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133 milliards d’euros dépensés pour augmenter le taux de chômage

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La Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail) vient de publier une étude intitulée « Les dépenses en faveur de l’emploi et du marché du travail en 2016 ».

Passons sur le fait que les travaux sur l’année 2016 ne paraissent qu’en 2019, et attachons-nous plutôt au titre de l’étude. Celle-ci porte, nous dit la Dares, sur les dépenses en faveur de l’emploi. Mais ne s’agit-il pas plutôt de dépenses en faveur du chômage ?

Car 133 milliards d’euros ont été dépensés en 2016, soit 6 points de PIB (en augmentation de 9 % en euros constants par rapport à 2015). En 2010, ces dépenses se montaient à 100 milliards d’euros. Le calcul est facile à faire : en 6 ans, elles ont progressé de 33 %. Et le taux de chômage ? De 2010 à 2016, il est passé de 8,90 % à 10,10 %, soit une augmentation de 13,5 %.

Si l’on considère les chômeurs inscrits, ils étaient 4,192 millions en 2010 et 5,758 millions en 2016. Leur nombre a augmenté de 1,566 millions sur la période. On a donc dépensé 33 milliards de plus pour avoir un million et demi de chômeurs supplémentaires en six ans.

Un tel résultat ne peut que laisser pantois. Mais un examen plus attentif des données de la Dares semble nécessaire pour bien comprendre où passe l’argent.

Des dépenses bien mal ciblées

L’étude distingue les dépenses ciblées (67 Md€) qui comprennent les politiques destinées à favoriser la reprise d’emploi (ce que la Dares appelle politiques « actives ») et celles destinées à compenser la perte de revenu en cas de perte d’emploi (politiques « passives ») ; et les dépenses générales (66 Md€) constituées d’allégements de cotisations sur les bas salaires, du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), des aides à l’embauche, de la prime d’activité, etc.

A cela, il conviendrait d’ajouter si l’on veut être exhaustif, écrit la Dares, certaines dépenses sociales (minima sociaux) qui représentent en sus 20,3 milliards d’euros en 2016. Au total, c’est plus de 153 milliards d’euros que le chômage coûterait aux comptes publics.

L’augmentation des dépenses ciblées entre 2010 et 2016 s’explique par la progression des prestations chômage (+ 7 Md€). Si l’on fait abstraction de celles-ci, les dépenses ciblées n’augmentent pas sur la période comme le montre le tableau ci-dessous.

En revanche, la répartition entre les différents types de dépenses évolue. Ainsi les dépenses relatives aux services d’accompagnement à l’emploi (essentiellement Pôle emploi) et les aides à la création d’entreprises diminuent, tandis que les dépenses relatives à la création directe d’emplois (emplois d’avenir par exemple) progressent fortement.

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Il est particulièrement intéressant de comparer les dépenses ciblées françaises à celles des autres pays européens comme le fait la Dares dans son étude. Elle indique que « Dans la plupart des pays de l’Union européenne, les dépenses ciblées sur le marché du travail ont fortement augmenté après la crise de 2008 pour atteindre un pic en 2010. Depuis, ces dépenses baissent tendanciellement. L’évolution de ces dépenses suit partiellement celle du taux de chômage qui baisse depuis 2013 au niveau européen. En 2016, leur niveau se situe entre 1,6 et 3 points de PIB. La France se place à un niveau élevé avec une dépense proche de 3 points de PIB ».

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La Dares poursuit son analyse : « Pour une grande partie, ces dépenses sont constituées de prestations de chômage et d’allocations de préretraite. Celles-ci tendent toutefois à baisser depuis 2013. Elles restent cependant prépondérantes en Espagne, où elles représentent 75 % des dépenses du pays en faveur des politiques du marché du travail. Suivent l’Italie, la Belgique et la France, avec respectivement 69 %, 68 % et 67 %. Les pays scandinaves consacrent quant à eux une part importante de leurs dépenses aux mesures actives. Celles-ci représentent respectivement 53 % et 47 % de la dépense totale en Suède et au Danemark. La France, la Belgique et l’Autriche se positionnent à un niveau moyen (aux alentours de 25 %) tandis que l’Allemagne et l’Espagne y consacrent moins de 20 % de leurs dépenses (respectivement 15 % et 19 %) ».

