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Convergence ou concurrence fiscale ?

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Article publié par Jacques Garello , administrateur de l’IREF, dans Le Figaro du 24 juillet. Lire l’article .

Après la visite de Wolfgang Schäuble à Paris, les gouvernements de Paris et Berlin ont arrêté le principe d’une convergence de leur fiscalité. Ils ont souligné l’influence bénéfique que cette convergence pourrait avoir sur la croissance en Europe et sur la santé de l’euro.

Ainsi devrait-on mettre fin au « dumping fiscal » dont la France souffrirait, le niveau et la structure de sa fiscalité étant sources de moindre compétitivité pour ses entreprises. Depuis le fameux rapport Primarolo, il est convenu de penser que la concurrence fiscale est dommageable. La guerre des impôts entre Etats de l’Union serait suicidaire, et la gouvernance économique de l’Europe sera impensable aussi longtemps que la fiscalité demeurera affaire de souveraineté nationale.

Il est incontestable qu’aujourd’hui les politiques fiscales nationales ne convergent pas. Mais est-ce réellement un dommage pour les économies européennes, et une menace pour les institutions de l’Union ?

L’importance et la nature des divergences apparaissent nettement dans le rapport de l’IREF 2010 publié le mois dernier. Les taux de TVA s’étalent de 16 à 25% ; l’impôt sur les revenus personnels frappe les tranches les plus élevées de 16 à 56%, l’impôt sur les sociétés varie de 10 à 36,66%. Les mêmes écarts caractérisent le poids des prélèvements obligatoires (32% du PIB en Irlande contre 58% en France) et des dépenses publiques (31,5% du PIB en Suisse contre 55,6% en France). Cet éventail des chiffres traduit aussi des structures fiscales différentes. Tout d’abord, certains pays avaient amorcé un retour à la rigueur fiscale et budgétaire avant même la crise de 2008. Ensuite, ils ont accepté ou rejeté des déficits budgétaires massifs, les « relanceurs » s’endettant encore un peu plus, les « rigoristes » limitant leurs appels au marché financier. Enfin, un clivage plus ancien encore s’opère entre les pays qui préfèrent la fiscalité indirecte et ceux qui taxent les revenus, et entre ceux qui visent plutôt les revenus des entreprises que ceux des particuliers. Incontestablement, la convergence n’est pas au rendez-vous.

Mais ici, deux options s’ouvrent : harmonisation forcée ou libre concurrence.

A cette heure le gouvernement français et les autorités de Bruxelles n’ont guère exploré que la voie de l’harmonisation : obtenir des Etats membres de l’Union qu’ils s’alignent sur des normes européennes. Mais quelles normes ? La France, assez mal placée dans le panorama fiscal, aimerait mettre l’Europe à l’heure de Paris, ou du moins obtenir un consensus autour de taux et d’assiettes proches des siennes. Mais il est illusoire d’espérer obtenir de pays qui ont joué les fourmis jusqu’ici qu’ils se mettent à chanter comme des cigales. N’ayant pas à porter l’héritage d’un fort endettement, les pays de la jeune Europe s’orientent plus volontiers aujourd’hui vers une réduction des impôts, qui leur semble un meilleur moyen de relancer l’économie qu’une hausse des dépenses publiques.

Faut-il pour autant accepter la « concurrence sauvage », le « dumping fiscal » ? On doit observer que, peu ou prou, les Etats les plus fiscalistes et les plus endettés (ce sont souvent les mêmes, à l’exception de l’Espagne), ont été amenés à pratiquer des mœurs fiscales relativement plus rigides. La France elle-même, après avoir rechigné, s’est plutôt rapprochée de l’Allemagne (bien que le gouvernement de Madame Merkel ne soit pas aussi vertueux que l’auraient voulu ses partenaires libéraux du FDP).

La concurrence, en matière d’impôts comme en toute autre matière, oblige à s’aligner sur ceux qui font le mieux, alors que l’harmonisation bloque tout progrès en empêchant toute innovation et toute réforme significative. Dans de nombreux pays de l’Union, des efforts sont faits aujourd’hui pour alléger la fiscalité : certains ont adopté la « flat tax », impôt à taux unique, qui élimine la progressivité et stimule l’initiative économique, d’autres réduisent les charges fiscales et parafiscales sur les entreprises (et la réforme des systèmes de protection sociale, assurance-maladie et retraites y contribue par l’abandon du système de répartition – pay as you go) ; d’autres enfin attaquent le mal à la racine en réduisant les dépenses publiques, ce qui ne peut se faire qu’en réduisant le domaine de l’Etat.

On peut donc imaginer qu’une nouvelle convergence puisse peu à peu s’imposer, mais vers la baisse des impôts et des interventions étatiques. La concurrence est un processus d’harmonisation autrement plus efficace qu’un illusoire décret souverain ou européen. Pour avoir une véritable convergence, rien ne vaut la concurrence fiscale.

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