Les clignotants budgétaires sont tous au rouge. La dette publique, qui était déjà proche de 100% du PIB en 2019, passera à 117,5% en 2020 et restera à 116,2% en 2021. Les dépenses publiques ont augmenté de 54% du PIB en 2019 à 62,8% en 2020 et seront encore à 58,5% en 2021. Les dépenses augmentent donc énormément et sont financées à crédit. Le déficit de l’Etat sera de 152,8 Md€ l’an prochain après avoir été de 195 Md€ cette année ! En 2021, le déficit public serait encore de 6,7 % du PIB après avoir été de 10,2 % du PIB en 2020. On fera payer les générations futures, c’est-à-dire qu’on les appauvrira sans scrupules. Pour autant, les prélèvements obligatoires restent toujours au sommet, les plus élevés de l’OCDE sans doute encore cette année.
Et pourtant, les prévisions sont moins que prudentes. La prévision de croissance de l’activité retenue pour établir le budget 2021 est de moins 2,7 % par rapport à 2019, alors que les prévisions sont en recul de 4,3 % selon l’OCDE, de 3,8% selon la Commission européenne, de 6,1% selon le FMI.
Les baisses annoncées de prélèvements obligatoires sont trompeuses
Selon le projet de loi de finances, le taux des prélèvements obligatoires (impôts et charges sociales) diminuerait pour atteindre 43,8 % du PIB (hors crédits d’impôts) en 2021 après une augmentation mécanique de ce ratio en 2020 (44,8 %, hors crédits d’impôts) en raison d’une diminution importante de l’activité, plus marquée que la baisse des prélèvements obligatoires. Le gouvernement se vante qu’avec les baisses d’impôts prévues pour 2021 (10Md€ au titre des impôts de production, 2,4Md€ pour la première tranche de réduction de taxe d’habitation pour les 20% de Français qui la payent encore, poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés pour 3,7 md€), les prélèvements obligatoires auront diminué de 45Md€ depuis 2018. Mais le taux de prélèvements obligatoires est de 44,8% en 2020 et est estimé, de manière optimiste, à 43,8% en 2021 contre 44,8% en 2018. Il n’y a donc pas eu de baisse en 2020, et au mieux il y aura une baisse de l’ordre de 1 point de PIB en 2021, soit une diminution espérée de 25 Md€ au plus et non de 45 Md€. Le gouvernement explique que le taux de prélèvement obligatoire a augmenté du fait de la baisse d’activité, et donc du PIB, mais l’inverse devrait être vrai dans un pays comme la France où la quasi-totalité des impôts et taxes sont au mieux proportionnelles aux revenus ou chiffre d’affaires et au pire progressives.
Observons d’ailleurs que les recettes nettes de l’Etat sont prévues à 296,1Md€ en 2021 contre 309Md€ en 2017 et 2018, soit une baise de 13 Md€. Hors recettes non fiscales les ressources de l’Etat étaient de 395Md€ en 2017 comme en 2018 et devraient être de 271Md€ en 2021, soit une baisse de 24Md€ et non de 45 Md€. En euros constants, les prélèvements obligatoires ont été de 1 037 Md€ en 2017, 1 058 Md€ en 2018, et devraient être de 1 054 Md€ en 2021. Ce qui ne fait pas 45 Md€ de moins, même si on tient compte de l’inflation qui a été très modeste dans cette période.
Une Sécurité sociale à vau-l’eau
Hors prise en compte, en 2020 comme en 2021, de l’impact de la crise sanitaire en matière de surcoûts pour l’assurance maladie, l’ONDAM (l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie) 2021 progresse de +6% pour atteindre un montant de 220,3 Md€. Le budget de la Sécurité sociale sera en déficit de 44,4 Md€ en 2020 et le budget pour 2021 prévoit encore 27,1 Md€ de déficit (19 Md€ pour la maladie et 7Md€ pour la retraite), proche du pire déficit atteint en 2010. Il n’est pas prévu de le résorber à court terme puisque l’excès de dépenses sur les recettes serait encore de 22 Md€ dans quatre ans !
