On est en plein XIVème siècle au couvent de Verfeil dans le Languedoc. Quel secret le prieur Guillaume a-t-il à révéler pour qu’il envoie à Toulouse deux de ses frères dominicains, Robert et Antonin, acheter un parchemin onéreux pour écrire son testament spirituel? Pourquoi l’inquisiteur de Toulouse les menace jusqu’à martyriser Robert et exiger d’Antonin le double des écrits? Serait-ce parce que le vieux prieur aurait quelque chose d’important à révéler au monde? Le roman devient à la fois fresque historique et débat théologique. Car, dans sa jeunesse, le prieur Guillaume fut l’assistant de maître Eckhart à la Sorbonne, puis dans ses déplacements jusqu’en Allemagne où celui-ci était censé surveiller la discipline des religieuses et des béguines.
Celles-ci, animées d’une passion spirituelle, confortèrent maître Eckhart dans sa démarche d’accession à l’intimité de Dieu que déjà l’inquisiteur du moment avait décrié comme un manque à « la distance de majesté », début d’un engrenage de suspicions et de menaces qui allaient allumer bien des bûchers. Voilà ce que veut dicter le vieux prieur de Verfeil au jeune frère Antonin, message que l’inquisiteur de Toulouse s’est juré de posséder pour servir autant sa carrière ecclésiastique que la vérité théologale.  Le talent de la plume d’ Antoine Sénanque fait revivre les horreurs des cachots de l’Inquisition en même temps que la propagation de la grande peste, heureusement allégées par la fraternité des moines, sans pour autant oublier la fin mystérieuse de maître Eckhart. Livre passionnant qui montre la fragilité humaine de l’Eglise, mais dont le style plein de douceur réajuste l’équilibre entre le fer de l’épée et la cendre de la Croix.