« Google est un monopole et il a agi comme tel pour maintenir son monopole. » Telle était la conclusion d’un tribunal fédéral, en août 2024, à l’issue du procès États-Unis contre Google, la plus importante affaire antitrust intentée par le gouvernement américain depuis des décennies. Une nouvelle procédure a commencé contre Google le lundi 21 avril. Elle concerne les dommages et intérêts que la société devrait payer pour, selon les procureurs, « réparer efficacement les dommages causés par des décennies de mauvaise conduite de Google. » La justice lui reproche de profiter d’un monopole. Depuis de nombreuses années, Google utiliserait une série d’accords qui en font le moteur de recherche par défaut sur la plupart des téléphones et navigateurs web aux États-Unis. Grâce à ce monopole, des milliards de requêtes de recherche s’orientent vers Google chaque jour, « privant ses concurrents des données nécessaires à une concurrence efficace et créant des barrières à l’entrée ». Google aurait acquis un monopole sur la recherche et la publicité sur Internet (la justice veut forcer Google à vendre son navigateur Chrome), captant près de 90 % des requêtes de recherche générale sur Internet aux États-Unis et près de 95 % sur les appareils mobiles.
Le problème, c’est que personne n’oblige les utilisateurs à choisir Google, ils le font parce qu’ils en ont envie. La décision de justice, en revanche, contraindrait les navigateurs et les téléphones à utiliser par défaut des services de recherche que ces mêmes utilisateurs n’ont pas demandés. La décision de justice obligerait Google à partager les requêtes de recherche les plus sensibles et privées avec des entreprises dont on n’a peut-être jamais entendu parler, mettant ainsi en péril et la vie privée, et la sécurité. Des informations personnelles pourraient arriver à des entreprises ne bénéficiant pas des protections de pointe dont peut se targuer Google, et elles pourraient être exploitées par des acteurs malveillants. Il est aussi question d’un comité qui veillerait à la réglementation, à la conception et au développement des produits Google. Ce n’est pas à l’administration de se mêler d’innovation, encore moins au moment où l’on assiste au boom de l’IA. Google est à la pointe de l’innovation, elle offre des services et des produits gratuits. Punir cette entreprise, ce serait non seulement punir les milliards de consommateurs qui l’utilisent, mais aussi mettre en danger son avenir et faire gagner les Chinois dans la course aux nouvelles technologies.
12 commentaires
Vous prétendez être meilleur juge ( en péché d’orgueil) que ce qu’un tribunal a déjà jugé: moi , j’utilise Google parce-qu’il ne reste rien d’autre que lui de suffisamment sérieux à éliminer par lui
Vous avez Bing, Qwant, Yahoo… Mais la réalité c’est que Google est le meilleur
Non. J’utilise Qwant depuis plusieurs années. Non seulement j’y trouve tout ce que je veux, mais surtout mes recherches suivantes ne sont pas impactées par les précédentes. De plus, la publicité et la priorité -donnée à- ou -achetée par- certains sites sont pratiquement absentes.
Google c’est un rail emprunté par habitude, sans réel choix.
C’est votre droit d’utiliser Qwant ! La preuve que Google ne vous en empêche pas.
Oui et non. Depuis 2019, Google dégrade volontairement les résultats de recherche pour forcer les internautes à faire une deuxième recherche pour augmenter le temps passé sur le site…on entre dans le fameux “Minitel 2.0” décrit par Benjamin Bayard il y a fort longtemps. De plus, avec l’avènement des LLMs (enfin plutôt par l’utilisation détournée des LLMs) pour produire des réponses mêlant contenu des LLMs et diverses heuristiques pour produire des réponses au phrasé creux…beaucoup sont ceux qui ne font même plus l’effort de chercher sur Google.