Pourtant tous les subterfuges ont été utilisés pour minimiser la casse : 136 Md€ de dettes ont été transférés subrepticement, par une loi promulguée le 7 août 2020, à la caisse d’amortissement CADES [[Les lois organique et ordinaire relatives à la dette sociale et à l’autonomie, promulguées le 7 août 2020, ont prolongé l’horizon d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) jusqu’à 2033 et organisé une reprise de dette de la Sécurité sociale à hauteur de 136 Md€, soit 31 Md€ au titre des déficits passés, 13 Md€ de reprise de dette hospitalière et 92 Md€ au titre des déficits prévisionnels 2020-2023. S’il est déjà prévu de transférer 20 Md€ de dette de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) vers la CADES en 2020, les transferts se poursuivront en 2021 et les années suivantes.]] dont la durée de vie a été allongée de dix ans, un prélèvement de 1,5 Md€ sera opéré sur les caisses d’assurance complémentaire, des transferts sont prévus à raison de 5 Md€ de la Caisse de retraite des industries électriques et gazières au profit de la Caisse de retraite de la Sécu. En 2021, les recettes non fiscales s’établiraient à 24,9 Md€ soit une hausse de 8,7 Md€ par rapport à 2020, dont 10 Md€ au titre de la première partie du financement du plan de relance par l’Union européenne qu’il faudra rembourser…
Des réductions au détriment de la démocratie locale
Au passage, le gouvernement en profite pour réduire l’autonomie fiscale et financière des collectivités locales. La réduction des impôts de production (10 Md€) qui pèsent sur les entreprises sera opérée pour l’essentiel par suppression de la part de CVAE (issue de l’ex-taxe professionnelle) revenant aux Régions et le transfert à leur profit d’une part de TVA. Mais une partie non négligeable (3,3Md€) viendra en réduction des recettes de taxe foncière et CET (autre partie de l’ex taxe professionnelle) payées par les entreprises au profit des communes et intercommunalités, une perte qui sera compensée par l’Etat, mais sans revalorisation annuelle liée à l’évolution possible des taux. Ce sera donc autant de marge de manœuvre en moins pour elles. On renforce l’Etat et la subsidiarité reste un mot vain.
Pendant ce temps, au lieu de faire des économies, la politique multiplie les gadgets inutiles et parfois dangereux. Par exemple le budget de MaPrimeRénov’ qui est augmenté de 2 Md€ sur 2021-2022 ; ou encore l’allongement du congé paternité dont le coût, très cher, est estimé à 520M€ par an (260M€ la première année compte tenu de la date d’entrée en vigueur au 1/07/2021) ; ou ce crédit d’impôt de 50€ que chacun peut percevoir pour s’abonner à un journal, ou cette autre aide de l’Etat de 50€ pour faire réparer son vélo… Tout va à vau-l’eau.
2 commentaires
Dette publique et dette négociable
simple évidence (pardon) mais la dette publique n'est pas de 117% du PIB mais de plus de 230% (voir le bilan de l'état dans les présentations des lois de règlement) , si on inclut les engagements de pensions des fonctionnaires (qui sont bien de la dette publique : chacun d'eux reçoit au moment de son départ à la retraite un certificat d'inscription au livre de la DP). Les 117% ne sont que la dette négociable, la dette dite de marché. Celle qui est empruntée. La "vraie" dette, la plus importante, les pensions, n'est que constatée et estimée avec une très large possibilité d'erreur long terme (longévité, taux d'actualisation choisi en T … etc) .Erreur possible d'autant plus grave que ce risque n'est, à ce jour, pas couvert (hedgé).
Déficit de la sécurité sociale
On parle toujours du déficit de la sécurité sociale.
Qu'on commence déjà par copier et généraliser notre système en cours en Alsace Moselle au lieu de le jalouser et vouloir le combattre. Il est en bien meilleure santé et avec sa prise en charge de 90% des remboursements, soulage le reste à charge des mutuelles, qui du coup sont moins chères chez nous.
Evidemment, il y a quelques petites contreparties avec le rajout de deux lignes de cotisation sur la feuille de paye, pour le salarié et l'employeur, pourtant personne ne trouve à y redire.
Qu'on arrête un peu de râler tout le temps. La situation est très en crise et vos chiffres ne sont pas exploitables pour l'instant!