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Spectacle vivant : toujours plus aidé, toujours moins fréquenté, mais tout le monde paye

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En 2024, le ministère de la Culture va présenter un « plan de refondation » à hauteur de 9 millions d’euros pour « redéfinir l’équilibre entre la production et la diffusion » dans le domaine du spectacle vivant ; musique, théâtre, danse, spectacles. Le constat est le même depuis des années : il existe un fossé entre le taux de production et le taux de diffusion. Il y a vingt ans, le rapport Latarjet pointait déjà une hausse de 24 % des crédits du ministère de la Culture et de la communication en faveur du spectacle vivant depuis la fin des années 90. C’est le secteur qui reçoit le plus de subventions par rapport à d’autres comme l’architecture et le patrimoine, les musées, ou encore le cinéma, sans pour autant améliorer le rapport entre l’offre globale de spectacles et la demande. En 2009, les entretiens de Valois notaient une hausse des aides de 5 % chaque année, financées en grande partie par les collectivités locales. Plus récemment, la Cour des comptes relevait que ces dépenses n’ont pas été accompagnées de davantage de contrôles mesurant leur efficacité.

Adopté en octobre dernier par le ministère du Budget, le programme 131 « Création », censé soutenir la diversité et le renouvellement de l’offre artistique, prévoyait une dotation de plus d’un milliard d’euros, dont 80,9 % seraient alloués au spectacle vivant. Le manque de transparence a conduit le Sénat à s’interroger sur l’absence d’éléments objectifs pour analyser l’impact de ces financements. Tirer des leçons des politiques engagées ces dernières décennies n’est  apparemment pas au programme : les plans s’enchaînent, la réalité ne change pas. Le petit monde de la culture continue de profiter de généreuses enveloppes financières sans avoir à rendre de comptes à ceux qui le financent.

Considèrerait-on que la culture doit être exemptée des règles du marché ? Pour quelles raisons devrait-elle s’affranchir des mécanismes économiques tel celui de l’offre et de la demande ? Le spectacle vivant en France serait-il si exceptionnel qu’il puisse prétendre se développer sans intégrer la moindre notion de rentabilité ? Une culture forte s’impose d’elle-même : si on prend l’exemple de la culture populaire américaine, elle n’a jamais eu besoin d’un ministère pour se répandre à travers le monde.

En France, les arts et la culture n’ont pas toujours été sous la tutelle de l’Etat. Certes, l’Etat a plus ou moins été présent, notamment durant l’Ancien Régime via le mécénat royal ou le dépôt légal. À partir du milieu du XIXème siècle cependant, les marchands se sont progressivement substitués à l’Académie – l’institution ayant un quasi-monopole sur l’évaluation et l’exposition des artistes. Ces marchands, également surnommés marchands entrepreneurs, permettaient aux artistes de se faire connaître, grâce à des hommes d’affaires ou des banquiers – ce que l’Etat et l’Académie n’étaient plus capables de faire. C’est ainsi que s’est déployé « un réseau autonome, indépendant des institutions et des milieux nationaux » observe l’historienne de l’art Béatrice Joyeux-Prunel.

Le tournant interventionniste est arrivé plus tard. Incarné par Jack Lang pendant les années 70, il se caractérise par une montée en puissance des intermédiaires, un plus grand encadrement de l’activité artistique par l’Etat, ainsi que par une multiplication des lieux subventionnés d’art contemporain. Depuis 2002, les fonctions de conseil et d’expertise sont officiellement réservées à un nouveau corps créé ex nihilo par la classe bureaucratique : les inspecteurs et conseillers de la création, des enseignements artistiques et de l’action culturelle (ICCEAAC), qui dépendent du ministère de la Culture. Selon l’artiste peintre Aude de Kerros, cela pose un problème majeur : cette police de l’art a la fâcheuse tendance d’exclure les oeuvres qui n’appartiennent pas au courant artistique dit « conceptualisme », et contribue à faire couler la place de Paris en consacrant chaque année 60 % du budget destiné aux achats d’œuvres d’artistes vivants dans les galeries new-yorkaises.

Les subventions publiques au spectacle vivant sont l’exact inverse d’une politique culturelle exigeante et démocratique. Au contraire, elles perturbent l’échange d’information sur le marché (les prix) et conduisent aux distorsions économiques que l’on observe actuellement. Le spectacle vivant attire un public majoritairement issu des catégories sociales supérieures, comme le rappelle l’IREF. Voilà un argument supplémentaire pour qu’il cesse d’être financé par l’ensemble des Français. Si le ministère de la Culture élaborait moins de plans aussi coûteux qu’inutiles, peut-être que le spectacle vivant serait plus rentable. Soyons audacieux : si le ministère de la Culture était aboli, comme on pourrait souhaiter par ailleurs que le soit ceux de la Transition écologique ou de l’Egalité homme-femme, peut-être que le monde de la culture s’en porterait mieux.

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5 commentaires

Roven 6 février 2024 - 8:39

Pendant que l’on subventionne de (très) intermittents d’extrême gauche qui ne jouent qu’entre eux, on fait appel aux dons pour sauvegarder les monuments publics et l’État n’entretient plus certaines églises, contrairement à son contrat de 1905.
Vous avez dit « en même temps » ?

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DEL 6 février 2024 - 8:48

Nombre de Ministères qui sont en place paraissent totalement inutiles, ils ne sont là que pour ruiner le contribuable. Quand découvrirons-nous la triste réalité ???

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GNA46 6 février 2024 - 10:16

Quand j’étais enfant, voilà bien longtemps… nous regardions en famille des pièces de boulevard que nous offrait la seule et unique chaîne « nationale » la RTF. Puis l’ORTF a pris sa suite, pour, ensuite, s’être atomisée en cette multitude de sous chaines [et je ne suis pas breton ;=)] qui ne produisent plus rien malgré les énormes subventions qui leur sont versées.
A l’époque donc, nous pouvions chaque semaine suivre les mardis soirs, et « Au théatre ce soir », une pièce éxécutée par de vrais bons acteurs qui dissertaient admirablement sur des textes équilibrés, et qui n’étaient pas écrit par de l’I.A..
Bref, et même si certains « pisse-vinaigre » grognent de ce commentaire, je dis ici que c’était mieux avant, sans parler du reste…

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Poivre 6 février 2024 - 10:45

Assez de mzrde conceptuelle… Libérez les artistes des oukases nihilistes… Libérez les musées…

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fardin 10 février 2024 - 9:56

On constate l’effet dévastateur de la politique dingue d’Hidalgo et de ses sbires écolos et cocos. Plus possible de venir à Paris, insécurité, politique anti banlieusards via les entraves à la circulation, et bientôt taxation discriminatoire pour se garer…Les spectacles sont donc réservés aux bobos, et aucun politique ne s’insurge contre cette folie! Ce pays court vers l’abyme!

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