D’Admission post-bac (APB) en Parcoursup, la grande machine étatique veut toujours gérer toutes les admissions dans l’enseignement supérieur et bataille chaque année pour trouver des places qui font défaut à ceux qui n’ont pas été admis par le système. Ce serait plus facile et moins coûteux si l’Education nationale acceptait enfin de perdre son monopole en la matière !
Le principe suivant lequel la collation des grades est réservée aux établissements publics d’enseignement, inscrit dans l’article L613-1 du Code de l’éducation, remonte à la loi du 16 fructidor an V. Il s’agissait alors d’éviter toute ingérence de l’Eglise dans l’enseignement et de former des petits républicains. Après diverses ouvertures en faveur du privé de 1833 (pour le primaire) et 1850 (pour le secondaire) à 1875 (pour le supérieur), ce monopole a été refondé par l’article 1er de la loi de 1880 qui consacre le droit exclusif des facultés de l’Etat à faire subir les examens et épreuves pratiques qui déterminent la collation des grades du baccalauréat, de la licence et du doctorat. Certes, diverses lois, dont la loi Savary de 1984, ont créé des brèches dans le monopole en permettant des conventions entre établissements privés et publics (article L719-10 du Code de l’éducation), puis en décidant en 1999 d’un nouveau grade de « mastaire » (rebaptisé « master » en 2002), que le ministre de l’Education peut autoriser par décret des établissements publics aussi bien que privés à délivrer.
Mais le gouvernement reste toujours seul maître des habilitations. Ce qui n’a guère de sens, en particulier depuis le protocole dit de Bologne de juin 1999 qui tend à rapprocher les systèmes d’études supérieures européens et qui a conduit à la création en 2010 de l’espace européen de l’enseignement supérieur. Cet espace est constitué de 47 États, avec pour objectif de favoriser la mobilité de étudiants, notamment en harmonisant les cursus et les diplômes en 3 cycles : licence – master – doctorat. Cette liberté devrait être de droit au sein de l’Union européenne, conformément aux dispositions des traités européens qui prévoient la libre circulation des hommes. D’ailleurs, deux directives adoptées en 1989 et en 1992 (89/48 CEE et 92/51 CEE) ont institué un système général de reconnaissance des diplômes ; elles ont été complétées par la directive 2005/36/CE du 7 mai 2005 qui a actualisé le dispositif juridique de reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions réglementées dans l’Union européenne. Il n’existe pourtant pas encore d’équivalence automatique entre les titres et diplômes obtenus à l’étranger et les diplômes du pays d’accueil qui peut les soumettre à certaines conditions.
Néanmoins, ce contexte européen facilite grandement les reconnaissances de diplômes d’un pays à l’autre et pousse les étudiants français à rejoindre d’autres universités européennes. Le système de numérus clausus dans les études de santé a notamment incité beaucoup de jeunes Français à aller ailleurs. En Belgique, trois universités proposent le cursus complet (bachelier et master) des études de pharmacie : l’université de Liège, l’université libre de Bruxelles et l’université catholique de Louvain. Deux autres proposent uniquement le premier cycle de bachelier : l’université de Mons et l’université de Namur. En Roumanie, il existe 110 filières francophones suivies par 2 200 jeunes Français, dont dix en médecine générale, dentaire, vétérinaire et pharmacie, principalement à Cluj et à Iasi. D’autres étudiants peuvent aller au Portugal où des cours sont prévus pour initier progressivement à la langue portugaise. Au demeurant, la langue n’est plus guère un obstacle quand les cours sont en anglais, devenue la lingua franca qui se pratique partout dans les universités étrangères aussi bien d’ailleurs que françaises désormais.
Dans ces conditions, le monopole auquel reste attachée de manière atavique une tradition républicaine dépassée n’a plus de sens ; il prend l’eau de toutes parts et, en s’y accrochant, les derniers tenants de cette vielle histoire ne font qu’entraver les efforts de l’Université française pour s’ouvrir, se diversifier, devenir compétitive et répondre à toutes les demandes de la jeunesse française et européenne. L’abandon de ce monopole désuet libèrerait aussi les Instituts catholiques. Ils prospèrent en France malgré les restrictions qui pèsent sur la délivrance de leurs diplômes pour laquelle ils sont obligé de compter sur l’intelligence et la bienveillance d’établissements publics amis, avec lesquels des conventions sont signées.
Cette liberté de création d’universités nouvelles, sous un contrôle sans doute a minima de la loi, obligerait les universités publiques à s’améliorer plus encore et à mieux gérer leurs coûts, sachant que les Instituts catholiques (« Instituts » parce que la loi leur interdit de porter le nom d’université dont ils ont complètement la fonction) ont un coût par étudiant qui peut être jusqu’à deux fois moindre que celui des étudiants du public. Ce serait une économie pour le budget de l’Eduction nationale qui pourrait alors attribuer plus facilement des bourses pour favoriser l’accession de tous à toutes les universités, publiques ou privées. Cela favoriserait la créativité académique dans la diversité des parcours ainsi susceptibles d’être ouverts. Ce serait un moyen efficace et intelligent de gérer la pénurie de places offertes aujourd’hui pour accueillir les étudiants.
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Je voudrais des précisions
Bonjour, et merci pour cette tribune.
Le sujet m'intéresse et j'aimerais quelques précisions:
Un organisme quelconque qui souhaiterait attribuer un certificat à quelqu'un, par exemple une école indépendante qui veut attester du niveau d'un élève, ne peut-il pas le faire ?
Sinon, à quels obstacles concrets s'expose-t-il ? Si oui, à quelles conditions ?
Un employeur qui veut embaucher une personne sur la base d'un tel certificat privé ne peut-il pas le faire ?
Sinon, quels obstacles l'en empêchent ?