Le Comité économique, social et environnemental (CESE) porte ce nom depuis maintenant dix ans. C’est, en effet, en 2008 que le CES est devenu CESE. Pour justifier de son appellation, le CESE produit des rapports à la chaîne. Un des derniers en date s’intitule « TPE-PME, comment réussir le passage à la neutralité carbone ? » (septembre 2018).
Des rapporteurs engagés
Intéressons-nous d’abord aux co-auteurs du rapport.
Stéphanie Goujon dirige le projet French Impact, qui est selon son site internet, « une bannière nationale pour fédérer et valoriser la diversité des acteurs de l’innovation sociale ». C’est un peu abscons tout cela. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il s’agit d’une initiative gouvernementale, portée par le ministère de la transition écologique, organisée en association de loi 1901. Bref, un machin étatique de plus. Nous qui pensions, naïvement sans doute, que le CESE portait la voix de la société civile, nous voilà surpris. La troisième chambre de la République serait donc, elle aussi, infiltrée par les hommes de l’État.
Quant à Antoine Bonduelle, il est fondateur d’un cabinet d’études et de conseils en énergie et environnement pour des entreprises, des ONG ou des collectivités publiques, E&E. Bref, une partie de sa cible de clientèle est sans doute les PME auxquelles le rapport s’intéresse. Il est en quelque sorte juge et partie dans cette affaire.
Avec ces deux co-rapporteurs, nous sommes donc assurés de disposer d’un rapport impartial et ne prenant en compte que le seul point de vue des TPE et PME.
Un manque de données objectives
Dans leur introduction, les deux auteurs indiquent qu’ils veulent engager les TPE-PME à « une réflexion sur les émissions de gaz à effet de serre que génèrent leurs activités et sur les actions à conduire pour les réduire ».
Mais de quoi parle-t-on exactement ? En fait, on n’en sait rien. Les rapporteurs avouent en effet qu’il est difficile de savoir quel est l’état des émissions des « TPE-PME, artisanes, artisans, indépendantes et indépendants » (notons au passage le subtil balancement entre le féminin et le masculin, nouvelle forme d’écriture inclusive !).
Mais Goujon et Bonduelle ne sont pas arrêtés par le manque de données, et tentent des approximations. Ils indiquent que les « PME de l’industrie représentent une très faible part de l’énergie consommée dans le secteur, de l’ordre de 1 % des émissions industrielles ».
Si l’on s’intéresse aux véhicules légers ou camionnettes, à la consommation des bureaux et des commerces, au chauffage des locaux, alors on constate que les TPE-PME sont responsables de 9 % des émissions de la France. Et si l’on y ajoute les trajets des personnels et les approvisionnements matières, cette fois les émissions des TPE-PME sont de 12 à 14 % des émissions françaises.
Et les rapporteurs de conclure : « Ces chiffrent donnent des ordres de grandeur et montrent le niveau élevé des émissions attribuables aux petites et moyennes entreprises ».
Que faire ?
Les deux co-auteurs rappellent que des dispositions légales s’appliquent à l’ensemble des consommateurs d’énergie comme les normes sur les bâtiments neufs ou les véhicules, ou encore les règles sur le recyclage des déchets. Des dispositions qui s’appliquent donc aussi aux TPE-PME.
Ils rappellent également que :
– les entreprises de plus de 500 salariés doivent réaliser un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES) ;
– les sociétés cotées ont une obligation de déclaration de performance extra-financière (ex-reporting RSE) ;
– les entreprises situées dans le périmètre d’un plan de déplacements urbains (PDU) et regroupant plus de 100 salariés sur un même site doivent être dotées d’un plan de mobilité d’entreprise.
Faut-il alors appliquer ces mêmes contraintes aux TPE et PME ? Non, clament Stéphanie Goujon et Antoine Bonduelle. Ils ne veulent pas « empiler les contraintes » et insistent sur le fait que leur rapport n’en comporte aucune nouvelle.
Ce qu’ils veulent, c’est « encourager les solutions concrètes que ces entreprises peuvent appliquer ».
Des solutions sournoises
Quand on y regarde de plus près, on est bien obligé de constater que le rapport, avec ses 12 préconisations, souhaite contraindre davantage des petites et moyennes entreprises.
Certes, de prime abord, il n’y a pas de taxes ni d’obligations nouvelles. C’est beaucoup plus sournois. Prenons quelques exemples :
– Préconisation n°5 : Pour progresser vers la transparence des fournitures utilisées par les TPE-PME, le CESE propose que pour l’ensemble des produits, des services et des matériaux à contenu carbone significatif, les entreprises de plus de 500 salariés mentionnent leur impact carbone, notamment sur les factures.
Il s’agit donc d’imposer aux fournisseurs des TPE-PME d’indiquer l’impact carbone sur les factures afin de mettre progressivement en place une comptabilité carbone (ce que demande la préconisation n°3). On aura ainsi une plus grande facilité pour montrer du doigt les mauvais élèves, et à terme sans doute les taxer.
