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La Cour des comptes invite au recadrage du ministère de la Culture

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La Cour des comptes a publié une série de notes consacrées aux grands enjeux structurels de la France. Parmi ceux-ci, la reprise en main urgente et radicale du ministère de la Culture.
« L’élaboration d’une politique culturelle nationale répondant aux enjeux de l’époque, ou en phase avec elle, n’est plus perçue comme la mission prioritaire du ministère, d’où découleraient toutes les autres ». Voilà qui pose le décor. C’est à l’aune de ce triste constat que les magistrats de la rue Cambon ont analysé les données du ministère de la Culture.

L’un des premiers constats posés par la Cour est l’augmentation du budget du ministère de la Culture, ce qui a eu pour conséquence directe un élargissement considérable de son activité vers des domaines qui ne sont pas à proprement parler culturels, tels que les bandes dessinées, le design, l’art de la rue ou le cirque.

Un autre constat est la tradition jacobine bien ancrée rue de Valois : alors que la politique initiale visait la déconcentration, c’est-à-dire la prise en main croissante du culturel par les collectivités territoriales, le ministère vient appuyer de plus en plus leurs actions, multipliant ainsi les fameux doublons qui alourdissent tant d’administrations. Cela conduit à injecter des sommes  faramineuses dans les lieux culturels puisqu’aux 4Mds€ du ministère de la Culture s’ajoutent 10Mds€ pour les  collectivités territoriales.

Enfin, elle met en lumière le rôle ambigu du mécénat privé : si le budget de la mission Culture augmente, c’est principalement, dit-on, pour empêcher que  les monuments soient laissés à l’abandon. Or la Cour des comptes révèle quelque chose de très intéressant : depuis les années 2000, le mécénat privé est devenu une source de financement à part entière, de l’ordre de 400M€ en 2019, et « dans de nombreux cas, il s’avère désormais être la condition décisive pour réaliser certains projets ou opérations ». L’évidence s’impose : si avec un ratio de 1/35 l’apport privé est un facteur décisif, c’est qu’il est forcément mieux géré et l’on peut s’interroger sur l’emploi de tous ces milliards d’argent public dans le secteur culturel. La Cour souligne en effet que « aussi bien le ministère que les professionnels eux-mêmes reconnaissent de longue date que les financements publics massifs (subventions budgétaires, aides fiscales, sans compter les très importants effets du régime de l’intermittence) ont conduit à une offre surabondante, donc à un déséquilibre entre création et diffusion. »

Plus on soupoudre, plus on gaspille

Le ministère voit son activité de plus en plus réduite à une simple distribution de fonds publics. La Cour dénonce « un saupoudrage des aides selon une politique de guichets et de droits acquis difficile à remettre en cause, ce qui rend de moins en moins lisibles les priorités de la politique culturelle de l’Etat », avec pour conséquence, dans nombre de cas, l’accroissement des charges financières pesant durablement sur son budget. En 2019, 45% des crédits ministériels étaient préemptés par le financement des grandes institutions nationales, dont la part ne cesse d’augmenter depuis vingt ans. Les 55% restant sont répartis entre une myriade de petits bénéficiaires recevant parfois de très faibles montants. La Cour pointe notamment les aides allouées au spectacle vivant, lequel « conduit à une atomisation des crédits, lourde en gestion, mais dont la Cour a pu observer qu’il participe d’un écosystème difficile à faire évoluer au regard de la complexité des financements croisés dont ce secteur bénéficie ».

La multiplication des champs d’intervention du ministère et la dérive du coût des grands chantiers ont entraîné une importante dispersion des ressources ministérielles, privant l’Etat « des moyens de sécuriser de manière satisfaisante la conservation de son propre patrimoine, comme l’illustre par exemple la dégradation de l’état des cathédrales ». De plus, et comme un peu partout en France, les postes administratifs prennent de plus en plus de place, au détriment de projets politiques structurants.

Un sens directeur aux abonnés absents

La Cour des comptes dénonce également le déracinement du ministère dans sa politique de patrimoine : les grands opérateurs et leurs projets franciliens sont largement favorisés au détriment du patrimoine communal et rural, beaucoup plus fragile puisque son entretien dépend de  propriétaires sans grands moyens. Et de souligner que « cette insuffisante prise en considération pour la politique du patrimoine dans sa dimension de proximité a rendu le ministère moins sensible aux enjeux territoriaux de cette politique, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) devant se « débrouiller » avec des moyens fragilisés par le manque d’acticité et de reconnaissance de la filière monuments historiques ». Les conditions et les taux des aides accordées pour l’entretien des monuments varient d’une DRAC à l’autre, et il n’existe aucune doctrine homogène fixant les critères de choix et d’opportunité.

