Contrairement à toutes les vertus dont on le pare, notamment quant à la solidarité intergénérationnelle qu’il favoriserait et malgré son indéniable succès, le système de retraite par répartition est un système intrinsèquement pervers, car il repose en réalité sur un double hold-up social, masqué sans doute par des soucis de convenance, mais qui n’en demeure pas moins réel:
– le premier hold-up consiste à dépouiller chaque année les cotisants du produit des cotisations salariales et patronales levées sur leurs salaires d’actifs, pour les détourner sans scrupule au profit du financement des pensions des retraités versées au titre de la même année. Résultat le plus clair: privés des ressources de leurs cotisations versées à d’autres , les actifs n’ont – en dehors d’un vague assignat résultant des principes de la Constitution – plus strictement aucun droit propre lorsqu’ils arrivent eux-mêmes à la retraite.
– là et comme par un coup de baguette magique: nouveau hold-up où les victimes du premier deviennent les bénéficiaires du second. C’est ainsi que les actifs qui se présentent financièrement sans droits à la retraite, puisqu’on l’a vu leurs cotisations ont été dépensées au fur et à mesure dans la retraite des autres, vont s’en voir opportunément pourvus, car désormais et du jour de leur cessation d’activité, ce sont les cotisations des autres actifs qui vont financer leurs propres pensions.
Ainsi dans notre magnifique et lumineux système social qui mise pratiquement tout sur la répartition, chacun est tour à tour la victime, puis le bénéficiaire de deux hold-up séparés, mais successifs, perpétrés le plus légalement du monde à quelques décennies de distance.
I – L’ORIGINE HISTORIQUE DU CHOIX
Déjà vous trouvez sans doute ce système un peu tiré par les cheveux, alors qu’à votre sens (et aussi au mien d’ailleurs), il serait plus simple que chacun verse tout au long de son activité les cotisations qu’il récupère ensuite en rente (pensions) lorsqu’il prend sa retraite. Mais le problème est bien entendu que dans ce cas, il faut avoir constitué par les cotisations accumulées durant la phase d’épargne le capital suffisant pour pouvoir gager lors de la phase de consommation ou de tirage toutes les pensions nécessaires au service de la retraite. Or chez nous, après que les organismes de retraite par capitalisation aient été épuisés par la guerre et l’inflation, l’Etat les a confisqués pour contribuer à son nouveau système de répartition permettant de dooner une retraite à ceux qui n’avaient pas cotisé. C’est ainsi que le Conseil National de la Résistance (CNR) a ancré notre régime de retraite sur la répartition. Après quoi dans les décennies suivantes, les robinets ont été ouverts sans précaution en faveur de pensions dopées par une démographie très favorable. Attribuant aux retraités d’alors des droits de tirage dont on s’aperçoit aujourd’hui qu’ils étaient excessifs, il a en effet été négligé de préserver l’avenir en modérant par exemple la progression échevelée de la valeur du point et en instituant une part de capitalisation qui aurait à coup sûr utilement renforcé la solidité de notre système de retraite.
II – LES DANGERS D’UNE ANALYSE TRONQUÉE
Mais les choses étant ce qu’elles sont et leur origine étant ainsi posée, il faut dés à présent faire justice d’un discours absolument inadmissible que les médias diffusent à loisir et même parfois sous des plumes qu’on aurait crues plus perspicaces. En effet actuellement, aucune occasion n’est trop bonne pour dénoncer la part excessive du PIB (entre 13 et 15% environ selon les sources – Jusqu’à 15,2% pour Eurostat in « Tableaux de l’Économie Française – Édition 2017 » publiés par l’INSEE p.67) qu’absorbent les pensions de retraites, comme si nos retraités actuels étaient de véritables parasites qui se gavent abusivement du sang de la Nation, au point d’accaparer des fonds qui seraient bien plus utiles pour la jeunesse Non, non, contrairement à ce que vous croyez, ce discours n’est nullement inventé et pour vous en convaincre, il vous suffit d’aller consulter le site de France Stratégie, celui de Terra Nova ou bien encore les élucubrations de Th. Piketty et de quelques autres, où vous le trouverez sans peine développé et argumenté à l’envi. Or en réalité, toutes ces belles plumes oublient tout simplement une chose: que ces pensions ont nécessairement et en quelque sorte « par construction » une contrepartie logique: au choix
– si on raisonne économiquement, ce sont les cotisations antérieurement versées par les retraités et dont ils ont été injustement dépouillés;
– si, au contraire, on s’en tient au raisonnement juridique de la répartition, ce sont alors les cotisations versées par les actifs et qui alimentent les pensions des retraités.
