin de la seconde guerre, la France est encore contrainte de dépenser des sommes considérables pour soutenir un secteur qui ne donne toujours pas satisfaction.
Nous espérons également que vous voudrez bien vous pencher, au-delà des chiffres, sur les principes fondamentaux que nous avons mis en avant. Un logement peut-il continuer à être aidé à 80% par différents canaux ? Comment sortir de la pénurie de logements ? Comme aider vraiment ceux qui en ont besoin ? Comment ne pas décourager les propriétaires privés occupants ou bailleurs qui font gratuitement ce qui coûte si cher à faire faire par des organismes collectifs ?
Je vous prie de bien vouloir agréer, Madame, l’expression de mes salutations distinguées.
Nicolas Lecaussin
Directeur du développement de l’IREF (Institut de Recherches Economiques et Fiscales)
Note : Les avantages fiscaux liés à l’exonération des intérêts du livret A et de l’épargne logement ne sont pas pris en compte au titre des avantages fiscaux au logement. Il s’agit en effet d’avantages accordés aux épargnants. Le domaine du logement n’en bénéficie que de manière indirecte, par le biais de l’affectation au financement de l’investissement de ces ressources privilégiées qui confèrent aux emprunteurs des avantages de taux.
5 commentaires
HLM vacants
Dans votre remarquable rapport sur le logement social vous notez qu’il y aurait en France 400 000 HLM vacants, (parce qu’insalubres).
Est-ce que ce chiffre fait l’objet de controverses?
Il est à proprement parlé stupéfiant!
Pas à notre connaissance.
Pas à notre connaissance. Merci de nous lire et de nous soutenir.
NL
HLM QUARTIERS « difficiles »
Pourquoi les HLM sont-ils globalement
sales et dégradés ?? Le temps agit dans le sens du vieillissement bien entendu. Mais quid des graffitis et
dégradations volontaires ?
Qui veut payer la remise en état de ces dégradations volontaires ? (sous-entendu : pas moi )
Ils faudrait impliquer les locataires dans les réparations ? Ils feraient peut-être la chasse aux responsables des méfaits. La société ne peut pas tout prendre en charge.
Et puis, il y a tant de problèmes graves, un graffiti de plus ou de moins ….bof
Logement social
Que feront les Socialistes s’ils accèdent au pouvoir en 2012 ??
Aides au logement
Pourquoi faire simple quandon peu faire compliqué. Il serait interressant de chiffrer le cout de l’administration de tout ce paquet de nouilles.