Vaduz doit aujourd’hui repenser son industrie financière. Tout en misant sur la valorisation d’un savoir-faire reconnu. Un article du Prince Michael von Liechtenstein publié aussi dans le quotidien de l’AGEFI (6/10).
Une place financière a pour fonction de réunir des capitaux épargnés et de les mettre à la disposition de l’économie de la façon la plus efficace. Les places financières collaborent en général au niveau mondial, ce qui ne les empêche pas de se spécialiser, en particulier quand s’il s’agit d’une petite place comme le Liechtenstein. Les petites places financières ne disposent pas de capacités suffisantes pour l’asset management et il n’existe pas d’investment banking sur leur propre marché. Les meilleures performances se réalisent en général là où il y a une grande concentration de gestionnaires de fortune ainsi que dans les centres où il y a une demande élevée de financement. Ces tâches ne sont donc pas adaptées aux petites places financières.
Dans le passé, le Liechtenstein fournissait des structures de protection de patrimoine pour d’autres places financières, notamment la Suisse. En raison des capacités des ressources humaines dans un petit pays comme le Liechtenstein, l’avantage compétitif principal réside dans une législation spécifique. Le Liechtenstein a fait ses preuves avec les fondations, les trusts, ainsi qu’avec l’expérience des professionnels locaux dans la protection de patrimoine. La législation liechtensteinoise, unique en Europe, a permis et permet encore de créer des structures qui servent à la protection et assurent la sécurité juridique à long terme ainsi qu’un environnement stable pour la planification.
La demande d’asset protection résulte d’une raison très simple, fondée sur l’expérience historique: les patrimoines privés sont très souvent menacés! Cette menace peut s’étendre de la tendance au gaspillage de certains membres de la famille, ou de problèmes personnels tels que le divorce, aux instabilités économiques, aux risques politiques, à des systèmes fiscaux confiscatoires ou encore à des prétentions indues par de prétendus créanciers. C’est pourquoi des mesures de protection du patrimoine demeurent indispensables. Il faut s’attendre à ce que l’insécurité politique et économique croissante accentue encore la nécessité de telles solutions à l’avenir. page 2
Le fait que le patrimoine privé n’englobe pas uniquement des dimensions privées, mais fait partie intégrante de l’économie nationale, parle d’autant plus en faveur de la protection du patrimoine: le patrimoine privé stimule le développement économique d’un pays, en particulier parce que l’accent est mis en général sur l’investissement à long terme des capitaux. Ce patrimoine contribue donc non seulement au bien-être des entreprises et des institutions, mais également au développement social.
Il faut dès lors s’étonner que les débats actuels au niveau international doivent servir, lorsqu’ils sont formulés de façon démagogique, à «assécher les paradis fiscaux». En l’occurrence, le sujet fiscal «honnête» est présenté comme victime afin de pouvoir justifier des contrôles toujours plus étendus. Dans ce contexte, le Liechtenstein s’efforce de protéger la place financière et les clients. La discrétion doit continuer à prévaloir et en même temps, il faut donner aux patrimoines situés au Liechtenstein ou détenus par des structures liechtensteinoises la possibilité de devenir tax compliant si tel n’est pas encore le cas. Ce qui implique que ces patrimoines, si possible sans divulgation, ne doivent conduire à aucune conséquence juridique négative dans le pays de résidence du fondateur ou du bénéficiaire. Sous le terme de «transparence», la sphère privée financière est elle aussi mise en question. Or, il ne faut pas perdre de vue que la sphère privée, dans le domaine financier également, doit être respectée comme droit fondamental. Pour la protection d’un patrimoine, cette discrétion est essentielle.
C’est là où le conseil doit se démarquer. Il doit être adapté au pays respectif du détenteur de patrimoine et prendre en considération les faits prépondérants des pays de résidence des bénéficiaires. Les solutions liechtensteinoises continuent d’être intéressantes pour beaucoup de juridictions. Cependant, cela nécessite un Etat de droit prévisible dans les juridictions en question, ce qui est malheureusement de moins en moins le cas.
L’impôt libératoire n’a pas non plus la résonnance positive espérée auprès de toutes les juridictions concernées. Bien qu’il couvre les besoins en recettes fiscales, il complique le contrôle du citoyen. En 2009, le Liechtenstein a donc conclu une série de TIEA (accords d’échange d’informations dans le cadre d’affaires fiscales) selon les normes de l’OCDE afin de pouvoir figurer sur la liste blanche. Actuellement, le pays est en train de compléter ces TIEA avec des traités fiscaux bilatéraux, destinés à ouvrir davantage de possibilités aux holdings liechtensteinoises.
Il n’est cependant pas question d’aller au-delà de l’article 26 de la convention modèle de l’OCDE sauf s’il existe des contreparties correspondantes en faveur du client. Une autre situation innovante et créative est le traité conclu avec le Royaume-Uni, selon lequel un contribuable britannique a la possibilité de déclarer avantageusement des biens provenant du passé pendant une période de cinq ans et de les structurer de manière conforme.
En contrepartie à ces «ouvertures», le Liechtenstein demande la reconnaissance des entités juridiques liechtensteinoises dans tout l’espace européen. Cette reconnaissance devrait déjà aller de soi en sa qualité de membre de l’EEE.
A l’intérieur du pays lui-même, il existe d’autres possibilités de maintenir un cadre attractif pour l’économie. Le parlement liechtensteinois vient de voter une nouvelle loi fiscale, compatible avec la fiscalité européenne, qui amène un certain nombre d’améliorations. La mise en œuvre rapide de cette loi ainsi que la libéralisation des conventions sur l’établissement du personnel qualifié et des entrepreneurs (avec leurs sociétés mères) est essentielle. En raison de la complexité de la plupart des législations fiscales, le Liechtenstein a besoin de plus de personnel qualifié dans ce domaine.
Le pays a épuisé ses possibilités de politique extérieure, déjà réduites en raison de sa taille et du non-respect des principes de droit international par certains pays. Malgré cela, l’application de la directive mère-fille de l’Union européenne devrait être accordée en tant que contrepartie minimale pour des conventions qui iraient au-delà des normes de l’OCDE. Les Etats européens qui bloquent le Liechtenstein en dépit du droit de l’EEE en vigueur devraient être identifiés et de tels cas systématiquement portés devant la Cour de Justice européenne.