III – RÉTABLIR LA RÉALITÉ
Mais on n’a pas le droit de considérer les pensions comme une charge, si l’on n’en rapproche pas dans le même temps le produit des cotisations (passées ou actuelles) qui en est inséparable. Et c’est uniquement après que la compensation ait été dûment opérée entre les cotisations et les pensions, que seule la charge nette résultante (ou le produit net résultant) prend économiquement son sens . Il s’agit là certes d’un raisonnement « en partie double » (en toute chose on retient à la fois la cause et l’effet ou l’origine et la destination) familier à tous ces comptables besogneux que nos élites raillent à si bon compte, mais qui leur éviterait bien des erreurs si elles voulaient -ne serait-ce qu’un instant- se plier à cette discipline intellectuelle et multiséculaire faite de rigueur, de logique et de bon sens. Car les gens, qui ne voient dans les retraites qu’une sorte de rançonnement abusif extorqué par les vieux aux actifs, sont tout simplement des boutefeux sociaux dont il importe de dénoncer vigoureusement la supercherie, avant qu’ils ne parviennent à dresser les générations les unes contre les autres. En effet, les jeunes en tant que tels n’ont rien à voir, strictement rien à voir, dans la comparaison respective d’une charge: les pensions que perçoivent les retraités et d’un produit: les cotisations, que versent tous les actifs quel que soit leur âge, à l’intérieur d’un système de retraite qui concerne uniquement les liens qui unissent ceux qui travaillent (ou qui ont travaillé) et ceux qui , l’âge venu, ont cessé de le faire. Et comment ne pas souligner qu’il est intellectuellement tout aussi vain de vouloir traiter les problèmes des jeunes à partir des retraites, que de vouloir résoudre les problèmes des retraites à partir des jeunes, alors qu’au surplus, tous nos jeteurs d’huile sur le feu minimisent systématiquement sur le plan de l’intergénérationnel l’importance de l’entraide familiale, car il n’y a pas encore – Dieu merci!- besoin de loi pour que les parents aident leurs enfants et même leurs petits-enfants à chaque fois qu’ils le peuvent.
On remarquera pour conclure que, malgré tous les défauts dont l’accablent la plupart de nos syndicats et la Gauche dans son ensemble, malgré aussi les risques qu’il comporte s’il n’est pas correctement encadré, le système de la capitalisation est infiniment plus simple à comprendre pour tous, puisqu’il ne comporte que deux phases successives et parfaitement distinctes:
1- les cotisations pour constituer un capital durant la période d’épargne,
2- les pensions issues de la conversion en rente de ce capital, durant la période de tirage,
dans lesquelles, à l’inverse de la répartition, ni le législateur, ni d’autres tiers ne peuvent interférer à tout bout de champ pour changer et fausser la règle du jeu. Nous conclurons donc sur un dernier paradoxe. Contrairement aux apparences et aux enseignements qui courent ici et là, si elle fonctionne sainement (et certains pays, comme les Pays-Bas, y parviennent sans trop de peine), la capitalisation qui réserve en toute transparence à chacun son dû est socialement plus conforme à une bonne entente entre les générations, que le système opaque et conflictuel de la répartition. En effet dans la première, chacun est individuellement rempli de tous ses droits selon un contrat et un barème clairs, connus et aisément vérifiables, alors que l’opacité, la complexité et les aléas de la seconde font que chacun, abusivement frustré de ses droits directs et confronté à un avenir incertain, ne cesse de loucher sur l’assiette de l’autre en dénonçant au choix soit les charges indues qui pèsent sur les actifs, soit les avantages excessifs des retraités, soit encore, car on n’en est pas à une contradiction près, en arguant conjointement des deux propositions qui précèdent.
8 commentaires
Exemples …
Je tiens à votre disposition une étude que j'ai faite, sur EXCEL, montrant d'une manière chiffrée ce que vous avancez. On peut y faire toutes sortes de simulations.
Avec ces chiffres on s'aperçoit combien ce vol (à la manière de Madoff) est proprement scandaleux.
Bien cordialement
Capitalisation ?
Capitalisation ? qu'en sera-t-il de tous ceux qui n'ont pas leurs trimestres ? il seront de plus en plus nombreux à l'avenir, de tous ceux qui sont passés par des périodes de chômage, de petits boulots, de formation etc>… tous ces artifices inventés par l'Etat pour diminuer le chômage.
