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L’égalité « réelle » vue par le Parti socialiste

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Le PS a produit un texte sur « l’égalité réelle », véritable programme de gouvernement. Il s’agit d’un retour à des idées surannées.

Le Professeur Jean Philippe Feldman, Maître de Conférences à Sciences Po, Avocat à la Cour de Paris, a mené une réflexion approfondie sur ce texte, dans un rapport remis à l’IREF. Il y voit « faux droits et vrais impôts » .

Il faut lire le texte sur l’ « égalité réelle », rédigé par Benoît Hamon et adopté par le Conseil national du Parti socialiste le 9 novembre. Fussent-elles indigestes, il faut prendre connaissance de ses quarante-six pages serrées malgré son jargon ou peut-être à cause de lui. Ecrit à la diable, le texte témoigne de la « novlangue » chère à Orwell et utilisée de manière industrielle par les socialistes. S’enchaînent des phrases absconses, emplies de barbarismes, qui ne parviennent guère à masquer la vacuité du projet.

Quelques illustrations suffiront : « Nous voulons une société de femmes et d’hommes, libres et égaux, qui construisent ensemble leur présent et leur avenir » (p. 9) ; décidément très en verve sur la question de la jeunesse, le document proclame : « Tout au long de la scolarité, le rôle des parents doit être réfléchi (sic) » (p. 11) ; « Lorsqu’un jeune a décroché (sic), il est essentiel que le monde économique et social s’implique aux côtés des acteurs de l’orientation et de la formation, afin de proposer des pistes (sic), notamment pour optimiser l’alternance et l’insertion » (p. 16) ; « La jeunesse est le temps de la vie de tous les possibles, de tous les espoirs, de toutes les énergies pour dépasser ses limites, pour créer un monde différent. (…) Chaque jeune, quelque (sic) soit sa situation, sera accompagné et soutenu dans l’élaboration et la concrétisation de son projet de vie » (p. 17) ; « Ce nouveau dispositif permettra à chaque jeune de rebondir (sic) vers la construction d’un projet de formation ou la recherche d’un premier emploi « ; « Notre engagement nécessitera d’impulser (sic) au niveau européen cette salutaire réappropriation démocratique » (p. 38) ; « La sécurité énergétique passe par un bouquet énergétique durable, favorisant l’essor des filières d’énergies renouvelables, en donnant de la visibilité (sic) aux industriels » (p. 43) !

Il faut lire le projet socialiste, fruit de trois longues années d’opposition, car il s’agit théoriquement de celui qui serait mis en application si ses concepteurs accédaient au pouvoir en 2012. Il faut le scruter d’autant plus qu’il a été adopté, à la suite de débats houleux, par une conjonction entre l’aile radicale et, pour des raisons tactiques, de proches du « modéré » Dominique Strauss-Kahn. On eût pu penser que le fait d’être éloigné des affaires aurait fait le plus grand bien au Parti socialiste, car il n’y a pas de meilleure situation pour mûrir un programme. Pourtant, un huron débarqué en France aujourd’hui se croirait à la veille de l’élection présidentielle de 1974 ou de 1981 avec son cortège crypto-marxiste de faux droits et de vrais impôts. On peut même remonter aux origines du socialisme et les diatribes de Bastiat dans les années 1840 n’ont hélas pas pris une ride !

