On ne compte plus, de part et d’autre de l’Atlantique, le nombre d’articles, de livres ou d’interventions dans les médias audiovisuels dans lesquels Trump est taxé de « fascisme ». Dans un essai paru en français en 2016, la philosophe américaine Judith Butler considérait que Trump représentait une « nouvelle forme de fascisme ». Et dans une interview accordée à Libération, parue le 20 janvier 2017 (soit le premier jour du mandat présidentiel de Trump), elle qualifiait la présidence qui allait s’ouvrir de « nouveau fascisme aux Etats-Unis ». Le 18 janvier 2020, le philosophe ultragauchiste Alain Badiou déclarait quant à lui sur France Inter : « Trump est fasciste dans sa vision du monde ». Dans un éditorial paru le 5 janvier 2024 dans le quotidien suisse Le Temps (intitulé « Le risque fasciste aux-États-Unis »), on peut notamment lire : « En cas de défaite » (NDLR : du camp démocrate), ce seront les démocraties du monde entier qui devront composer avec une Amérique possiblement fasciste » (je souligne). Le 15 juillet 2024, la représentante d’extrême gauche de l’État de New York, Alexandria Ocasio-Cortez (AOC) appelait sur X les démocrates à « refuser de se résigner au ‘fascisme’ » – traduction en clair : à ne pas partir du principe que Trump va être réélu président en novembre de cette année…
On pourrait aisément allonger cette liste, tant les exemples d’assimilation du « trumpisme » au fascisme – quand ce n’est pas au nazisme – fourmillent. L’IREF a défendu le bilan économique de Trump, qui fut positif dans sa globalité, avant que ne survînt la pandémie de Covid-19. Toutefois, notre institut ne se prive pas de critiquer l’ancien président qui fait aujourd’hui campagne en vue de sa réélection lorsqu’il y a lieu de le faire : ainsi pour ses inconséquences sur le commerce (Trump reste largement protectionniste, ce au détriment de l’intérêt du consommateur américain), ou encore lorsqu’il se perd dans de stériles polémiques au lieu de juger sur pièces le bilan (peu glorieux) de l’administration Biden-Harris.
Cela dit, prétendre que Trump constitue aujourd’hui l’incarnation du « fascisme » est une aberration historique. Selon le dictionnaire de l’Académie, le fascisme est une « doctrine ou (un) régime politique d’inspiration totalitaire et nationaliste, comparable au fascisme italien ou qui s’en inspire » (je souligne). On pourrait arguer que le parti républicain est devenu de plus en plus « nationaliste » sous l’influence de Trump, qui prône le principe America First – « l’Amérique d’abord ». Mais le fascisme mussolinien fut avant tout un autoritarisme fondé sur l’État omnipotent, le refus du parlementarisme et le mépris des droits individuels. On peut ne pas aimer Trump l’homme ni sa rhétorique souvent incendiaire, mais voir en lui le dernier avatar du « fascisme », c’est peut-être aller un peu trop loin dans la liberté d’interpréter le présent à la lumière du passé…
3 commentaires
S’il y a des fascistes aux USA ce sont bien les démocrates qui attaquent les libertés des citoyens, censurent et cancellent. Les attaques suivantes contre la liberté académique ont été enregistrées entre 2014 et 2022 aux États-Unis :
877 tentatives de sanction d’universitaires pour des propos protégés par la Constitution.
114 incidents de censure.
156 licenciements (dont 44 professeurs permanents). La censure imposée sur les réseaux sociaux et dans les media est une caractéristique de ces régimes liberticides.
Bonjour,
A la liste que vous présentez des personnes qui qualifient Donald Trump de fasciste vous pouvez ajouter celle de Mark Milley qui décrit l’ex-président comme suit : “He is the most dangerous person ever. I had suspicions when I talked to you about his mental decline and so forth, but now I realize he’s a total fascist. He is now the most dangerous person to this country…a fascist to the core.” (citation du dernier livre de Bob Woordward)
Mark Milley n’est pas un gauchiste échevelé, il a été “chairman of the Joint Chiefs of Staff, the nation’s highest-ranking military officer and the primary military advisor to the president, the secretary of defense, and the National Security Council.
Et il a été nommé par Donald Trump.
Timothy Snyder qui est un historien de renom n’hésite pas non plus à qualifier le régime d’une seconde administration de fasciste
“By fascism I just have in mind (1) the cult of personality of a Leader: (2) the party that becomes a single party; (3) the threat and use of violence; and (4) the big lie that must be accepted and used to reshape reality: in this case, that Trump can never lose an election.”
Le point 2 n’est pas vérifié puisqu’il n’est pas encore question de le supprimer. Mais le discours de Trump et de ses affidés est souvent de les qualifier d’unamerican (je ne mentionne même pas les insultes).
Dans votre article, vous mentionnez les attributs du fascisme mussolinien, un autoritarisme fondé sur
– L’État omnipotent (c’est ce que veut en place Trump et que la Cour Suprême semble valider avec l’arrêt sur l’immunité du président) ;
– Le refus du parlementarisme : les soutiens de Trump mentionnent tous le renforcement de l’Exécutif. Chez Trump, c’est une pratique qui dérive de son expérience plus qu’une théorie politique, il veut diriger les États-Unis comme il a dirigé sa PME Trump organization) ; Le plan Schedule F vise bien à cet objectif-là aussi.
– Le mépris des droits individuels : la position de Donald Trump vis-à-vis de la Justice lui a été transmise par Roy Cohn : la Justice n’est qu’un moyen pour arriver à ses fins. La liste des gens qu’il veut mettre en prison (parce qu’ils ont l’outrecuidance de ne pas être d’accord avec lui) s’allonge de jour en jour.
Donc si ce n’est pas du fascisme, ça y ressemble fortement.
Bien à vous,
Guy Hervier
Si c’est ça le fascisme, alors nous, nous sommes marxistes !! Que va comprendre un jeune élève (ou étudiant) qui étudie le fascisme ?