Ensuite les “startups” et les grandes entreprises américaines du numérique sont d’une manière générale assez coutumières des pratiques anti-concurrentielles comme :
– payer une fortune des fabricants de navigateurs pour imposer ses produits (par Apple et la fondation Mozilla reçoivent des milliards de Google tous les ans pour que Google soit le moteur de recherche par défaut)
– payer une fortune certains hommes politiques ou hauts fonctionnaires pour placer telle ou telle solution technique
– faire du dumping sur les prix en vendant des solutions très largement en dessous de le coût réel de revient, et une fois toute concurrence détruite, remonter fortement ses prix
– payer une fortune des ingénieurs à ne rien faire avec des clauses libératoires / jardinage extrêmement contraignantes
– …
Enfin, il est bon de rappeler que Google n’est pas sorti de nulle part et qu’une bonne parti des travaux qui ont mené à la création de Google sont liés à divers programmes du gouvernement américain…gouvernement qui n’a pas chercher à placer ses copains à des postes clé…raison pour laquelle la boite a marché.
A l’époque des débuts de Google, on avait Yahoo (qui à l’époque utilisait des navigation par catégorie, alimentées par des humains), Altavista (qui avait à peut près le même principe que Google), Startpage (idem) et divers métamoteurs comme Lycos & co…ce qui a fait la différence, c’est l’argent qu’ils ont eu dès le départ.
Google est surtout sorti du génie de ses inventeurs…
Juste une petite aide familiale de 1 million de dollars aux étudiants d’alors (Wikipédia)………ça aide pour démarrer, non ?
Si les aides suffisaient, la France serait championne du monde dans tous les domaines !
Non.
Toutes les bases techniques sous-jacentes datent toutes de la fin des années 70 au début des années 90. Par exemple PageRank s’inspire très clairement (et très explicitement) du Science Citation Index (SCI) utilisé pour mesurer la pertinence d’un article scientifique depuis le milieu des années 60.
Le groupe d’étudiants qui a fondé Google a bénéficié des largesses de divers programmes américains sur l’automatisation de la cartographie et de catégorisation des sites Internet*. Une fois les outils de parsing et d’analyse développés, il se sont rendus compte que l’on pouvait – à l’époque – utiliser une méthode très similaire à celle du SCI pour évaluer la pertinence d’un site. A l’échéance de ce financement, ils sont allés voir divers investisseurs avec une solution quasi clé en main.
Bonus, ils sont arrivés pille au bon moment :
– un poil avant que la bulle des dotcoms n’explose ce qui leur a permis de lever des fonds rapidement…et comme ils avaient déjà automatisé beaucoup de choses, quand la bulle a explosé et que leurs concurrents ont du licencier, ils avaient un énorme avantage compétitif sur ces derniers
– Digital Equipment Corporation (DEC) s’est retrouvé en difficulté (du fait du ratage du boom des PC) et a du vendre une partie d’AltaVista. Suite à cette vente, AltaVista qui fournissait des résultats aussi bon (pour ne pas dire meilleurs) que ceux de Google a progressivement été transformé en portail facilement monétisable au détriment du moteur de recherche qui avait fait le succès du site. Bref, si DEC n’avait pas été contraint de vendre AltaVista, il est fort probable que Google ne soit jamais devenu le Google que l’on connait aujourd’hui. Google est venu remplacer AltaVista auprès des internautes existants et le bouche à oreille à fait le reste auprès des nouveaux internautes. A titre personnel, j’ai commencé à utiliser Google en 1999 et ce dernier a remplacé définitivement AltaVista qui était devenu trop lourd à charger courant 2000.
* à l’époque il y avait encore beaucoup de travail manuel pour valider et catégoriser les pages web, en particulier chez Yahoo…il doit même y avoir un reportage sur le sujet sur le site de l’INA
Vous vous souvenez des anciens concurrents de google mais vous ne souvenez évidemment pas de google… c’était un révélation, et sa dominance, transitoire qu’elle est, est né de sa prouesse technologique.
Même aujourd’hui, sans grand fanfare, son Gemini 2.5 est clairement parmi les trois meilleures LLM du monde.
Enfin pour ce qui est de trucs “issu du gouvernement américain”, vous pourrez élaborer!