Tout le document part d’un postulat : l’égalité en France reste un projet (p. 4), parce que les inégalités de revenus ne cessent de se creuser (p. 5) et n’ont jamais été aussi fortes (p. 6). Ces allégations ne sont pas étayées par le moindre chiffre. Et pour cause, car elles sont fausses ! Les statistiques produites depuis une quarantaine d’années démontrent, sur la longue durée, l’écrasement des revenus en France et la réduction des « inégalités », fruit d’une imposition de plus en plus lourde et d’une réglementation croissante qui ont mis à l’agonie les « classes moyennes » et fait fuir les plus riches. Fût-il controuvé, le constat opéré par les rédacteurs leur permet de construire le projet socialiste, à savoir la création d’un nouvel Etat. A l’Etat providence, malmené par la droite selon le texte, doit succéder l’ « Etat prévoyant et stratège »., grâce à un « retour » de l’Etat « pour promouvoir l’égalité et la solidarité » (p. 7), Au-delà du fait que le lecteur apprenne, interloqué, que l’Etat avait disparu dans notre pays, il voit s’offrir à ses yeux un nouvel Etat « protecteur » qui materne les individus (Voir. l’excellent ouvrage de Mathieu Laine, La grande nurserie, nouvelle édition, Jean-Claude Lattès, 2010), pardon : les citoyens, du berceau jusqu’au tombeau. C’est que le projet socialiste fait feu de tout bois et qu’il marque une politisation généralisée de la « société ».

Que l’on s’entende bien sur le terme d’égalité ! Certes, les socialistes sont contraints de reconnaître que l’égalité, sous-entendu juridique, est gravée dans le marbre de nos textes les plus importants. Mais, en congruence avec la vulgate marxiste, ils estiment que cela n’est pas suffisant. En effet, l’égalité ne serait que « formelle » et il conviendrait dès lors qu’elle devienne « réelle », et tel est l’objet du texte.

Il ne suffit donc pas que les individus soient posés comme égaux, il faut que, pratiquement, ils le soient. Ce n’est donc plus de l’égalité au sens juridique, c’est de l’égalité en fait, une égalité de résultat, bref de l’égalitarisme. Débonnaires et omniscients, les hommes de l’Etat vont par conséquent « construire » une société dans laquelle les « inégalités », insupportables par définition, doivent être jugulées, sinon supprimées.

Le projet donne les recettes de cet égalitarisme : le « toujours plus » (I). En revanche, il n’est guère disert sur les moyens de financement de cet interventionnisme étatique accru (II).

I- Les recettes de l’égalitarisme

Les socialistes reformulent la déclaration attribuée au baron de Coubertin : plus d’Etat ! Plus de « droits » ! Plus de réglementation ! Plus de fonctionnaires !

A- Plus d’Etat !

Comme à l’accoutumée, les socialistes sautent sur leur chaise comme des cabris et ils crient : l’Etat ! L’Etat ! L’Etat ! Leur constructivisme aboutit à une couche supplémentaire d’étatisme dans tous les domaines : il appartient « à l’Etat » de veiller à la « réduction des disparités territoriales de l’offre éducative dans le premier degré » (p. 13) ; « l’Etat doit rester responsable des programmes, des diplômes et du recrutement des enseignants » (p. 16) ; la politique de justice territoriale « implique un Etat stratège présent territorialement, aux côtés des villes qui sont en première ligne » (p. 25) ; « La puissance publique est souvent la seule à même d’assurer durablement égalité d’accès, péréquation tarifaire, continuité du service, aménagement du territoire et investissements de long terme stratégiques, mais non immédiatement rentables, bref de garantir l’intérêt général » (p. 37).

Effectivement, le texte promeut un nouvel Etat : « l’Etat prévoyant », qui ne se contente plus de réparer les inégalités, mais de les prévenir (ibid.). De là, un interventionnisme multiforme qui se traduit particulièrement dans le domaine du logement (p. 24). Cet interventionnisme sévit aussi dans les « ghettos » : « Nous soutiendrons financièrement les agglomérations qui développeront en banlieue, dans les zones de fort chômage, des zones d’activité rendues attractives par la mutualisation de services » (p. 26), ou encore dans le domaine de l’énergie (p. 44).Cet interventionnisme traduit le caractère schizophrène de cet Etat protecteur. Le projet multiplie les interventions étatiques destinées en réalité à réparer, en pompier pyromane, les maux qu’ils produits, autrement dit qui agissent non pas sur les causes, mais sur les conséquences. Encore une fois, la matière du logement est paradigmatique de ce vice : « De nouvelles règles sont nécessaires pour réaffirmer l’intérêt général sur les intérêts strictement individuels » (p. 24). Il en est de même lorsque, de manière moralisatrice, le projet veut interdire le « crédit revolving » (p. 23), limitation de la liberté contractuelle qui, au surplus, aggraverait encore la situation des personnes qui y ont recours !

