Le ton est vite donné : avec un style percutant, plein d’imagination et d’humour J-M Rouart, semblable à ses personnages tiraillés entre France libre et pétainisme, refait l’Histoire. Le livre s’ouvre avec l’arrivée de Mlle de Méribel, fidèle secrétaire du général de Gaulle, qui lui remet une dépêche de Pétain lui annonçant son départ de Vichy pour rejoindre l’armée américaine à Alger. Pris de court, de Gaulle se montre désespéré, le maréchal lui dérobant ses plans et sa victoire. Par contre, vu l’âge du vieux maréchal, Darlan voit se dessiner pour lui un avenir prometteur. Ainsi une connaissance profonde des hommes avides de pouvoir révèle combien le cours des évènements peut changer au gré du vent. Car, si libérer la France est le motif premier, les ambitions politiques et les péripéties amoureuses se lient et se délient avec la même rapidité. Les aventures se multiplient avec un rythme tel que le lecteur sans s’en rendre compte passe des princesses londoniennes infidèles aux joutes intellectuelles d’Aron et Labarthe qui exaspèrent de Gaulle.
Il assiste au dépit de Churchill devant le départ de l’aviso « Destiny » sur lequel le général s’embarque en toute discrétion et grand mystère. Si la plume de Rouart n’est pas acerbe, elle est bien ironique sur la direction géographique et politique prise par le général, ses escapades dans une sainte Russie qui n’existe plus, son embarras devant le beau cadeau de Staline qui lui inspire des essais romantiques, et mieux encore son désir d’accéder au pays des Brumes, le refuge des dieux ! Et si Pétain l’y rejoignait, et si les Français avaient discerné leur complémentarité, et si, et si… La Libération aurait été tout autre, mais le lecteur n’aurait pas pu découvrir cette jolie fresque picaresque pleine de vérités humaines à défaut de vérités historiques.
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