Vous avez aussi oublié que ces caisses contribuaient une époque à financer des autoroutes aujourd'hui privatisées, et autres investissements publics (cela se fait encore aujourd'hui à travers diverses caisses sociales)
De toutes les promesses de compensation non tenues par l'Etat, et j'en passe la liste serait trop longue
néanmoins il est important de signaler aussi tous les salariés d'Ex services publics privatisés qui sont aller rejoindre le régime général sans y avoir cotisé et avec des avantages largement au-delà de tous les salariés du privé …
La capitalisation ? regardez l'état des banques ce sera la même chose !!! les mêmes individus de la finance vont s'y accrocher pour y faire fortune au dépens de qui ? Le vrai problème n'est pas dans l'une ou dans l'autre de ces structures mais dans la pourriture humaine qui ne cesse de gonfler. regardez le FOOT ! les Banques ! fondations ! CAC 40, sans oublier les régimes des Fonctionnaires et des politiques.
Un article fantaisiste !
" l’opacité, la complexité et les aléas de la seconde font que chacun, abusivement frustré de ses droits directs et confronté à un avenir incertain, ne cesse de loucher sur l’assiette de l’autre en dénonçant au choix soit les charges indues qui pèsent sur les actifs, soit les avantages excessifs des retraités, soit encore, car on n’en est pas à une contradiction près, en arguant conjointement des deux propositions qui précèdent."
Cette situation n'existe que dans la tête de l'auteur !
Bref, il s'agit là d'un article fantaisiste, aux critiques exagérées, sans aucune proposition nouvelle.
Bien que de droite, je trouve cet article sans portée.
RÉPONSE À JF. GEIGER
Cette situation n'existerait donc que dans la tête de l'auteur! Vraiment?
1 – LES CHARGES INDUES QUI PÈSENT SUR LES ACTIFS
C'est précisément le prétexte de la prochaine majoration de la CSG, qui sera compensée et même sur-compensée pour tous les actifs (nul doute que les fonctionnaires ne seront pas oubliés), mais pas pour les retraités les plus riches et on sait que la richesse avec Monsieur Macron commence avec une pension de € 1 240 par mois. En outre le Président ne s'est pas caché de vouloir prélever directement sur les retraités les suppléments de pouvoir d'achat qu'il entend concéder aux actifs.
2 – LES AVANTAGES EXCESSIFS DES RETRAITÉS
C'est exactement le même problème que ci-dessus mais vu de l'autre bout: plus âgés, les retraités ont une vocation naturelle à avoir davantage de patrimoine que les actifs en milieu de carrière. Mais au- delà même des cercles de gauche, des voix s'élèvent de plus en plus nombreuses pour expliquer sans vergogne que les pensions de retraite qui avoisinent les 15% du PIB maintiennent indûment la jeunesse dans la précarité, alors que les jeunes sont l'avenir de la Nation.
Ainsi on voit bien qu'en dehors de la tête de l'auteur et indépendamment de bien d'autres défauts, le système de répartition est en train de déraper lourdement. Pour ses promoteurs à la Libération, il était censé sceller financièrement la solidarité inter-générationnelle. Or on voit aujourd'hui, avec la prochaine majoration de CSG décidée sous l'inspiration de France Stratégie et de Terra Nova qu'on aboutit à la situation exactement inverse en posant et en attisant ce qui pourrait rapidement de venir un conflit de génération, puisqu'il est clair qu'aujourd'hui les vieux sont publiquement accusés de coûter trop cher à la Nation et d'être trop riches. La vérité, c'est qu'en cinq ans, avec la succession des 0,30% de CASA et les prochains 1,70% de CSG supplémentaire non compensés, on aura rétréci l'annuité de pension des retraités à 51 semaines et comme ils sont les seuls concernés, qu'ils on dû également endurer le gel prolongé de leurs pensions, si ce n'est pas de la discrimination anti-âge, cela commence à y ressembler fortement.
3 – LES PROPOSITIONS NOUVELLES
Je les ai déjà exposées à maintes reprises et la situation actuelle ne fait que souligner leur pertinence.
Il est impératif que les retraités ne soient plus des exclus, mais qu'au contraire ils soient dignement représentés au sein du Conseil d'Orientation des Retraites et du Comité de suivi des retraites, comme d'ailleurs au sein des Caisses de retraites. Un partage des sièges par tiers entre les actifs, les retraités et les pouvoirs publics assurerait sans nul doute une approche beaucoup plus démocratique des problèmes. Et comme on compte 17 millions de retraités en France (droit direct + réversion), pourquoi ne pas créer un Ministère des Seniors qui pourrait impulser une dynamique qui fait cruellement défaut au pays (pour ceux que cette suggestion révulse, qu'ils songent qu'il y a des Ministères qui concernent infiniment moins de monde!)? Nul doute que si cette juste représentation avait été mise en place, France Stratégie et Terra Nova n'auraient pas pu pousser aussi facilement leurs diatribes anti-vieux.