L’interventionnisme étatique entraîne une myriade d’obligations nouvelles qui pèsent avant tout sur les entreprises, considérées, toujours selon la vulgate marxiste, comme le lieu de l’exploitation des travailleurs. Le projet ne s’élève certes pas au radicalisme des gauchistes en ce sens qu’il ne veut pas supprimer les entreprises – privées bien sûr -, mais la pente est la même : obligation de former tous les salariés, obligation d’assurer la « mobilité » de ces derniers à la suite du vote d’une « nouvelle loi Auroux » (p. 19), obligation de parité dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises de plus de 250 salariés et de plus de 50 millions de chiffre d’affaires annuel (p. 34), sanctions durcies en cas d’inobservation par les entreprises de l’obligation d’emploi de 6 % au moins de salariés « en situation de handicap » (p. 35).

Mais surtout, les obligations qui pèsent sur les entreprises concernent les salaires et le droit du travail. Le projet part de l’idée que les entreprises ne redistribuent pas équitablement aux salariés les gains de productivité. C’est la vieille idée marxiste selon laquelle les patrons exploitent les travailleurs en conservant par-devers eux la plus-value. Aussi faut-il obliger les entreprises à assurer, chaque année, une négociation sur les salaires, et ce sous peine d’une sanction financière au cas où les chefs d’entreprise n’auraient pas la bonne idée de conclure un tel accord (p. 21). Evidemment cette « négociation » se fera avec les syndicats responsables et représentatifs qui caractérisent notre beau pays… Une « négociation » qui doit exister et aboutir également dans le domaine de la « parité », sous peine, là encore, de sanction (p. 33). On l’aura compris : le but est d’« intensifier la négociation sociale »

(p. 46).

Le paragraphe sur « l’augmentation des salaires, condition de la justice et de la croissance » vaut, sans mauvais jeu de mots, son pesant d’or. Toute la « politique économique » socialiste s’y trouve synthétisée en quelques mots : la France souffrirait d’une « insuffisance de demande » et il faudrait « relancer notre offre par une politique industrielle et de l’innovation, stimuler la demande, de consommation comme d’investissement, en distribuant équitablement aux salariés les gains de productivité » (p. 21). En substance, il faudrait mettre en place une énième politique keynésienne et s’interdire toute « politique de l’offre », autrement dit plonger plus encore la France dans le déclin. Il n’est même plus question d’une « revalorisation » du SMIC, mais d’une revalorisation de l’ensemble des salaires !

Par ailleurs, le projet insiste sur les contraintes supplémentaires qui doivent peser sur les entreprises en matière de droit du travail : décourager le recours au temps partiel par une majoration des « cotisations patronales », interdire des temps partiels inférieurs à 20 heures par semaine (p. 33), décourager encore plus le recours aux contrats à durée déterminée alors que la conclusion d’un contrat à durée indéterminée doit devenir la norme dès la première année d’embauche, requalifier des contrats à durée déterminée et des stages – lesquels doivent être encore plus encadrés – (p. 18). Bref, le projet accuse encore la particularité des contrats de travail, qui seraient déséquilibrés du fait de la puissance des patrons spoliateurs, et il les soustrait davantage au droit commun des contrats en ajoutant aux rigidités du Code du travail.

