Entretien avec Isabelle Bourgeois , chargée de recherches au CIRAC (Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine) et rédactrice en chef de la revue Regards sur l’économie allemande
Comment se situe le FDP sur l’échiquier politique allemand et quelles ont été les raisons de son succès ?
Le FDP (Parti libéral-démocrate – Freie Demokratische Partei) est en réalité un parti du centre. D’ailleurs son programme électoral s’intitulait : « Die Mitte stärken -Consolider le Centre ». Comme le SPD ou la CDU, et bien qu’il soit plus petit, c’est un parti de rassemblement, et il souvent partagé le pouvoir dans des gouvernements de coalition avec la CDU (sous Helmut Kohl) ou le SPD (Helmut Schmidt). L’équivalent de ce parti en Franc devrait être le Modem de François Bayrou mais en réalité les deux partis n’ont strictement rien en commun, ne serait-ce que parce que la notion de parti de rassemblement, ancré dans la société civile, est inconnue en France. Son succès (15 % des voix) aux dernières élections a plusieurs explications. Il y a d’abord la montée de l’extrême gauche qui inquiète dans une Allemagne foncièrement centriste. Il y a aussi la personnalité de son leader, Guido Westerwelle (juriste de formation) qui a su montrer sa stature d’homme politique de premier plan.
Ensuite, un message électoral clair à l’adresse de tous ceux qui partagent les valeurs « bourgeoises » (liberté et responsabilité de la société civile, engagement citoyen), c’est-à -dire le « milieu » de la société : les classes moyennes et les entrepreneurs (PME). Le message a consisté à rappeler qu’ « on ne peut rien partager si l’on ne crée pas des richesses ». Le FDP a donc ciblé les forces vives – tous ceux qui estiment urgent de rétablir l’équilibre entre marché et solidarité. La crise économique et financière a joué un rôle important aussi. Les électeurs du FDP se sont prononcés contre les dérives de l’Etat social et la confiscation de leurs richesses par un Etat devenu trop redistributeur. Dans ce sens, le FDP a fait campagne pour une politique en faveur des entreprises (les PME au centre de la société allemande), qui leur permette de faire des profits. En Allemagne, personne ne trouve honteux à ce que les entreprises fassent des profits : car les profits d’aujourd’hui sont les impôts et les emplois de demain.
Le FDP s’est aussi mobilisé contre le projet de salaire minimum légal uniforme préconisé par la gauche et le SPD, et pour poursuivre la réforme de l’assurance maladie, des retraites et des réglementations sur le marché du travail.
Quel a été l’impact du FDP auprès des Allemands et comment a été menée la campagne politique ?
L’électorat allemand est beaucoup mieux informé que l’électorat français sur les déficits, la dette et les dangers qui en résultent. Cette connaissance a profité au FDP qui proposait une réforme fiscale pour redynamiser les entreprises et l’économie et donc faire en sorte que les générations futures n’aient pas à payer les dettes des générations actuelles. C’est à l’Etat de faire des économies pour baisser les déficits. Dans le programme du FDP on peut aussi trouver des propositions de modernisation des procédures de licenciement, mais aussi des formations professionnelles dans lesquelles, en Allemagne, les entreprises assument une large responsabilité.
Le FDP peut s’appuyer en partie sur les syndicats établis qui assurent une représentation unitaire des salariés, c’est-à -dire indépendante des partis politiques, et qui assument leur responsabilité économique aux côtés des employeurs. Le message du FDP a attiré 1 million d’électeurs de la CDU et aussi 400 000 du SPD, d’autant que le sociaux-démocrates ont gauchisé leur discours, perdant de vue leur programme de Bad Godesberg (1959) où ils se réclament de l’économie sociale de marché. Les électeurs allemands ont sanctionné ces tentations néo-marxistes et rappelé qu’ils sont attachés à leur modèle économique et social. Et, selon un récent sondage, 53 % des Allemands se déclarent satisfaits des résultats.
Un des slogans du FDP visait la baisse des charges et prélèvements : « Conserver plus de net sur votre salaire brut ». Ensuite, Deutschland kann es besser – L’Allemagne sait mieux faire (renouer avec la compétitivité plutôt que distribuer les richesses) ; Mehr Mut. Mehr Mensch. Mehr FDP : Plus de courage (c’est-à -dire d’initiative individuelle et de courage réformateur). Plus d’humain (l’innovation, la performance, la compétitivité reposant sur l’Homme, il faut remettre l’individu au centre des préoccupations). Des slogans qu’on chercherait en vain en France…