Mais encore faudrait-il qu'enfin conscients de leur nombre et de leur force; les retraités manifestent clairement et fermement la volonté de prendre leur sort en main et pour l'instant force est de déplorer une passivité qui fait les affaires des pouvoirs publics, des actifs et des syndicats qui décident seuls ou presque de l'avenir de nos retraites.
Bien cordialement.
L'ombre de Pétain …
Certaine source semble attribuer la "confiscation" initiale au Maréchal Pétain … mais il est politiquement correct d'attribuer au CNR d'avoir sauver les meubles …
Notons que ça n'a pas empêché la prolifération de régimes spéciaux avec les fonds de l'Etat : nous sommes carrément dans le vol permanent.
Vivement la fin des retraites.
Oui, vous avez raison, le système de retraite par répartition n'est pas bon. Le système par capitalisation est encore pire.
Alors abolissons les retraites et obtenons enfin un salaire égal, à vie, pour tous.
QUESTION
Dans la solution que vous proposez, le problème n'est pas de savoir qui touchera les salaires, mais bien plutôt de savoir qui les payera…
le double hold up sur les retraites
Merci à Thierry Benne de son excellent article qui remet les choses à leur place venant ainsi dénoncer ce qui est dit et écrit sur le sujet par les politiques et journalistes.
En fait, le mal initial a été l'opération démagogique de départ qui a consisté à servir des pensions à ceux qui n'avaient pas ou peu cotisé dans le passé
Ce faisant l'Etat à pris directement l'argent des cotisations des actifs de l'époque (après guerre) pour les donner généreusement aux retraités.
D'ou la privation des droits acquis par les actifs sur les sommes versées depuis lors.
Dans le privé cela s'appelle un"détournement de fonds".Aujourd'hui nous payons l'addition.
Mais faute aurait pu être en partie atténuée si la gestion de ces retraites avait ete menée selon les règles en vigueur en droit des affaires pratiquées dans le monde occidental.
En effet pour ne pas dériver en système de Ponzi il fallait simplement tenir compte de la pyramide des ages et l'évolution de l'espérance de vie en constituant tous les ans des provisions (comme tous les assureurs) et en adaptant les conditions de perception des retraites à l'allongement de la vie conformément aux réalités de notre siècle.
Que neni les syndicats ont nié ces réalités pour plaire à leurs adhérents, de concert avec les politiques de la "génération Mitterrand" qui les ont soutenu et même jusqu'à ce jour.
Le miracle, c'est que les retraites Sécu Sociale soient encore servies vu la chute du rapport du nombre d'actifs/retraités et de l'allongement de la durée de vie. Oui mais avec des pis aller dont personne ne parle comme le fait de n'avoir réajusté les pensions que de la moitié du taux d'inflation depuis 20 ans. Merci l'inflation et désormais l'Etat ne les réajuste plus depuis trois ans.
Parler "des retraites" n'a de sens que si l'on précise de quelles retraites parmi les quelques 50 régimes différents en France, ce qui n'est jamais fait par la presse, ni par les politiques.
Il existe les "retraite complémentaires" qui sont souvent présentées comme des compléments de retraite pour cadres privilégiés et profiteurs.
Ces caisses sont en déficit inquiétant et très bientôt en faillite et peu de monde en parle; elles ont un "rendement" (rapport entre cotisations et prestations)généralement bien inférieur à celui de la Secu Sociale .
Enfin l'auteur a raison de pointer l'habitude de l'Administration donc de l'INSEE de considérer les versements de retraites comme une "dépense de l"Etat servie généreusement aux salariés sans tenir compte des cotisations encaissées.
Il est vrai que la "transparence des comptes de la Sécurité Sociale n'est pas un modèle mais tout de même annoncer que les "retraites en France accaparent entre 13 et 15% du PIB en ne tenant pas compte de la "contribution" versée sous forme de "cotisations"est une plaisanterie.
Enfin cette situation découlant d'une "Comptabilité Nationale"qui ne reconnait pas les principes de la "partie double" mis en place par les banquiers italiens depuis Quatre cents ans est proprement stupéfiante!! c'est le langage de nos élites de la République en 2017!
Le plus incroyable est le cynisme de ceux qui parlent de cette charge énorme que sont les pensions des anciens salariés sans distinction aucune de la contribution supplétive que l'Etat
verse aux fonctionnaires d'Etat, territoriaux et hospitaliers pour servir tous les mois leurs retraites,et pesant la somme astronomique de près de soixante dix milliards d'euros
Pas étonnant que les retraites soient parfois dénoncées comme supérieures à la moyenne des salaires et traitements puisqu'un fonctionnaire dispose d'une retraite équivalent à environ 75% de son salaire de départ (six derniers mois)
Il n'était pas inutile de rappeler ces faits.
JPD