Enfin, les organisateurs socialistes décident avec prescience des obligations qui doivent peser, dans tous les domaines, sur les individus et les citoyens, par définition débiles. C’est l’Etat qui décide du nombre annuel de jours de cours et de leur répartition sur la semaine (p. 11), qui impose pour tous les élèves « six heures d’éducation à la sexualité, à l’égalité et au respect mutuel » (p. 34), qui encadre les loyers en cas de relocation et qui veut obliger les propriétaires à louer les logements vacants (p. 24), qui contraint les banques à « donner un accès renforcé au crédit, aux initiatives économiques des territoires ruraux » – il semble que la crise des subprimes n’ait guère été assimilée par nos sémillants organisateurs…- (p. 27), qui rend contraignante l’obligation de la présence d’infrastructures de transport pour tout nouveau projet de zone d’activité et de zone d’habitation (p. 28), qui élargit les obligations de couverture pour la fibre optique et qui définit « au service de l’intérêt général, les investissements des opérateurs privés et ceux qui relèvent de l’initiative publique » (p. 29), qui entend abolir le « système prostitueur » et pénaliser les « clients » (p. 35), qui impose un contrôle public sur les choix tarifaires des opérateurs de gaz et d’électricité (p. 44), etc..

B- Plus de « droits » !

Le projet développe sans fard une conception marxiste des droits de l’homme. Ceux-ci ne se constatent pas, ils n’appartiennent pas à l’homme en tant que tel ; ils se créent et ils s’inventent au gré de ses concepteurs. Pourtant, c’est une escroquerie intellectuelle que d’écrire, comme le font les socialistes, que le combat pour la réduction des inégalités « vise à accomplir les promesses de la Déclaration des droits de l’homme : une égalité de droits qui se réalise dans l’égalité réelle » (p. 30), du moins si le texte vise bien notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et non pas la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 nourrie au lait marxiste.

Une nouvelle fois, le texte ne verse pas dans l’originalité. Il entend promouvoir de nouveaux droits, pour les « citoyens » – il n’est pas question d’individus, car tout individu est citoyen, autrement dit, tout individu est immergé dans un projet politique -. S’égrène au fil des pages une liste à la Prévert, là encore sans mauvais jeu de mots : « Nous proposons des droits nouveaux pour tous », avancent nos pères Noël socialistes, qui ont dans leur hotte l’égalité d’accès aux biens essentiels, la sécurité sanitaire, le « droit à la mobilité » (p. 5), le « droit à la scolarité jusqu’à 18 ans » (p. 12), le « droit pour tous à l’orientation, à la qualification et des mobilités sécurisées (sic) en termes de revenu et dotées d’un accompagnement personnalisé » (p. 17), le « droit à l’emploi et à la reconnaissance sur le marché du travail pour les jeunes » version édulcorée de l’antienne sur le « droit au travail » de 1848 – (p. 18), le « droit au mariage » (p. 30), le « droit de vote et d’éligibilité aux étrangers non communautaires pour les élections locales » – revendication traditionnelle dont la visée est d’accroître le clientélisme et l’électoralisme – (p. 30), le « droit universel à la compensation de la perte d’autonomie » (pp. 35 et 42), enfin le « droit de finir sa vie dans la dignité » (p. 41).

A partir du moment où les droits de l’homme sont inventés, l’imagination est sans limite. Reconnaissons aux socialistes leur esprit très fertile à cet égard, encore qu’ils aient oublié le droit aux congés payés de l’abominable homme des neiges, brocardé en 1966 par Friedrich A. Hayek dans un article consacré à la Déclaration universelle des droits de l’homme…

C- Plus de réglementation !

Mécaniquement, accroître l’interventionnisme étatique et « donner » de nouveaux droits aux citoyens ne peut qu’entraîner une réglementation croissante de la « société ». Une réglementation qui s’entretient elle-même à mesure que les organisateurs de la « société » constatent que certains individus, sans doute dérangés intellectuellement, sont rétifs au « bonheur » qui leur est imposé.

Aussi les socialistes veulent-ils créer de nouveaux « services publics », car la France, comme chacun sait, en manque cruellement : service public de la petite enfance (p. 10), service public d’information et d’orientation pour tous – destiné, peut-on supposer, spécifiquement aux personnes désorientées par le tombereau de bienfaits qu’elles recevront de la part de nos futurs gouvernants – (p. 16), services publics universels et personnalisés pour relever les nouveaux défis de l’égalité en matière de santé et de solidarité avec la création d’un service public pour l’autonomie marqué par la création de « maisons départementales pour l’autonomie » (p. 42), enfin service public de l’eau et de l’énergie (pp. 43-44).

