Le projet du gouvernement fait l’impasse sur l’épargne retraite pour résoudre le problème du choc démographique. Depuis plus de 50 ans, la caisse complémentaire des pharmaciens démontre pourtant les vertus de la capitalisation.
La réforme des retraites en discussion est un cache-misère. Les 18 millions d’actifs français continueront de payer pour les 14 millions de retraités. Système à points ou non, comme le ratio démographique continue de se dégrader, si l’on ne revient pas sur le principe de la répartition, les pensions continueront de baisser, les cotisations augmenteront et l’âge de départ reculera.
La vraie alternative ? La capitalisation. Bien qu’elle soit devenue la norme dans de nombreux pays, elle est taboue et quasi inexistante en France. À une exception près. Une caisse d’irréductibles pharmaciens démontre depuis plus d’un demi-siècle les vertus de l’épargne retraite.
La CAVP, un système de retraite par capitalisation
Créée en 1948, la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) est l’une des dix sections professionnelles de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). La CAVP gère le régime vieillesse de base commun à l’ensemble des libéraux et, de façon autonome, le régime de retraite complémentaire des pharmaciens.
La CAVP administre environ 60 000 comptes : près de 33 000 comptes cotisants, 21 000 comptes allocataires de droits directs et 6 000 comptes allocataires d’ayants droit.
Cette complémentaire est un cas unique en France, car elle comporte une part de capitalisation, initialement facultative et devenue obligatoire en 2009.
En 1962, en prévision d’évolutions démographiques défavorables dans la profession, la caisse décide de sécuriser ses pensions en intégrant une part d’épargne retraite. En 2017, le ratio démographique des pharmaciens était de 1,26 retraité pour un cotisant, assez proche de celui de la population française (1,33 en 2015 selon l’INSEE).
La CAVP précise qu’elle détient 8,5 milliards d’euros d’actifs, dont 7 milliards d’euros au titre du régime par capitalisation. Elle joue un rôle d’investisseur non négligeable dans l’économie nationale et européenne avec :
– plus d’un milliard d’euros investis en actions cotées (à 90 % européennes),
– plus de 500 millions d’euros dans les PME/ETI (actions non cotées),
– 5,5 milliards d’euros en obligations, dont plus de 50 % sur des émetteurs français,
– 750 millions d’euros en immobilier très majoritairement français.
La caisse a récemment décidé de créer un fonds d’investissement afin de faciliter l’accès à la propriété des jeunes diplômés n’ayant pas les moyens de s’installer.
Ces placements diversifiés et internationalisés permettent de ventiler le risque. À titre d’exemple, en 2011 et lors de la crise de 2007, la cession de placements immobiliers a permis de compenser la baisse de valeur des placements hors immobiliers du portefeuille (actions cotées notamment).
La caisse des pharmaciens a fait l’objet d’un rapport critique de l’inspection générale des affaires sociales en 2013 (rapport IGAS N°RM2012-063P) suggérant des pistes d’amélioration de la gouvernance et de la gestion des risques.
Le régime par capitalisation compte pour près de la moitié des pensions servies aux pharmaciens libéraux retraités.
Les pharmaciens ont-ils le remède pour les retraites des Français ?
Dans le privé, la CAVP est la seule complémentaire obligatoire qui repose en partie sur la capitalisation. Il existe certes des plans d’épargne retraite facultatifs (PERP, PERE, PERCO), mais ils sont peu flexibles, lourdement taxés et accessibles uniquement à ceux qui peuvent se permettre d’épargner en plus des prélèvements obligatoires pour la répartition.
Pour le secteur public, des fonds de pension facultatifs existent depuis longtemps pour les fonctionnaires et les élus (Prefon, Corem, CRH, Fonpel, Carel-Mudel). La retraite complémentaire obligatoire des agents de la fonction publique repose aussi en partie sur la capitalisation (RAFP), tout comme le régime spécial très privilégié des sénateurs. C’est donc cette capitalisation tant décriée qui finance une partie des vieux jours des fonctionnaires.
La caisse des pharmaciens démontre néanmoins depuis plus d’un demi-siècle que l’épargne retraite est une alternative viable et sécurisée pour assurer les vieux jours des futures générations de retraités. Malheureusement, à l’exception des fonctionnaires et des sénateurs, elle n’est quasiment pas accessible aux salariés du privé, contraints de payer pour la répartition sans déduction fiscale possible.
Depuis les années 1980, face au choc démographique de nombreux pays ont fait le choix de la capitalisation avec succès. Les exemples danois, hollandais et australien sont des modèles à suivre. Nous avons détaillé leur fonctionnement combinant minimum vieillesse (pilier 0), répartition obligatoire (pilier 1), capitalisation obligatoire (pilier 2) et facultative (pilier 3) dans le dernier rapport de l’IREF sur l’épargne-retraite dans le monde. La CAVP est par construction très proche de ces modèles étrangers qui offrent les meilleures retraites du monde.
La Présidente de la caisse, Monique Durand, s’inquiète de la réforme du gouvernement car « une sollicitation excessive de la capacité contributive des pharmaciens aurait pour conséquence l’extinction de leur régime de capitalisation. »
La Présidente n’hésite pas à vanter les vertus de l’épargne retraite : « cette solution a fait ses preuves et répond parfaitement au contexte actuel en réduisant l’impact de la dégradation du rapport démographique. » La CAVP serait-elle un modèle à généraliser pour tous les Français ?
Pour en savoir plus sur la réforme des retraites, suivez notre dossier spécial DETOX RETRAITES.