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Qui a peur du grand méchant Libra ?

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Le 18 juin 2019, Facebook annonçait au monde sa volonté de travailler sur une devise numérique internationale : Libra. Si cette monnaie devait voir le jour, elle serait administrée par une association indépendante de la firme californienne, basée en Suisse. Depuis, cette annonce n’a cessé de faire grincer les dents de nombreuses personnes. Économistes keynésiens, ministres, banquiers centraux et politiciens se relaient pour conspuer l’ambition de Mark Zuckerberg qui, le23 octobre, a été interrogé à Washington par des membres du Congrès. Quels sont les arguments employés par les sceptiques et les opposants ?

La monnaie, une fonction régalienne ?

La monnaie a principalement trois fonctions. Elle sert d’instrument d’échange, d’unité de compte et de réserve de valeur. Pour remplir ce rôle et être liquide, elle doit être pourvue de plusieurs traits. Une monnaie de qualité doit être facilement divisible en sous-unités, facilement transportable, durable tout en étant suffisamment rare.

Comme nous le constatons, rien dans cette définition n’attribue spécialement à l’émission de monnaie un statut d’activité régalienne. Historiquement, la monnaie naquit d’un processus marchand d’essais et d’erreurs destinés à découvrir le meilleur instrument d’échange. Une succession de marchandises diverses et variées ont ainsi été assignées à des fonctions monétaires. Ainsi que le rappelait l’économiste Frédéric Passy dans un ouvrage écrit en 1909 : « Ce fut, par exemple, chez les uns, le sel ; chez d’autres, la morue ; des clous dans quelques villages d’Écosse, au dire d’Adam Smith, et même, de nos jours encore, dans quelques cantons du midi de la France ; ailleurs, du cacao, du poivre, des coquillages, du sucre, du rhum, du blé, du cuir, des fourrures… ».

Enfin, le choix des hommes a fini par se porter sur les métaux précieux. Ces commodités ont été au centre du commerce international jusqu’à l’abandon de l’étalon-or à la fin des années 1970. Si la monnaie a historiquement été une marchandise comme les autres, que reproche-t-on aux projets de Facebook et de l’association Libra ?

La nature étatique d’une monnaie n’est pas un gage de qualité

Les États ont bien sûr très tôt été tentés par la fonction de battre monnaie. Mais l’étatisation de l’activité monétaire correspondait moins à des objectifs louables de régulation qu’à la satisfaction de la cupidité des souverains. En raison de ces incitations douteuses, la nature étatique de la monnaie a rarement été un gage de qualité. Philippe le Bel avait gagné le surnom de « roi faux-monnayeur » en raison sa propension à altérer la qualité de la monnaie et la pureté de son métal.

Un examen attentif de l’histoire moderne permet de comprendre que les plus grandes débâcles monétaires de l’humanité ont souvent été provoquées par les gouvernements. Sous la Révolution française, la période des assignats a donné à quelques-uns le pouvoir de générer une hyperinflation qui a détruit le pouvoir d’achat des Français. Ces calamités ont été reproduites en Allemagne sous la République de Weimar ou dans la Hongrie de l’entre-deux-guerres. De nos jours, les exemples les plus caricaturaux de spoliation monétaire par l’hyperinflation nous sont donnés par le Venezuela et le Zimbabwe.

La crainte des États face au Libra : aveu de la mauvaise qualité des monnaies officielles ?

La réaction des gouvernements à l’égard des monnaies privées en dit long sur la perception du système financier qu’ils administrent. Le ministre de l’Economie Bruno Lemaire s’inquiétait de l’éventuelle perte de « souveraineté » qu’induirait l’introduction de Libra. Quelques membres du Congrès américain redoutaient un affaiblissement du dollar. La crainte de voir les monnaies officielles marginalisées par la concurrence de Libra est-elle justifiée ?

Mark Zuckerberg a tenté de relativiser son pouvoir devant le Congrès américain. Le succès de cette monnaie n’est pas garanti. La taille de Facebook est bien sûr un avantage comparatif important. Mais elle ne constitue pas le seul critère de qualité pour un système monétaire et financier. Comme la réserve de Libra sera notamment adossée à un panier de devises officielles, sa qualité dépendra aussi de celle de ces devises officielles, ainsi que le rappelle l’économiste Ludwig van den Hauwe dans une note pour l’Institut économique Molinari.

Toutefois, un Libra bien implanté peut servir de contre-pouvoir envers les banques centrales. Pour que leur monnaie continue de faire partie du panier de devises adossées au Libra, elles devront sans doute faire preuve d’une prudence supplémentaire. Sans concurrencer complètement les devises officielles, un Libra bien implanté invite les banques centrales à ne pas manipuler excessivement leurs monnaies sous peine d’être exclues du panier de devises convertibles.

De ce point de vue, Libra ne menace pas directement les prérogatives des États et des banques centrales, pour peu que ces organisations restent disciplinées…

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DURAND 3 décembre 2019 - 10:37

Crypto monnaies = fausses monnaies
Ces premières approches sur les crypto-monnaies en général, oublient de souligner que celles-ci vont, de facto,induire un assèchement des ressources budgétaires et sociales-retraites, en contournant tous les systèmes de collecte.
Or, nous avons en France, des anomalies structurelles qui provoquent ce type d'assèchement et plus encore des dérégulations de tous ordres qui provoquent les grèves massives que nous connaissons. Le cumul de ces assèchements des ressources a des effets dévastateurs patents. Des solutions existent mais nos dirigeants n'ont pas les compétences techniques pour remettre à plat notre fiscalité et l'ensemble de nos systèmes sociaux-retraites principalement fondés sur le concept dit "personnalisé" qui est antinomique et donc incompatible avec le concept TVA fondé sur la "masse monétaire active" ou transactionnelle. Tout est à revoir mais BERCY s'oppose à ces réformes pour des intérêts qui leur sont chers, au détriment de l'intérêt national. Les grévistes attendront longtemps avant que BERCY remette à plat la fiscalité et tout le reste. D'autant que BERCY est maintenant à l'Elysée…. Dirigeants et Hauts fonctionnaires ont oublié 1792….
Yves DURAND – groupe des économistes et chefs d'entreprise –

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