D- Plus de fonctionnaires !

Puisque l’étatisme s’étend, la part du secteur public s’accroît corrélativement. Dès lors, il convient de mieux payer les enseignants – mesure électoraliste bienvenue – et de mettre en place un plan de titularisation des personnels contractuels ou précaires – mesure qui va hausser le nombre de fonctionnaires sans doute trop bas dans notre pays – (p. 15). Il faut aussi recruter des agents pour le « service public de l’emploi » – idée judicieuse car il s’agit de s’occuper des chômeurs supplémentaires qui résulteront du plan socialiste – (p. 20). Il convient également de créer les pôles des services individualisés que seront les « maisons des habitants » dans les « ghettos » et qui leur permettront d’être « accompagnés dans la forêt d’aides et de bureaux ou services » – le lecteur se pince !- (p. 26). Bien entendu, il faut recruter des enseignants-chercheurs supplémentaires pour les universités (p. 14).

Enfin, le projet entend créer de nouveaux organismes qui manquent si cruellement à la France : une agence nationale du financement des transports (p. 28) et un « observatoire national sur les violences faites aux femmes » (p. 34).

II- Les moyens de l’« égalité réelle »

Le premier moyen utilisé par les socialistes relève de la propagande. Ainsi, pour faire « reculer les préjugés » raciste, xénophobe, homophobe ou sexiste, il faut, selon une perspective derrido-bourdieusienne, « accompagner et former les enseignants en intégrant à leur formation commune des modules permettant d’appréhender les mécanismes de domination (sic) et de les déconstruire (sic) avec les élèves » (p. 31). De même, afin de « lutter contre les inégalités dans la jouissance du temps libre », il est nécessaire d’instaurer « une aide au départ en vacances de 200 € minimum pour les mineurs qui ne partent jamais », dans un « centre agréé » sur le modèle de Léo Lagrange (p. 23), où la bonne parole socialiste leur sera inculquée aux frais des contribuables.

Surtout, si le projet de l’« égalité réelle » est dessiné, il reste à le financer. Il semble qu’il s’agisse d’un « point de détail » aux yeux de nos organisateurs puisque l’affaire est expédiée en quelques méchants paragraphes (p. 22). Toutefois, dès l’introduction les « marges de manoeuvre » sont dégagées par la « suppression des cadeaux fiscaux et dépenses fiscales (sic) créés par la droite », la « suppression des niches fiscales dont l’utilité n’est pas démontrée », enfin et avant tout l’ « élévation de l’imposition sur les hauts revenus et le capital » (p. 6).

Tout cela reste vague, mais le mystère est dévoilé sous l’intitulé « mieux redistribuer les richesses par la fiscalité » (p. 22). Brodant sur l’envie, les socialistes stigmatisent, avec une rhétorique d’extrême gauche, l’ « hyper-richesse » qui « parasite nos sociétés et pervertit l’ économie », et l’absence d’imposition suffisante des plus riches. Certes, le lecteur ne saura jamais de qui il s’agit précisément mais, selon la définition classique du socialisme, il s’agit de celui qui gagne plus que vous… Les solutions sont simples : « remettre la progressivité au cœur de notre système fiscal en créant un grand impôt citoyen (sic) fusionnant l’impôt sur le revenu et la CSG », réformer l’impôt sur les sociétés pour taxer plus lourdement les entreprises qui versent des dividendes, établir une fiscalité du patrimoine qui brise « l’aristocratie de l’argent » en élargissant la base d’imposition pour ce qui concerne tant la fortune que les successions et les donations, enfin agir au niveau européen – c’est à noter ici puisque la perspective européenne et communautaire, plus encore la perspective internationale, sont généralement aux abonnés absents dans le texte – afin d’établir l’« harmonisation fiscale ». Bref, il s’agit de matraquer fiscalement les Français, si bien qu’on en oublierait que les impôts au sens large sont déjà dans l’Hexagone parmi les plus élevés au monde !

