Une étude de l’Institut des politiques publiques réalisée à partir des données de 2016 et sortie le 6 juin a découvert un moyen de soutenir que les riches ne payent pas assez d’impôts : elle attribue aux dirigeants et actionnaires d’entreprises des revenus qu’ils n’ont pas perçus.
Une escroquerie intellectuelle
Pour calculer l’imposition des plus riches, les auteurs de l’étude en question ajoutent à leurs revenus imposables des revenus fictifs : les cotisations sociales non contributives d’une part, et les bénéfices des sociétés dont les foyers fiscaux détiennent plus de 10% du capital d’autre part. Ils prennent en compte au titre des impôts la quote-part d’impôt sur les sociétés payée par le contribuable concerné (au prorata de sa participation dans le capital de chaque société) et une part minimale de coût de donation du capital correspondant sous le bénéfice d’un pacte Dutreil. Ces élucubrations, totalement factices et erronées, sont établies de manière sciemment minorée (le pacte Dutreil n’est pas toujours possible, ils calculent sur la base des donations mais pas des successions…). En outre, ils ne tiennent pas compte des autres impôts que payent les entreprises, pas plus que des impôts de succession que les particuliers payent sur leurs autres actifs et des droits d’enregistrement et taxes immobilières locales ou autres qu’ils supportent.
Surtout, ils ne prennent pas en compte les impôts que les riches paieraient si les bénéfices qui leur sont affectés leur étaient distribués. Car alors ils paieraient sur ces dividendes le prélèvement forfaitaire unique de 30%. Les auteurs savent bien qu’ils font un faux calcul. Ils le reconnaissent à mi-mot en notant au détour d’une courbe que si les bénéfices non distribués des sociétés contrôlées étaient pris en compte, le taux d’imposition des plus riches monterait à 59%. Mais le mal est fait. Leur étude a fait le buzz et le tour des journaux qui n’ont pas bien compris le tour de passe-passe ! C’est bien de l’escroquerie intellectuelle.
D’autant plus qu’au demeurant, même avec leurs calculs truqués, ils ne parviennent pas à démontrer grand-chose. Ils notent que « 95 % des 378 000 foyers au sein du top 1 % des revenus paient des impôts personnels importants du fait de la progressivité du barème. […] les 37 800 foyers fiscaux aux revenus les plus élevés (le top 0,01 %) bénéficient d’un taux global d’imposition plus faible », le taux d’imposition passant de 46 % pour les 0,1 % les plus riches à 26 % pour les 0,0002 % les plus riches (les « milliardaires). Ils reconnaissent d’ailleurs que ce constat tient au fait qu’ils ont intégré les revenus (fictifs) des sociétés, la grande majorité des revenus des 0,01 % des ménages les plus riches pris en compte par l’étude provenant de la manipulation faite par ladite étude pour intégrer dans le revenu de ces contribuables une quote-part des profits des entreprises dont ils sont actionnaires.
Il y a là évidemment une méconnaissance totale du fonctionnement de l’économie. D’abord parce qu’un actionnaire ne contrôle pas une société avec 10% de son capital mais plutôt avec 50% ou, dans les plus grandes sociétés cotées, avec plus de 30% en général et selon le critère retenu par la bourse. Ensuite parce que les profits non distribués sont destinés à être mis en réserve et utilisés pour le développement de l’entreprise, pour payer ses besoins de fonds de roulement (c’est-à-dire le cash nécessaire pour supporter les besoins de financement requis généralement par le développement du chiffre d’affaires) et les besoins d’investissements. Par ailleurs, les auteurs de l’étude tiennent compte des profits mais pas des pertes. Ils méconnaissent surtout que les entreprises payent bien d’autres impôts que l’impôt sur les sociétés : les impôts de production par exemple, qui se montaient à 78,1 Md€ en 2016 – l’année de l’étude ! Par comparaison, le produit de l’impôt sur les sociétés pour 2016 a été de 30Md€ ! Alors pourquoi prendre le seul impôt sur les sociétés dans l’étude de l’IPP ? Pour parvenir au résultat désiré bien entendu. Ce n’est plus une étude universitaire, mais une tentative de perversion construisant des arguments bancals pour soutenir les préjugés d’enseignants, dits chercheurs, payés par nos impôts. C’est une tromperie de grande envergure, à la Piketty, qui ose prétendre, comme Marx en son temps, à une analyse scientifique quand il ne s’agit que d’une mascarade idéologique.
S’ils avaient été logiques avec eux-mêmes, les auteurs de l’étude auraient dû d’ailleurs réintégrer aussi dans les revenus les cotisations retraites qui représentent pour leurs bénéficiaires des avantages à terme, comme les profits non distribués. Mais les falsificateurs ne retiennent jamais que les faits susceptibles de parler à leur avantage.
La vraie justice
Certes on peut s’étonner qu’en France tant de niches fiscales, improprement appelées en langage techniques des « dépenses fiscales », permettent à tant de gens de s’exonérer d’impôts et de charges sociales. Ce sont autant d’injustices créées par la puissance publique elle-même qui dispense, à son gré, les uns ou les autres de l’impôt ou de charges.
Mais de la même façon, la progressivité, dont les tranches et les taux sont fixés de manière tout aussi arbitraire, crée des injustices au gré de la volonté de la puissance publique.
