Quand on s’appelle Charles Fournier, qu’on est né en 1968 et qu’on a travaillé dans une coopérative, on ne peut qu’être révolutionnaire, ennemi du commerce, de l’échange monétaire et de la concurrence, et partisan d’un « socialisme coopératif » à l’instar de son presque homonyme Charles Fourier, l’inventeur du phalanstère au XIXe siècle.
Si l’on parle encore aujourd’hui de fouriérisme, on n’en est pas encore à évoquer le « fourniérisme ». Pourtant Charles Fournier, notre contemporain, député EELV d’Indre-et-Loire, s’efforce de faire parler de lui.
Son dernier éclat remonte au 18 octobre 2022. Dans un tweet, il attaque Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, qui aurait augmenté son salaire de 52 %. L’intéressé se défend, toujours sur Twitter, en rappelant que sa rémunération est constante depuis 2017. Si elle a augmenté de 52 % en 2021, c’est parce qu’il a volontairement amputé son salaire en 2020 et que sa part variable avait alors baissé en raison des résultats médiocres de l’entreprise.
Cette explication, au lieu d’éteindre la polémique, n’a fait que la renforcer. Toute la gauche s’est déchaînée et a réclamé la taxation des « superprofits » et le retour de l’ISF.
Si la rémunération de Patrick Pouyanné est élevée – 5,9 millions d’euros annuels –, elle reste modeste au regard de celle de Kylian Mbappé (210 millions d’euros par an). Mais plutôt que de comparer le salaire du PDG de TotalEnergies à celui du footballeur du PSG, intéressons-nous à ce que gagnent les dirigeants des entreprises comparables à TotalEnergies.
Seuls les patrons chinois gagneraient moins que Patrick Pouyanné
Le classement Global 500 de Fortune place TotalEnergies au 27e rang mondial relativement à son chiffre d’affaires. Le groupe français côtoie Costco – la chaîne américaine de distribution hard discount – Stellantis – le constructeur automobile franco-italo-américain regroupant des marques comme Peugeot, Citroën, Opel, Fiat, Maserati, Chrysler – et AT&T – le géant américain des services téléphoniques. Le tableau ci-dessous regroupe les voisins immédiats de TotalEnergies dans le classement de Fortune, et indique leur chiffre d’affaires, leur nationalité, le nom de leur dirigeant et la rémunération de celui-ci quand elle est connue.
Malheureusement, le tableau compte cinq entreprises chinoises pour lesquelles il est difficile de connaître la rémunération du dirigeant. Nous n’avons trouvé qu’un seul chiffre, celui du salaire de Tian Guoli, le PDG de CCB, mais nous ne pouvons qu’émettre des réserves sur sa fiabilité.
Nous constatons donc que Patrick Pouyanné est le dernier de la liste. Certains de ses confrères gagnent 3 à 4 fois plus que lui. C’est le cas de Carlos Tavares, le patron de Stellantis. Il est vrai que l’entreprise n’est plus vraiment française puisqu’elle a son siège aux Pays-Bas, tout comme Renault-Nissan ou Airbus.
Si l’on fait le même exercice à partir des entreprises qui réalisent un bénéfice similaire à celui de TotalEnergies, on trouve le même résultat : Patrick Pouyanné est le PDG le moins bien payé.
Signalons que nous ne connaissons pas la rémunération actuelle de German Gref, le dirigeant de la banque russe Sberbank, mais il semble qu’elle soit, elle aussi, plus élevée que celle du patron de TotalEnergies, puisqu’elle était de 15 millions de dollars en 2012. On peut raisonnablement penser qu’elle a augmenté depuis dix ans.
Bref, à supposer que le chiffre en notre possession soit le bon, il semblerait que seul Tian Guoli, président de la China Construction Bank, gagne moins que Patrick Pouyanné. Il est probable que le député Charles Fournier trouve cette rémunération annuelle de 748 100 dollars tout à fait raisonnable et rêve qu’elle puisse s’appliquer au dirigeant de TotalEnergies. La Chine reste, en effet, un modèle pour les apprentis dictateurs de la Nupes !
Et si TotalEnergies quittait la France ?
Il est clair que la polémique autour de la rémunération de Patrick Pouyanné n’avait pas lieu d’être. Si tous ceux qui se sont dits outrés avaient un tant soit peu regardé plus loin que le bout de leur nez, ils se seraient plutôt demandé pourquoi le PDG du groupe pétrolier gagne finalement si peu comparativement à ses homologues.
Car le job de Patrick Pouyanné n’est pas facile, c’est le moins que l’on puisse dire. Son entreprise est constamment montrée du doigt car elle fournit une énergie désormais considérée comme sale. Les banques sont de plus en plus réticentes à lui prêter de l’argent car elle est émettrice de CO2. Des ONG appellent à la boycotter car elle opère dans des pays non démocratiques (Birmanie, Ouganda, Russie, Arabie saoudite, etc.). Tous ses projets d’exploitation pétrolière et gazière sont contestés. Des étudiants de grandes écoles de commerce et d’ingénieurs affirment ne pas vouloir travailler pour elle.
TotalEnergies est aussi accusée de ne pas payer d’impôts en France. C’est oublier que le groupe ne gagne que très peu d’argent dans notre pays, voire pas du tout : les raffineries sont déficitaires, les stations-services rapportent peu. Malgré tout, l’entreprise y maintient son siège, y emploie encore 35 % de ses effectifs, continue d’y investir (1,8 milliard d’euros dans les raffineries en 2022), y propose des remises sur les carburants (ce que les autres distributeurs n’ont pas fait).
On se demande ce qui retient encore TotalEnergies en France ! Le groupe pourrait facilement trouver un autre pays d’accueil où il bénéficierait de davantage de reconnaissance et où son PDG pourrait être mieux rémunéré sans susciter la polémique.
4 commentaires
Et… si on faisait un comparatif de ce que gagne les -vilains- dirigeants par rapport à la contribution de ces entreprises à l’emploi, aux salaires systèmes sociaux des pays où ils opèrent ?
Ca parait tellement plus « citoyen » (… et réaliste, pour une fois !).
La lecture marxiste, obnubilée par le chiffre d’affaires et le « profit » (lire : des vilains actionnaires) devrait cesser d’être l’alpha et l’oméga. surtout lorsqu’on présente ça aux gens « normaux », non ?
Et bien sûr, j’allais presque oublier, en appliquant ça aux « entreprises »(?) qui emploi les Kilian Mbappé et autres stars des revenus…
Oups, *emploient »
Le PDG de TOTALENERGIES est effectivement mal payé, surtout en comparaison avec la haute fonction publique et les politiques de tous poils français. Je serais patron d’une telle entreprise, je dégagerais de ce pays, licencierais 80 % du personnel français et améliorerais ainsi le compte de résultats de mon entreprise. Renault et Stellantis ne sont-ils pas domiciliés à l’étranger ? Ne dit-on pas que ce ne sont plus des entreprises françaises ? Stellantis est même en passe de quitter l’Europe à cause des décisions de la commission européenne concernant l’automobile (commission européenne non élue, non démocratique qui impose son dictat à tous les niveaux). Les français refusent toujours d’ouvrir les yeux … le réveil va être difficile …