– Préconisation n°6 : Le CESE recommande que le bilan carbone obligatoire intègre les postes suivants : impact du transport, des approvisionnements et des livraisons ; trajets des salariés ; impact carbone des déchets et des emballages ; impact des matières premières et des fournitures ; impact des investissements.
Le bilan carbone (BEGES) n’est obligatoire qu’à partir de 500 salariés. Il s’agit donc de l’alourdir. Mais s’agit-il de l’étendre aux TPE-PME ? On peut se le demander puisque les rapporteurs écrivent qu’ils veulent « répondre à la réalité de l’ensemble des entreprises tout en répondant aux singularités des TPE-PME ».
– Préconisation n°7 : Le CESE recommande la mise à disposition par tous les fournisseurs de logiciels de comptabilité-gestion, d’une option intégrant le bilan-carbone, adaptée aux usages des TPE-PME, avant 2020.
Donc, les fournisseurs de logiciels de comptabilité-gestion, qui peuvent être des TPE-PME, auraient une nouvelle contrainte. Et l’option pourrait vite devenir obligatoire.
– Préconisation n°8 : Le CESE demande de favoriser les produits ou les services les moins émetteurs en carbone :
o en examinant la possibilité d’une mise en place de TVA à taux réduit sur certains produits en boucle locale et/ou faibles en émissions ;
o en favorisant le mieux-disant dans les clauses d’appels d’offre publique sur les productions locales respectueuses de l’environnement.
Si l’on comprend bien, les entreprises « vertueuses » auraient seuls accès aux marchés publics. Et pour leur faciliter cet accès, leur TVA serait réduite.
– Préconisation n°11 : Le CESE recommande d’intégrer une initiation à la comptabilité et à la stratégie carbone dans la formation initiale et continue en particulier dans les filières professionnelles, dans les métiers de la gestion et de la comptabilité ainsi que dans la formation des dirigeantes et dirigeants. Dans le cas de la formation des expertes et experts comptables, le CESE recommande que cette formation devienne obligatoire.
Une nouvelle obligation (pas de contrainte nouvelle ont pourtant écrit les rapporteurs) dans la formation des experts comptables qui sont souvent des TPE-PME. Avec sans doute des stages de formation continue, eux-aussi obligatoires, pour ceux qui sont déjà en poste. Et la même obligation pour les dirigeants à terme.
Supprimer le CESE
On le voit, ce rapport contient, en germe, de nouvelles obligations pour les entreprises, alors que la taxe carbone a été multipliée par 6 entre 2014 et 2018, passant de 7 €/t de CO2 à 44,60 €, et qu’il était prévu – avant le mouvement des « gilets jaunes » – de la doubler encore d’ici 2022 pour la monter 86,20 €, soit une augmentation de 1 231 % en 8 ans. Une taxe carbone à laquelle les TPE-PME sont bien sûr assujetties.
Mais cela ne semble pas suffire au CESE qui a approuvé, en séance plénière, le rapport par 170 voix. Seules 6 personnes se sont abstenues, celles siégeant sous l’étiquette Force ouvrière (FO).
On aimerait connaître l’empreinte carbone d’un tel rapport qui ne doit pas être neutre avec les déplacements des conseillers du CESE et des personnes auditionnées, l’impression du rapport et son acheminement dans les boîtes aux lettres.
Supprimer le CESE, comme l’IREF le préconisait dans l’article sur les « Cinq mesures à mettre en place immédiatement pour répondre à la crise des gilets jaunes », pourrait donc être aussi une mesure utile pour réduire l’émission des gaz à effet de serre.
3 commentaires
Suppression…
Suppression aussi de toutes ces normes de carbone. Je remarque d'ailleurs que, suite aux nombreuses voix qui ont fait remarquer que le CO2 est le gaz de la vie, on ne parle plus maintenant de gaz carbonique, mais de carbone (c'est noir, c'est sale). On est dans la manipulation depuis le début avec cette théorie non prouvée du RCA. Quels sont les intérêts que cela sert?
ERREUR DE CIBLE!
Très simplement, je souhaite suggérer qu'en tête de tous ses rapports (rassurons-nous, il n'y en a pas beaucoup), le CESE indique le coût total de chaque rapport, avec l'analyse des principaux postes concernés.
Et là on s'apercevra sans nul doute que l'on a dans notre République à traquer quelque chose de beaucoup plus nocif que le C02…D'ailleurs tout le monde sait quoi!
Supprimer ce "machin"
C'est bien de recaser les politiques et syndicalistes non réélus dans leurs structures mais le CESE est très coûteux en cette époque de vaches maigres, donc a supprimer en priorité UNE.
Le palais peut servir à autre chose que ces inutiles et leurs cohortes de fonctionnaires.