La croissance économique mondiale n’atteindra que 3 % en 2016, une estimation récemment revue à la baisse par L’OCDE, par rapport aux chiffres publiés au mois de novembre dernier. En cause : le recul de l’activité économique des économies émergentes (Chine, Russie, Brésil) et l’échec des politiques monétaires de quantitative easing. Pour relancer la croissance, l’organisme international recommande la mise en œuvre de politiques de désendettement public.
Publiées ce jeudi 18 février, ces nouvelles estimations de croissance sont à nouveau en baisse (- 0,3 point) par rapport aux prévisions de novembre. La revue à la baisse tiendrait notamment compte du recul de l’activité économique dans les économies émergentes comme la Chine, le Brésil et la Russie, et de la faible reprise déjà constatée dans les économies plus développées. L’OCDE remarque aussi que les relations habituellement constatées entre chômage et inflation des salaires, taux d’intérêt faibles et investissements, baisse du cours du pétrole et croissance ou encore compétitivité monétaire et rééquilibrage de la balance des paiements, ne se vérifient plus. L’OCDE observe notamment l’inefficacité des politiques de quantitative easing (création de monnaie par les banques centrales) et recommande un désendettement public, mais en même temps elle semble conserver l’espoir que les plans de relance par la demande, notamment le plan Junker, puissent être utiles. Vain espoir !
Les échecs de la politique budgétaire
Depuis la crise de 1929, l’influence du keynésianisme sur la politique budgétaire s’est installée durablement dans le paysage politique international. On considérait auparavant que le budget gouvernemental avait pour fonction principale de financer les fonctions régaliennes de l’État. Depuis Keynes, la politique budgétaire est envisagée sous l’angle de la macroéconomie et doit tendre à la stabilisation et à la stimulation des objectifs de politique économique comme l’inflation, le chômage ou la croissance. C’est dans ce cadre que Keynes a développé sa conception des politiques de relance par la dépense publique destinées à lutter contre les équilibres sous-optimaux de l’économie.
Mais si le principal objectif d’une expansion budgétaire est d’augmenter la demande et la production à court terme, les effets à moyen et long terme des expansions budgétaires sont largement sous-évalués et mal compris. On peut notamment considérer qu’une politique budgétaire contra-cyclique d’inspiration keynésienne peut favoriser, précipiter ou amplifier les cycles économiques et altérer la stabilité économique d’un pays, comme l’avait montré Milton Friedman[[Milton Friedman, 1953, « The Effects of a Full-Employment Policy on Economic Stability: A Formal Analysis », dans Essays in Positive Economics, Chicago, University of Chicago, pp. 117-32.]]. L’augmentation de la dépense publique et l’émission de titres obligataires d’État peuvent également entraîner l’éviction de la demande et de l’investissement privés au bénéfice du financement de la dépense publique, le détournement d’une allocation optimale de l’épargne et la hausse des taux d’intérêt[[Robert Barro, 1974, « Are Government Bonds Net Wealth? », Journal of Political Economy, Vol. 82(6), pp. 1095-1117.]]. Enfin, une politique de relance implique des déficits budgétaires importants sur le court terme, qui peuvent s’accumuler d’année en année jusqu’à atteindre une dette publique insoutenable.
Pour relancer l’économie, il faut baisser les impôts, pas augmenter la dépense !
La plupart des recherches économiques arrivent à la conclusion que le multiplicateur fiscal est supérieur au multiplicateur budgétaire. Une étude de Christina Romer et David Romer arrive notamment au constat qu’une hausse des impôts de l’ordre de 1 % du PIB aux États-Unis entraîne un recul de 3 % du PIB[[Christina D. Romer, et David H. Romer, 2010, « The Macroeconomic Effects of Tax Changes: Estimates Based on a New Measure of Fiscal Shocks ». American Economic Review, vol. 100(3), 763-801, Juin.]]. Tandis que la dépense budgétaire peine souvent à entraîner la même hausse du PIB, voire le fait reculer, comme le montre une étude de Robert Barro et de Charles Redlick qui observe une contraction de 1,1 % du PIB lorsque l’État finance une hausse de dépenses à hauteur de 1 % du PIB par de l’impôt supplémentaire[[Robert J. Barro, et Charles J. Redlick, 2009, « Macroeconomic Effects from Government Purchases and Taxes », NBER Working Paper No. 15369.]]. Alesina et Ardagna[[Alberto Alesina, et Silvia Ardagna, 2010, « Large Changes in Fiscal Policy: Taxes versus Spending », Tax Policy and the Economy, Nber Working Paper No. 15438.]] ont par ailleurs étudié 107 exemples de consolidation budgétaire et 91 exemples de relance budgétaire dans 21 pays de l’OCDE entre 1970 et 2007 : ils ont constaté 1) que la relance budgétaire était plus efficace lorsqu’elle était concentrée sur les baisses d’impôts que sur l’augmentation de la dépense publique et 2) que les récessions se produisent plus souvent quand les politiques d’austérité se concentrent sur l’augmentation des impôts plutôt que sur les réductions de dépenses publiques. Cela vient confirmer l’idée que la dépense publique a un impact relativement faible sur l’activité économique, et que les politiques budgétaires expansionnistes en faveur de la demande sont généralement illusoires.
La relance par la dépense publique, ça ne marche pas !
Comme on peut l’observer sur les graphiques ci-dessous, les courbes de croissance de la dépense publique et du PIB (corrigées de l’inflation) des pays étudiés sont relativement peu corrélées. En France, le vaste plan de relance de 2009-2010 sous la présidence de Nicolas Sarkozy aura coûté 34 Mds € tandis que l’impact sur la croissance aura été de 0,5 pt selon la Cour des comptes : le plan aura donc davantage coûté aux finances publiques qu’il n’a permis d’augmenter la production, ce qui signifie en termes économiques que le multiplicateur de dépense publique était inférieur à 1.
L’intérêt d’un surcroît de dépense publique par l’aggravation du déficit public, comme l’a fait la France depuis le début de la Grande Récession, est donc tout à fait mitigé. La modeste croissance des années 2010-2011 dans la plupart des pays industrialisés est en grande partie attribuable à un effet de rattrapage de la récession de l’année 2009, et non à l’efficacité des politiques de relance. Mais une conséquence certaine de la relance budgétaire déficitaire a été l’aggravation de l’état des finances publiques, conduisant à la plus grave crise de la dette publique qu’ait connu la zone euro. On peut donc raisonnablement douter de l’intérêt d’un plan de relance par la dépense publique, dont l’intérêt serait davantage électoraliste que conçu pour encourager la reprise économique.