Le bureau de l’Association des Maires de France (AMF) a adopté à l’unanimité le 21 novembre à l’occasion de son 106e congrès une résolution générale qui fera date dans l’histoire mouvementée des libertés locales.
En effet, sous l’influence de son président, David Lisnard, c’est une ode au principe de subsidiarité qui a été composée. Cela apparaît d’autant plus remarquable que notre pays a longtemps été rétif envers un terme certes latin, mais décliné outre-Rhin à partir du milieu du XIXe siècle.
La conception libérale de la subsidiarité
Rappelons que, telle qu’elle est comprise par les libéraux, la subsidiarité partage tout d’abord la société civile de l’État. C’est ce que l’on appelle la subsidiarité horizontale. Elle régit ensuite la sphère de l’État. C’est ce que l’on appelle la subsidiarité verticale. Dans ce dernier cas, elle veut que le pouvoir soit exercé au plus proche de l’individu et du citoyen, donc en premier lieu par la commune et en dernier lieu par les pouvoirs les plus éloignés, État central, puis Union européenne. La subsidiarité verticale doit donc être ascendante ou remontante, et non pas descendante.
La résolution générale de l’AMF
La résolution générale de l’AMF énonce que « l’échelon local est porteur de solutions pour la pays » et que dès lors, il convient non pas d’attaquer les communes, mais de « libérer leur capacité d’agir ». Elle précise ensuite, conformément à l’analyse libérale faite depuis des décennies, qu’il y a « perte de confiance dans un État omnipotent devenu impotent », puis que « l’État s’épuise à vouloir trop faire, à vouloir tout faire », ce qui témoigne d’une « faillite de la pensée centralisatrice ».
La résolution ne s’en tient pas à ce constat critique ; elle prône des solutions sous l’idée fondamentale de « renouer avec l’esprit originel de la décentralisation ». En conséquence, il convient de « redéfinir les responsabilités entre l’Etat et les collectivités ». C’est là que le principe de subsidiarité se trouve expressément cité : l’objectif est de « recentrer l’État sur son domaine propre afin de laisser s’épanouir l’action des collectivités en mettant en oeuvre le principe de subsidiarité ».
La résolution propose la tenue d’une « concertation nationale sur la répartition des compétences ». Elle ajoute que les communes « sont prêtes pleinement à assumer le pouvoir réglementaire », ce qui réduirait l’inflation normative, et qu’elles ont besoin (sans que les impôts augmentent au total bien évidemment) d’une « véritable autonomie fiscale » sur la base d’une « contribution territoriale universelle » pesant sur l’ensemble des citoyens< ; enfin, elle suggère l’inscription dans la Constitution de la commune comme « compétence essentielle de l’identité territoriale de la France » dotée de la « clause de compétence générale ».
Elle conclut à la nécessité de « révolutionner notre organisation » et d’« ouvrir enfin le temps des libertés locales ». Une ambition élevée, mais qui se trouve présentée comme indispensable pour résoudre les crises auxquelles notre pays est confronté. Autrement dit, une ambition de long terme suppose une mise en œuvre à court terme.
Le discours de clôture de David Lisnard
David Lisnard a pris la parole après la lecture de la résolution générale. Il est parti de l’idée que « sans communes, il n’y a pas d’État ».
Adoptant le triptyque liberté/dignité/responsabilité, le Président de l’AMF a fait de la liberté en général et des libertés locales en particulier une valeur absolue. Après s’être référé cursivement à la « subsidiarité ascendante », il a tenu que « la centralisation, l’excès de centralisation, c’est le problème », tout en critiquant implicitement Emmanuel Macron et l’ancien ministre des Finances, Bruno Le Maire, coupables d’avoir mal géré le pays tout en tentant maladroitement d’en faire peser la prime responsabilité sur les communes.
Il a rappelé quelques chiffres : les collectivités locales ne comptent que pour 19 % de la dépense publique en France contre une moyenne de 34 % en Europe. Leurs dépenses représentent 11 % du PIB contre 19 % en Europe. Ces chiffres démontrent que « ce qu’on administre de près, on l’administre mieux ». A preuve : tandis que le total des dettes des collectivités locales a diminué de 0,1 % du PIB en 30 ans, celui de la dette de l’Etat a été multiplié par trois.
C’est dans ses derniers mots que le Maire de Cannes est revenu sur le principe de subsidiarité : « Il faut libérer, par la subsidiarité ascendante, l’action des communes et des intercommunalités ». Cette libération est le moyen de libérer l’État, par une sorte de boucle rétroactive, des « surcharges administratives qu’il impose » et de l’excès de bureaucratie, par voie de conséquence de sa mauvaise gestion et de la crise des finances publiques.
Ayant parlé en passant la courbe de Laffer, puis d’Alexis de Tocqueville, admirateur des libertés locales outre-Atlantique, David Lisnard n’a pas hésité à consacrer une de ses dernières phrases au grand économiste libéral français du milieu du XIXe siècle, Frédéric Bastiat. Un hommage trop rare pour ne pas être souligné.
Ce discours a été très chaleureusement applaudi. Il est marquant, non seulement parce qu’il se réfère à une subsidiarité absente jusque-là du vocabulaire de la plupart des hommes politiques français, mais également parce qu’il s’oppose implicitement à la conception descendante, donc coupable, de la subsidiarité telle qu’elle est mentionnée par les textes communautaires sous l’influence délétère de Jacques Delors dans les années 1990-2000.