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En résumé, il s’avère plus efficace, pour lutter contre le chômage, de mettre en place des mesures actives. Ceux qui le font ont les taux de chômage les plus bas : Danemark (6,30 %), Suède (7,10 %). Tandis que les pays qui privilégient les allocations (soutiens au revenu) ont les taux de chômage les plus élevés : France (10,10 %), Italie (11,90 %), Espagne (19,70 %).

Des dépenses générales qui explosent… mais qui ne sont qu’un juste retour des choses

Mais l’essentiel des 33 milliards d’euros de dépenses supplémentaires entre 2010 et 2016 est le fait des dépenses dites générales. Elles progressent de 26 milliards d’euros sur la période.

Ce chiffre considérable s’explique essentiellement par « la montée en charge du pacte de responsabilité et la mise en place de la prime d’activité et des aides à l’embauche dans les TPE et les PME ». Les mesures générales d’exonération augmentent en effet de plus de 22 milliards d’euros entre 2010 et 2016.

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La tentation est grande de considérer que ces « dépenses » sont inefficaces. Ce serait oublier que ces exonérations ne font que compenser – et encore pas entièrement – la hausse considérable de la fiscalité pesant sur les entreprises. Selon l’OFCE, les entreprises ont été soumises à 31,3 milliards d’euros de prélèvements obligatoires supplémentaires entre 2010 et 2013. Entre 2014 et 2016, la baisse a été de 26,8 milliards d’euros.

Par conséquent, comptabiliser cette compensation comme des dépenses en faveur de l’emploi est pour le moins incongru, pour ne pas dire malhonnête.

Rappelons au passage que le taux de marge des entreprises (en pourcentage de la valeur ajoutée) est passé de 31,4 % en 2010 à 29,7 % en 2013, et qu’il est remonté à 31,9 % en 2016. Néanmoins, il reste inférieur de 1,5 point au niveau d’avant-crise (2007) et près d’un point en dessous de la moyenne depuis le milieu des années 80. Bref, l’augmentation de la pression fiscale a fragilisé les entreprises. Celles-ci ont donc besoin de reprendre des forces avant de songer à embaucher !

L’inefficacité des dépenses en faveur de l’emploi

Force est de constater que les milliards dépensés pour lutter contre le chômage le sont en vain.

Si l’on ne prend en compte que les dépenses (mal) ciblées, les seules véritablement consacrées à la lutte contre le chômage, et les seules qui autorisent des comparaisons européennes, on sera frappé par l’absence de corrélation entre leur montant et le taux de chômage. Pour le dire autrement, ce ne sont pas les pays qui dépensent le plus qui ont le taux de chômage le plus bas.

A cet égard, la comparaison avec le Danemark est édifiante. En proportion, il dépense autant que la France : 3,09 % du PIB pour le Danemark en 2016 ; 3,02 % pour la France. Mais le taux de chômage danois est de 6,30 % alors que le français est de 10,10 %.

Surtout, les dépenses danoises ont baissé entre 2010 et 2016 (passant de 3,63 % du PIB à 3,09 %) en même temps que le taux de chômage (7,60 % en 2010 ; 6,30 % en 2016). La France, elle, a maintenu ses dépenses en pourcentage du PIB (2,99 % en 2010 ; 3,02 % en 2016) tout en faisant progresser son taux de chômage (8,90 % en 2010 ; 10,10 % en 2016). Et en valeur absolue, rappelons que ce sont 7 milliards d’euros supplémentaires dépensés sans résultats probants.

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