Les auteurs de cette note de l’IPP rappellent que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 définit un principe de répartition de la charge fiscale, « également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Ils s’étonnent que ce texte ne fixe pas de taux de progressivité. Par-là ils méconnaissent qu’en langage de la fin du XVIIIème siècle « en raison » signifie « à proportion », ce qui veut dire que l’impôt, selon la déclaration de 1789, devrait être un impôt proportionnel et non progressif
Sur la base des revenus fiscaux de référence, les revenus imposables ne représentaient en France en 2016, notent-ils, que 1000 milliards d’euros alors que les revenus effectifs, avant abattements fiscaux et application des 500 à 700 niches fiscales et sociales recensées, devraient représenter environ 1 600 milliards d’euros. Cette analyse est exacte. Mais pas les conclusions qu’ils en tirent.
La solution est sans doute d’établir un impôt proportionnel à un taux raisonnable (15% ?) au-delà d’une franchise proche des abattements familiaux et conjugaux actuels et de supprimer toutes les niches fiscales. Nous retrouverions alors une vraie justice fiscale et chacun, riche ou moins riche, paierait à proportion de ses revenus réels.
4 commentaires
Je constate simplement que en-dehors de quelques industriels et actionnaires la majorité des nouveaux riches de la classe dite moyenne haute sont issus des services publics. Il est est de même pour les mêmes qui sont en retraite. Et comme c’est toujours un effet de nombre il ne faut pas s’étonner que plus rien ne puisse fonctionner en France.
Mais comme tous ces mêmes personnage en activité publique ont tellement de temps libre que les revenus qu’ils perçoivent ne leurs suffisent plus. C’est peut-être là le vrai problème de la République, ajoutez à cela toutes la racaille du monde qui vient vivre en France au crochets des fonds publics on aura tout compris.
« Surtout, ils ne prennent pas en compte les impôts que les riches paieraient si les bénéfices qui leur sont affectés leur étaient distribués »
OUI, ………..PAIERAIENT SI……
Mais ils ne le paient PAS ! C’est là que réside votre tentative d’escroquerie intellectuelle !
https://www.editions-complicites.fr/pages-auteurs/serge-rochain/
Quand vous retirez de l’argent au distributeur, vous êtes plus riche ou moins riche qu’avant ? Ni l’un, ni l’autre, vous avez simplement transformé une monnaie scripturale en monnaie fiduciaire, plus liquide. C’est la même chose pour ce qui concerne les dividendes ou les rachats d’actions. Les bénéfices non distribués alimentent les fonds propres de l’entreprise, et donc accroissent la richesse de ses propriétaires, les actionnaires. Quand ceux-ci perçoivent des dividendes, ils ne sont ni plus riches, ni moins riches, ayant transformé une partie de leur richesse en « liquide ».
Les bénéfices étant imposés, les actionnaires paient alors 2 fois, au niveau de l’entreprise et des dividendes.
Les niches fiscales n’ont aucune utilité démontrée et sont l’effet du clientélisme des hommes politiques. Les riches bénéficient les premiers de ce système qui affiche une forte progressivité alors qu’il n’en est rien. Il faudrait donc les supprimer, car l’impôt n’a pas été conçu pour manipuler les comportement des contribuables mais pour financer les services publics. Mais cette suppression ne peut se faire sans une réforme fiscale de grande ampleur visant à compenser l’augmentation mécanique des prélèvements (100 Mds) qui en résulterait.
A noter que les grands groupes savent s’y faire pour rémunérer leurs actionnaires sans verser trop de dividendes. Il fournissent des actions gratuites.
Je ne vais pas les nommer, mais ce sont ceux qui font du bruits en ce moment concernant leurs « bénéfices » sur le dos de la majorité des gens qui rament.
Ayant un PEA en mandat de gestion, je reçois en ce moment les « Newsletters » des Actionnaires après les versement des dividendes en mai.
Ils nous proposent à nouveau des actions gratuites. Les montants qu’ils représentent ne rentrerons pas dans mes revenus imposés.
Alors cessons de pleurer sur les riches.
Comme le disait ce matin un journaliste sur France Inter pendant une émission entre 10h et 11h « Grand Bien Vous Fasse » sur les humains mammifères appartenant au monde animal :
Qu’est- ce qui nous distingue vraiment des animaux ?
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/grand-bien-vous-fasse/grand-bien-vous-fasse-du-mercredi-14-juin-2023-7354574
se placer à la minute 31: « on fait partie de ces espèces qui réduisent nos chance de survie…..au non de l’argent. L’argent fait partie des fictions qui bâtissent les civilisations.
L’argent est la seule création artificielle humaine où tout le monde se met d’accord quelque soit ses origines géographique, ethnique, culturelle et religieuse.
Il va nous permettre de tous coopérer, avec des gens qu’on ne connaît pas, n’y même en qui nous pouvons faire confiance. C’est la croyance commune de l’argent!
C’est ainsi que l’intérêt d’une entreprise, qui en fait, n’existe pas, passe avant l’intérêt d’une rivière qui est bien réelle! Un bon sujet de Philo A méditer.
Il serait bon de remettre l’argent à sa place en le considérant comme « un outil » pourtant nécessaire dans nos civilisations humaines, et plus comme un BUT , une fin en soi!
PhB