La Cour des comptes conclut sa note sur le ministère de la Culture ainsi :

« Son administration centrale se retrouve à devoir gérer un champ de plus en plus divers et disparate : pilotage réglementaire et administratif des différents secteurs qui relèvent de son domaine de compétences, pilotage des opérateurs vis-à-vis desquels il joue surtout un rôle d’allocataire de ressources, pilotage des activités déconcentrées ou encore du dispositif d’attribution de subventions de montants très variables à un vaste éventail d’acteurs, dans des conditions qui tendent de plus en plus à participer d’une logique d’abonnement, dépourvue de critères de qualité ou de dispositifs institutionnels permettant d’évaluer la régularité de leur attribution. »

Face à un tel gâchis de moyens, la Cour des comptes préconise trois réformes : la redéfinition des objectifs stratégiques de l’Etat, l’achèvement du mouvement de déconcentration et de transfert aux collectivités territoriales, et la réorganisation du ministère sur son cœur de métier. On en ajouterait bien une autre, explorée dans un précédent article : la suppression du ministère de la Culture.

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6 commentaires

Fitte 11 janvier 2022 - 6:08

On dit Saupoudrer et bon saupoudrer. Merci.

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en fait 11 janvier 2022 - 10:20

Ministère de la culture ? pourquoi un tel ministère ?
Déjà 14 milliards d’€ ce n’est pas rien, pour ceux qui payent, par contre pour les bénéficiaires c’est une autre musique.
– l’autre jour au centre Pompidou pour certaines oeuvres sur le sol, mes petits enfants pensaient qu’une personne mal intentionnée avait déposé des ordures sur le sol !
– les F.R. Aide Culturelle permettent aux conjoints de nombreux politiques de très bien vendre des oeuvres éternelles.
– Carlos Ghosn a très brillamment démontré en 09 03 2014 puis 08 10 2016 comment utiliser pour son prestige le trop modeste Versailles.
Oui, soyons fou, il faut de toutes urgences supprimer ce gros fromage. Le temps permet de  » juger » l’Art, pas les fonctionnaires.

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Rémi 11 janvier 2022 - 11:41

Constat rédigé par la Cours des Comptes….
Constat qui atterrira dans les placards des ministères concernés, qui rejoindre les milliers d’autres qui s’entassent sans avoir eu la moindre réactivité dans les faits… Réforme structurelle de la du Ministère de l’Éducation Nationale ( je connais 3 dossiers complets sur ce sujet classés dans les « oubliettes », du Ministère de la Santé passés « à la trappe »… Et du Ministère de l’Équipement…etc…etc….
Ainsi est géré la France depuis des dizaines d’années et tout le monde parait s’en satisfaire… Tout le monde sait….Et les politiques s’en satisfont souvent avec des rires moqueurs….
Alors, acceptons que des magistrats noircissent du papier rue Cambon, à un cout abyssale en incluant un gâchis de cerveaux pouvant être utiles et opérationnelles ailleurs…
Le général de Gaulle et d’autres présidents ont souvent déclaré : La France est IRRÉFORMABLE…. Mais qu’ont-ils décidés dans les faits pour mettre des coups de pieds dans la fourmilière ?
Il faut du COURAGE pour diriger et seul un CHEF D’ÉTAT peut le faire….
Tel est e problème de la France qui dérive selon les humeurs des syndicats communistes qui sont à la manœuvre à bord du TITANIC-FRANCE….

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Obeguyx 11 janvier 2022 - 12:24

Peut-être qu’en supprimant ce ministère on économisera aussi sur le nombre d’oeuvres d’art qui disparaissent chaque année sans laisser de traces. Cela se chiffrerait en plusieurs dizaines de millions d’€uros par an. Et puis comment faire confiance à une ministre parjure. tout cela est bien sinistre. Une seule lettre à changer pour qualifier bien de nos ministres.

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JR 12 janvier 2022 - 7:20

Bonjour, un cabinet de la culture oui, mais à minima et associé au ministère du tourisme.
En fait cela doit être un pole « commercial » de promotion interne et à l’étranger. Quand je vois ces milliards pour des soi-disant concerts… Dans un 1 er temps, il faut commencer par requalifier ce qu’est la culture. Par analogie c’est comme le social, il y a le bon social et un fourre tout que l’on impute trompeusement à la case social, pour des raisons évidentes de masquer la vérité du gaspillage de nos impôts et par souci d’arroser certains électeurs. Merci. Bien à vous

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Astérix 17 janvier 2022 - 8:55

S’il n’y avait que le ministère de la culture à recadrer !!
Peine perdue puisque la cour des comptes ne sert à rien sauf à pondre des rapports aussitôt mis à la cave ! Ce qui permet au personnel d’être grassement rémunéré aux frais du contribuable !!
Continuons !!!

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