Si la fiscalité est expédiée en quelques lignes de manière expresse, elle apparaît en filigrane dans à peu près tout le texte. Plus d’Etat, plus de droits, plus de réglementation, plus de fonctionnaires, tout cela aboutit logiquement à plus d’impôts. Qu’on en juge : péréquation massive pour égaliser les ressources entre collectivités territoriales (p. 25), financement tout aussi considérable de ces dernières afin de tripler le nombre d’enfants accueillis dans des « structures collectives » au sein du « service public de la petite enfance » (p. 10), investissement budgétaire important dans les universités avec la création de grands pôles universitaires (p. 14), primes salariales et avancement substantiels pour les enseignants des zones « difficiles », revalorisation salariale des enseignants, (p. 15), construction de 150 000 logements sociaux chaque année (p. 24), refondation de la taxe d’habitation pour prendre en compte les revenus des habitants, subventions supplémentaires aux associations dans les « ghettos » et aux associations de lutte contre les « discriminations » (pp. 25 et 31), augmentation des crédits d’investissement et de fonctionnement des transports collectifs, et nouvelles recettes destinées aux collectivités territoriales pour les financer (p. 27), redevances autoroutières plus fortes (p. 28), « mise à contribution raisonnable (sic) de l’ensemble des revenus de la Nation » pour –serpent de mer- équilibrer les comptes de l’assurance maladie (p. 41), prise en charge de la perte d’autonomie de manière solidaire par la « société » (p. 42), soutien financier par l’Etat de l’effort des collectivités territoriales en matière d’assainissement (p. 43), etc..

Enfin, « les dépenses d’avenir liées à l’éducation, aux infrastructures ou aux services publics », dans le domaine de l’énergie, des services postaux et des transports, ne devront pas être comptabilisés pour l’appréciation du respect des critères du pacte de stabilité (p. 38), ce qui permettra de creuser davantage le déficit abyssal de nos finances publiques.

Conclusion : de l’ « égalité réelle » au « socialisme réel »

Le but affiché par les socialistes dans leur texte sur l’ « égalité réelle » est de « rapprocher réellement les conditions de vie des Français ». Il revient à ce que « le niveau de vie de l’ensemble des classes moyennes et populaires rattrape celui des plus riches, en agissant sur les salaires, sur la fiscalité et sur la pauvreté » (p. 21). Mais au lieu de promouvoir des conditions de vie qui permettent aux individus de s’élever jusqu’au niveau des plus aisés, les socialistes abaissent ces derniers et ils finissent par appauvrir tout le monde. Surtout, leur projet ne peut être mis en application que par les moyens du « socialisme réel » : des impôts croissants et une réglementation tous azimuts qui s’entretiennent eux-mêmes à mesure que le « réel » ne correspond pas aux attentes de ses ordonnateurs, et qui sombrent dans le « totalitarisme soft ».

Un lecteur chagrin pourra objecter que si la critique est aisée, l’art est difficile. Toutefois, Bastiat écrivait déjà dans les années 1840 que le fait de détruire une erreur permet de mettre en lumière la vérité contraire. C’est en diminuant la sphère de l’Etat et en accroissant corrélativement celle de la société civile que la France sortira enfin de quatre décennies de déficit, de dettes publiques et de chômage.

Si le texte sur l’« égalité réelle » fait référence en introduction au fait que le « progrès collectif » soit un « instrument de l’épanouissement individuel » et que « davantage d’égalité » ne rognerait pas la liberté des individus (p. 6), il s’agit à l’évidence de conventions de style. L’individu disparaît de la suite du texte, noyé qu’il se trouve dans le collectivisme et la solid arité légale. La régression de la civilisation, ce qu’on appelait au XIXe siècle l’atavisme social, continue de faire des ravages sur fond d’un massacre du Droit et d’un démocratisme radical qui promeut une tyrannie de la majorité. De l’égalité réelle au socialisme réel, la boucle est bouclée.

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7 commentaires

Anonyme 9 décembre 2010 - 5:28

Projet socialiste
Kafka, Orwell ? C’est attribuer au style du projet socialiste des lettres de noblesse cruellement absentes. C’est plutôt Omo vu par Coluche. Ils proposent de laver plus blanc que blanc !

