Aux Etats-Unis la Chambre des représentants avait envisagé au printemps dernier de taxer les bonus des traders à 100% au-delà de 1M$. Le sénat a enterré cette proposition radicale et attentatoire à la liberté de l’économie. Barack Obama s’est opposé aux demandes du G20 de ces 24 et 25 septembre sur le contrôle des rémunérations : » Nous sommes dans un pays où, de manière générale, on ne dit pas :vous ne pouvez pas payer les gens à un niveau quel qu’il soit ». Mais les Français risquent d’être moins scrupuleux.
Le député UMP du Val d’Oise, Philippe Houillon, a proposé de pénaliser les entreprises dont le patron gagne plus d’un million d’euros par an et de supprimer les retraites chapeaux qui sont des retraites par capitalisation. François Fillon avait annoncé une taxation « confiscatoire » sur les retraites chapeaux versées par les entreprises à leurs ex-cadres dirigeants. Ca sera bientôt chose faite : dans le cadre de la préparation du budget 2010 de la Sécurité sociale, le gouvernement entend doubler la contribution employeur libératoire aujourd’hui fixée selon les cas à 6, 8 ou 12% selon que la pension est versée par l’entreprise ou par un assureur et selon la date d’attribution (avant ou après 2003). Dans les cartons, il y a le projet de soumettre les versements à ces régimes de retraite à cotisation sociale.
Le Président de la République a clamé avec force qu’il n’y aurait plus de bonus sans malus. Demain il voudra contrôler la rémunération des bouchers quand le prix de la viande flambera, réduire les honoraires des dentistes quand il y aura trop de carries. S’il fixe les salaires, demain il fixera les prix. Cela s’appelle le collectivisme.
Des déficits sans contrôle
Les déficits des finances publiques s’envolent. Cela ne surprend que les inconscients. En France, au 30 juin, le déficit de l’état était de 86,6Mds€, contre 32,8Mds€ à la même date en 2008. Le gouvernement anglais chiffre son déficit public pour l’exercice en cours (2008-2010) à 200Mds€, soit 12,4% du PIB et trois fois plus que l’an passé. Cette progression est de 60% en Italie au premier trimestre 2009. En Espagne, l’écart entre recettes et dépenses publiques au premier semestre a été de 38,6 Mds€, plus de 8 fois le déficit du premier semestre 2008. L’Angleterre a déjà imposé depuis cette année les non domiciliés à une taxe forfaitaire minimum de 30.000£ et décidé d’une augmentation du taux supérieur de l’impôt sur le revenu fixé désormais à 50% à compter d’avril prochain, ce qui explique peut-être en partie la perte de 45.000 emplois dans la City. Le chef du gouvernement socialiste espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a annoncé mercredi 9 septembre devant les députés son intention d’augmenter les impôts à hauteur d’environ 1,5% du produit intérieur brut (PIB) en 2010 pour contrer l’envolée des déficits publics.
Une fiscalité inventive et débridée
La France, pour sa part, n’a pas attendu. La taxe carbone, qui sera semble-t-il de 17 € au lieu des 32€ préconisés par M.Rocard, sera bien une taxe de plus. M.Sarkozy avait promis que cette taxe serait créée à prélèvement constant. En bon français, cela signifiait que ce nouveau prélèvement devait être compensé par la suppression ou la réduction, pour un même volume, d’autres prélèvements. Il n’en sera manifestement pas tout à fait ainsi. Au mieux, ou au pire plutôt, cette taxe servira pour partie à reverser des subsides aux uns ou aux autres, à alimenter la grande marmite de l’assistance publique et généralisée qui asphyxie la société.
Comble d’ironie au moment où le gouvernement fait croire que la taxe carbone n’est instituée que pour sa seule vertu, un décret publié au JO du 28 août 2008 a fixé les conditions d’application et de répartition de la taxe annuelle sur les éoliennes qui s’élève à 12.492€ par mégawatt installé et par an.
Et pour remplacer la taxe professionnelle sur les équipements et biens mobiliers à compter de 2010, plusieurs taxes sont prévues à la charge des gros contributeurs: EDF sera imposé sur ses transformateurs et, avec GDF, sur leurs centrales de production d’énergie, une taxe sur les capacités de production frappera GDF/SUEZ, Areva et Powéo, tandis que pour sa part la SNCF sera taxée au titre de ses matériels roulants à hauteur d’environ 300 millions d’euros, ce qui conduira sans doute le gouvernement à redonner d’une main ce qu’il aura pris de l’autre à cette entreprise déficitaire (pour le moins avant comblement par l’Etat de ses régimes sociaux), avec au passage des pertes en ligne que personne n’ose imaginer.
Enfin se profile une taxation des plus values mobilières et immobilières, du moins à la CSG et RDS, soit 12,10%. Sur la proposition de MM Carrez et Méhaignerie, le Ministre Eric Woerth s’y est montré favorable d’ores et déjà pour les plus values mobilières et selon toute probabilité, la prochaine loi de finances l’entérinera. Par ailleurs le Sénat a voté en commission la création d’une taxe sur les plus values immobilières effectives liées à la réalisation d’une nouvelle structure de transport collectif. Enfin le barème du bonus/malus automobile sera durci.
De son coté Philipe Séguin dit clairement que pour la sécurité sociale, « on ne peut plus exclure une augmentation des prélèvements ». Bernard Kouchner réitère des propos antérieurs pour réclamer une « contribution solidaire internationale » sur les transactions financières.
Il faut tout taxer, chante le chœur socialiste. Le journal Le Monde (23/24 août) a même trouvé un professeur à l’Université de New York pour vouloir surtaxer les banques : « il s’agirait de calculer la part des activités du secteur qui sont les plus risquées pour le système financier, de les considérer comme une pollution et de les taxer. On réduit ainsi leur rentabilité et, de ce fait, les rémunérations qui en découlent. » Mais qui décide qui pollue ?
Pour ma part, je taxerais volontiers l’université qui emploie Monsieur Philippon pour qu’elle réduise la rémunération de ce pollueur verbal. Non, laissons plutôt le marché s’exprimer librement en faisant peser sur chacun les mêmes charges et en laissant à chacun les mêmes droits.
Au pays des incertitudes
Ce qui est sur est que plus rien n’est sur et rien ne nuit plus à l’activité économique que de ne pas savoir dans quel environnement fiscal elle devra évoluer au cours des années sur lesquelles les entrepreneurs bâtissent leurs plans d’affaires.
Pour sa part, le sénateur Jean Arthuis a déjà présenté au sénat le 17 juin dernier et fait voter quelques jours après une proposition de loi pour raccourcir sensiblement, à 6 ou 12 mois, les délais d’investissement des sommes collectées par les fonds dont les souscripteurs bénéficient de déductions fiscales à ce titre en matière d’ISF ou d’IR. Il voudrait que ce nouveau dispositif s’applique aux souscriptions antérieures, et notamment à celles réalisées en 2009 avant la date limite du 15 juin, qui permettent de déduire une partie des souscriptions de l’ISF. Cette rétroactivité de la loi attenterait à la confiance déjà bien flageolante des contribuables. Elle pourrait contribuer à réduire les montants collectés déjà en baisse en 2009 (340M€) par rapport à 2008 (533M€). Le code civil n’a pas édicté sans raison en son article 2 que « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». Dommage que le sénateur Arthuis l’ait oublié !