Personnellement, je suis sur Internet depuis le milieu des années 90, en partie grâce au programme de création de “Téléport” du gouvernement français pour favoriser le développement des technologies de télécommunication du futur. A l’époque, pour ceux qui étaient un minimum bons en anglais, ce qui était génial, c’était AltaVista car on pouvait faire des recherches quasi en langage naturel, au lieu de naviguer dans une arborescence de catégories capillotractées à la Yahoo. Donc, non, Google n’était absolument pas une révélation pour ceux qui avaient déjà utilisé AltaVista.
Google est arrivé au bon moment par rapport à la chute de DEC (boite qui est, comme Xerox et IBM à l’origine de très nombreuses choses en informatique). AltaVista a commencé à perdre de sa superbe courant 1999 et surtout début 2000, avec le split de AltaVista en AltaVista (portail avec des pubs utilisant AltaVista Search comme moteur de recherche) et AltaVista Search (moteur de recherche). A ses débuts, Google avait pour avantage sa légèreté de chargement face à un AltaVista devenu portail. Dans le bouquin “Google Story” de David A. Vise & Mark Malseed, ils racontent même une anecdote d’un type qui envoyait à chaque révision de Google un nombre…au bout de quelques mois, les ingénieurs de Google se sont rendus compte que ce nombre correspondait au nombre de mots que comportait la page d’accueil du site…et que cela constituait probablement un message pour leur dire de ne pas trop surcharger le site, afin que celui-ci garde sa rapidité (ie : au contraire d’AltaVista qui une fois transformé en portail était devenu beaucoup plus lent à charger).
Après, pour ce qui est des programmes américains (et du manque de collaboration entre entreprises de la technologie en France), je pense que le CEO de Clever Cloud en parle assez bien. A titre personnel et pour digresser quelque peu, j’ajouterai que – à titre d’exemple – le Rand Institute (et William Rees-Mogg) parlent dès 1996 de l’un de ces programmes visant à créer une monnaie numérique basée sur des preuves cryptographiques…
Enfin, je me permettrait de rappeler que les LLMs ont initialement étés développés pour des moteurs de recherche et qu’en 2000 un LLM faisait la taille de quelques CD-ROMs si l’on en croit quelques uns des ouvrages de référence dans le domaine (de mémoire, ce chiffre est tiré de Modern Information Retrieval 2nd Ed de Baeza-Yates, mais je peux me tromper)…et que si les LLMs sont devenus performants, c’est grâce à la quantité de données qui a été accumulée au cours de la période précédente afin de les entrainer. Ceci va d’ailleurs leur poser un problème très rapidement car plus du contenu est généré par des LLMs, plus il va falloir passer du temps à détecter ce contenu pour ne pas empoisonner les LLMs à venir…ce qui fait dire à certain que le développement de ces derniers est un cul-de-sac technologique en matière d’intelligence artificielle.
Bref, je ne dénigre pas ce qu’a fait Google, bien au contraire, je dit juste qu’ils se sont appuyés sur des travaux existants, et qu’ils ont bénéficié de fonds assez importants dès le début…mais que surtout, surtout, ils ont eu la chance de débuter pille au bon moment, à savoir au moment des difficultés de DEC et de la fin de la bulle internet. Comme souvent, le fait d’avoir le bon produit au bon moment fait toute la différence, et ceci n’a rien à voir avec le génie, mais plutôt avec la chance.
Je ne peux pas répondre a votre dernière message alors je vais reprendre ici.
Sur les LLMs, je pense que vous sous-estimez la part algorithmique. Les données sont nécessaires, mais très loin de suffisant.
Sur google, bien sûr, comme toute personne qui réussit, ils ont bénéficié d’une belle part de la chance. Mais cela n’est pertinent a rien. Là encore c’est un facteur nécessaire mais pas suffisant.
Personnellement je n’ai pas le même souvenir d’altavista que vous, mais on ne va pas avancer sur ce sujet. Par contre, on pourrait s’accorder tout au moins sur le fait que Google, malgré un marché bien statue saturé, a su mieux répondre aux demandes des consommateurs et a pu donc devenir dominant, à partir de presque rien.