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Anonyme 10 décembre 2010 - 11:23

Orwel
Et dire qu’une majorité de gogos va s’y laisser prendre. Dans ma famille on frétille déjà d’attente fébrile de 2012 pour avoir enfin un « Etat socialiste digne de ce nom »… Le réveil risque d’être douloureux mais inutile d’essayer de le leur expliquer. Par principe les patrons sont tous des s….qui exploitent hoteusemet les travailleurs. En fait, je pense que l’effondrement de l’Education de nos enfants est entièrement voulu par la masse socialo-communo-gauchiste qui sévit à l’Education nationale afin de mieux controler le « bon peuple » comme le faisait le gentil Staline en l’endoctrinant dès la meternelle..

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Anonyme 10 décembre 2010 - 11:30

ATTERRANT
Nous sommes revenus au XIX siècle avec ce « programme » de régression intellectuelle et qui conduit tout droit, s’il était appliqué, à une société clone de celle des insectes comme les fourmis, les termites.

Voilà assurément un beau champ de débat pour les futures élections et bien exploité ce programme socialiste ne peut que conduire à la défaite de ses promoteurs : les Français sont des beaufs électoraux mais ce qui fait la décision, les classes moyennes, ne souscrira jamais à une telle horreur socio-économique liberticide.

JCT 71

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Anonyme 10 décembre 2010 - 1:06

l’égalité pour tous
Cela me rappelle l’histoire du prof qui donnait à tous ces élèves la même note pour un devoir, à savoir la moyenne de l’ensemble des notes… Au premier devoir, pas de problème. Mais la suite fut désastreuse car les bons ne faisaient plus d’éffort sachant qu’ils auront de toute façon une note plus basse que méritée et les mauvais élèves faisaient encore moins d’effort car ils allaient de toute façon avoir une relativement bonne note… et la myenne a régulièrement baissé.

Si c’est cela l’égalité, non merci !

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Anonyme 10 décembre 2010 - 1:17

Socialisme !
Il est extrêmement dommageable pour la FRANCE de sortir un pareil programme, lequel a déjà été mis en force par feu M. MITTERAND pour le plus grand malheur de notre Pays !

Les socialistes français n’ont encore rien compris, contrairement à leurs homologues européens, qui prônent une politique beaucoup plus axée sur l’économie et sur la réduction des dépenses publiques.

Malheureusement, les médias, dans leur ensemble, se garderont bien de faire ressortir les inepties de ce programme d’un autre âge, ce qui risque de contribuer à une réussite de ce parti en 2012 !

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Anonyme 10 décembre 2010 - 5:53

Le socialisme
Le socialisme, c’est l’antichambre du communisme et en France, ce n’est pas peu dire. Nos institutions fonctionnent encore sous le modèle, par exemple, d’un certain Thorez déserteur et copain de Staline, tout comme un certain de Gaulle.

Quand allons- nous avoir, enfin, la lucidité de nous débarrasser de tout ce chianlit ?

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Anonyme 19 décembre 2010 - 12:19

Projet socialiste
Des droits, toujours des droits ! Mais où sont les devoirs ? Il faudrait revenir à un peu de bon sens et voir la réalité en face. La France depuis 30 ans a perdu de sa crédibilité internationale et est devenue une puissance en voie de « sous-développement » et ce n’est pas le projet socialiste fumeux qui va rédorer notre blason. Pauvres Français que l’on infantilise ! Il est évident que déjà, les citoyens sont de moins en moins libres avec le toujours plus d’Etat et ce qui va avec. On veut faire notre bonheur malgré nous avec un nivellement par le bas, mais nos grands penseurs socialistes et autres gauchistes ne manquent pas de s’exclurent : c’est sans doute cela l’égalité, avec de moins en moins de liberté. Quant à la fraternité : n’en parlons pas, elle a été remplacée par l’égoïsme, ce qui peut sembler paradoxal dans un système qui se veut égalitaire.

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