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Europe : renoncer à l’intégration politique,

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Les élections européennes mettent une nouvelle fois à l’épreuve l’idéologie d’une démocratie post-nationale à l’échelle du continent européen. Il est cependant peu probable que celles-ci soient particulièrement plébiscitées. L’abstention sera sans doute une nouvelle fois le grand vainqueur de ce scrutin. Elle soulignera le grand paradoxe de l’intégration politique de l’Europe.

L’échec de l’intégration politique

Le constat régulier d’un « déficit démocratique européen » conduit depuis longtemps les décideurs à renforcer la participation des citoyens au fil des traités européens. Mais cette évolution s’est toujours accompagnée d’une baisse de la participation électorale. Autrement dit, l’abstention se creuserait au rythme où l’Europe se démocratiserait.

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Cette évolution s’explique par l’incapacité des citoyens à s’identifier aux institutions européennes. Or contrairement à ce que suggèrent les théories post-nationales, la participation politique ne suffit pas à créer un sentiment d’identification à une communauté politique paneuropéenne. La démocratisation ne se décrète pas. Tout projet politique pacifique doit s’appuyer sur un sentiment d’appartenance qui lui préexiste. Autrement, l’intégration politique ne fait qu’instiller un sentiment de dépossession politique. Les nationalismes et la sécession britannique ne sont finalement que le résultat de ce sentiment de dépossession.

Le succès de l’intégration économique

À l’inverse de l’intégration politique, l’intégration économique et ses bénéfices réciproques ne nécessitent pas l’existence d’un sentiment d’identification à une même communauté pour réussir. La part grandissante du commerce international dans l’économie des pays européens atteste que l’intégration économique est l’état naturel du monde dès lors que l’on s’abstient d’instaurer arbitrairement des barrières commerciales entre les peuples. Toutefois, il y a lieu de remarquer que cette intégration économique n’est pas exclusive à l’Union européenne. En effet, certains pays non-membres de l’UE (comme la Suisse ou l’Islande) sont beaucoup mieux insérés dans la mondialisation que les trois économies les plus importantes, ainsi que le montrent les figures suivantes sur la part du commerce international par rapport au produit intérieur brut.

Les avantages de l’Europe sans les inconvénients : l’exemple de l’Association européenne de libre-échange

Le cas de la Suisse et de l’Islande montre qu’il est tout à fait possible d’obtenir les avantages de la mondialisation économique sans les inconvénients de l’intégration politique. En matière de liberté et d’ouverture du commerce international, la Suisse et l’Islande font jeu égal avec les plus grandes économies européennes, sans voir leur autonomie politique dissoute dans des organisations supranationales.

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Autrement dit, il est possible d’avoir une économie plus ouverte sur le monde sans faire partie de l’Union européenne, et donc en sauvegardant une certaine autonomie politique.

Le refus d’adhérer à l’Union européenne n’induit pas le rejet de toute forme de multilatéralisme. A titre d’exemple, la Suisse et l’Islande font partie de plusieurs organisations commerciales multilatérales, dont l’Association européenne de libre-échange (AELE). Initialement créée pour concurrencer les communautés européennes, l’AELE regroupe aujourd’hui quatre pays : la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein. Ainsi que l’atteste le tableau suivant, l’Association européenne de libre-échange semble avoir une politique commerciale au moins tout aussi active que celle de l’Union européenne.

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À ces accords commerciaux s’ajoutent les traités individuellement signés par les États-membres de l’AELE. En effet, à la différence de l’Union européenne, l’AELE n’a pas de compétence exclusive dans la conclusion d’accords commerciaux. Elle préserve donc l’autonomie politique des États. Cette autonomie permet à un pays comme la Suisse de signer des traités avec d’autres puissances en dehors du multilatéralisme. La confédération helvétique a ainsi conclu des traités commerciaux avec le Japon et la Chine.

Cette particularité de l’AELE est très intéressante à l’heure où l’Union européenne voit sa politique commerciale perturbée par les lourdeurs procédurales et les divergences politiques nationales et locales en matière d’agenda commercial. Souvenons-nous des négociations commerciales entre l’Europe et le Canada qui ont failli échouer en raison du véto de la Wallonie…

Entre les désirs d’autonomie politique des peuples et les lourdeurs bureaucratiques de certaines organisations multilatérales, il semble intéressant de réfléchir dès maintenant aux méthodes permettant de poursuivre la libéralisation du commerce international en dehors des carcans supranationaux. En Europe, il faudrait bien entendu veiller à ce qu’une plus grande liberté des Etats en la matière s’harmonise avec les accords conclus au niveau européen, mais cette alternative pourrait introduire une certaine concurrence entre les Etats et inciter l’Union à accepter plus de flexibilité et moins de lourdeur technocratique.

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3 commentaires

tresceptique 14 mai 2019 - 4:36 pm

comment voulez vous que ce soit autrement
Depuis toujours le monde politique met sur le dos de Bruxelles tous ses renoncements et toutes ses lachetés sur le plan national, et en plus critique ouvertement et sans vergogne les décisions qu'il a contribué à prendre. Depuis toujours l'Europe n'est absolument pas présente dans le débat national ni pendant les campagnes électorales autrement que pour denoncer son incapacité à agir, alors que ce n'est ps l'Europe qui n'agit pas, mais ces mêmes hommes et femmes politiques qui le déplorent! Il n'y a que Macron qui a un vrai projet, mais il en a réellement parlé quand pour la dernère fois?

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Dominogris 14 mai 2019 - 5:36 pm

Sauf erreur de ma part, le projet de Macron – qui est en effet un "vrai projet" – est de poursuivre l'intégration politique qui est e but premier de l'UE, caché aux peuples depuis le départ derrière la façade d'une intégration économique.
La question est donc de savoir si nous voulons continuer à transférer les décisions politiques au niveau supranational, alors qu'il n'y a pas de sentiment d'appartenance européenne et que l'instançe de decision réelle est une Commission non élue dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle ne sert prioritairement les intérêts des peuples.
Si Macron ne parle pas réellement de son projet, c'est que son intégration politique suppose une intégration budgétaire à laquelle s'oppose fermement l'Allemagne. Le bons sens peut également souligner que cette intégration budgétaire suppose la solidarité, c'est-à-dire que les Allemands acceptent de payer pour les Français ou les Italiens comme les habitants d'Île-de-France paient pour ceux de régions françaises plus pauvres. On revient à la notion d'appartenance commune, qui s'appuie sur une histoire, une langue, des moeurs communes. Bref qui ne se décrète pas.

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fvg 19 mars 2020 - 3:42 pm

Deux brèves remarques.
1. Il est faux de dire que la dimension politique de l'intégration est cachée. Elle est explicitement présente et présentée dans les deux actes fondateurs que sont la Convention de La Haye d'une part, et le discours du Salon de l'Horloge de Schuman d'autre part. Beaucoup l'on peut-être oublié, en s'intéressant au marché et en voyant en ce marché une fin en soi. Mais ce n'est pas le projet de l'intégration européenne (cf. art. 1er du TUE).
2. Vous surestimez largement l'autonomie d'un pays comme la Suisse. Les accords conclus avec l'UE contraignent très largement son autonomie politique. Une thèse réalisée sur ce sujet le montre bien: être resté un Etat tiers, tout en voulant maximisé ses liens économiques, prive la Suisse de toute capacité d'influence sur le contenu de normes européennes qu'elle devra malgré tout suivre.

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