A l’IREF, nous traitons souvent de l’inefficacité de l’action publique, qu’il s’agisse du soutien à l’exportation, de la fiscalité comportementale, des campagnes d’attractivité territoriale, de la politique du logement ou de celle de la ville. En matière d’emploi, la gabegie des deniers publics est flagrante.
Tous les gouvernements, depuis au moins 50 ans et la première crise pétrolière, ont prétendu agir pour réduire le chômage. Le gouvernement Borne n’échappe pas à la règle avec, par exemple, la création de France Travail. Il affiche même, en la matière, des ambitions largement plus élevées que ses prédécesseurs puisqu’il compte en son sein un ministre du Plein emploi !
Nous espérons qu’Olivier Dussopt, ledit ministre, lise les études produites par son administration. Il se rendrait ainsi compte que les politiques de l’emploi sont, bien souvent, inutiles et que leur abandon pourrait faire économiser des milliards d’euros.
Prenons deux exemples, avec les contrats aidés et les emplois francs qui ont fait l’objet de deux notes de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail).
 Sur 100 contrats aidés créés, 61 l’auraient été sans la subvention publique
Commençons par les contrats aidés, en regrettant d’abord que l’étude porte sur l’année 2017. Comme toujours avec les organisations publiques, il faut des années pour analyser des données. Comment s’étonner dès lors que l’évaluation des politiques publiques n’ait que peu de suites effectives ?
Précisons que par contrats aidés, on entend ici les CUI-CAE (contrat unique d’insertion-contrat d’accompagnement dans l’emploi) et les CUI-CIE (contrat unique d’insertion-contrat initiative emploi). Les premiers, qui représentent 90 % de l’ensemble, sont destinés au secteur non marchand (associations, collectivités territoriales, établissements publics d’enseignement, etc.). Ils sont pris en charge par les pouvoirs publics à hauteur de 76 % du smic horaire brut. Les seconds (10 % du total) sont destinés au secteur marchand et subventionnés à hauteur de 35 % du smic horaire brut en moyenne.
S’agissant des CUI-CAE, l’étude révèle que 74 % d’entre eux n’auraient pas été créés sans la subvention publique. Ce que l’on appelle l’effet d’aubaine (l’embauche aurait eu lieu sans l’aide) est donc de 26 %. En revanche, dans le secteur marchand, la proportion est inverse : 61 % des CUI-CIE auraient été recrutés sans l’aide.
Sachant que 275 000 contrats aidés étaient en cours en 2017, pour un budget de 2,4 milliards d’euros (Md€), on aurait donc pu économiser plus de 700 millions d’euros (M€) en ne subventionnant pas les emplois qui auraient été créés de toute façon.
Mais il est probable que les économies à réaliser soient plus importantes encore. D’abord parce que la note de la Dares émet l’idée que l’effet d’aubaine puisse être sous-estimé dans le secteur marchand suite au changement des règles d’attribution des aides. D’ailleurs, la précédente étude, qui portait sur l’année 2014, indiquait que 75 % des contrats aidés du secteur marchand bénéficiaient d’un effet d’aubaine.
Ensuite, parce qu’à notre avis, ce que l’on pourrait appeler « l’effet d’opportunisme » (c’est-à -dire le fait de profiter d’une aide pour embaucher des personnes dont on n’a pas besoin) est complètement occulté dans le secteur non marchand. Comment ne pas imaginer que les structures publiques ne soient pas fortement encouragées (d’une manière ou d’une autre) à accueillir des emplois aidés pour montrer l’efficacité de la politique gouvernementale ? Comment ne pas croire que les collectivités territoriales n’embauchent pas des « publics éloignés du marché du travail » pour de basses raisons électoralistes ?
Bref, nous soutenons que les effets pervers de ce mécanisme (effet d’aubaine et « effet d’opportunisme ») sont sous-évalués dans le secteur non marchand, et que ce sont bien des milliards d’euros qui ont été dépensés en pure perte dans les contrats aidés.
Sur 100 emplois francs créés, 82 l’auraient été sans la subvention publique
Une autre note de la Dares se demande si les emplois francs incitent effectivement à embaucher des personnes résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV)
Le dispositif des emplois francs s’adresse aux associations et aux entreprises privées pour les inciter à embaucher, en CDI ou en CDD d’au moins 6 mois, une personne résidant dans un QPV. Pour un CDI à temps plein, l’employeur perçoit 5 000 € par an, pendant 3 ans maximum. Pour un CDD, l’aide est de 2 500 € par an, pendant 2 ans maximum.
Annoncée en 2017 par Emmanuel Macron, la mesure est devenue effective en janvier 2018 et est montée petit à petit en puissance. En 2022, il y avait 48 900 bénéficiaires d’un emploi franc. Trois quarts (75 %) d’entre eux étaient en CDI et 83 % à temps complet.
L’effet d’aubaine est encore plus élevé ici que dans le cas des contrats aidés. En effet, 77 % des postes auraient été pourvus par la même personne en l’absence du dispositif, et 5 % l’auraient été par une autre personne (effet de substitution). Seuls 6 % des employeurs déclarent que l’embauche n’aurait pas eu lieu sans l’aide (12 % ne se prononçant pas).
On remarque que l’effet d’aubaine s’accroît avec la taille de l’entreprise : s’il n’est « que » de 65 % pour les entreprises de moins de 10 salariés, il est de 87 % pour celles employant 50 salariés ou plus.
L’enquête de la Dares révèle qu’en 2022 près de 30 % des employeurs ont été incités à demander l’aide publique par un employé de Pôle emploi ou d’une mission locale alors qu’ils avaient déjà pris la décision de recruter. Comme s’il fallait dépenser l’argent public coûte que coûte !
Il semble bien, là encore, que les 161 millions d’euros (M€) consacrés à ce dispositif dans le budget 2023 soient en grande partie inutiles. L’allocation pour 2024 devrait être réduite. S’il faut bien sûr continuer à financer les contrats en cours pour lesquels l’État a pris des engagements, il serait pertinent de la supprimer définitivement.
Des économies en vue
Pas plus que les emplois d’avenir en leur temps, les emplois francs et les contrats aidés ne favorisent l’insertion professionnelle des jeunes. Des milliards d’euros sont ainsi dépensés en pure perte.
L’IREF a déjà eu l’occasion de suggérer des pistes d’action plus prometteuses. Par exemple, s’inspirer des Job centers anglais, réduire les charges qui pèsent sur les entreprises, ou encore supprimer les seuils sociaux. Il serait aussi nécessaire d’agir en amont, c’est-à -dire au niveau de l’enseignement en prenant exemple sur la Suisse où 90 % des citoyens sont diplômés, notamment par la voie de l’apprentissage (système dual). Selon l’OCDE, en 2022, le chômage des jeunes de 15 à 24 ans était de 7,5 % en Suisse, et de 17,3 % en France !
3 commentaires
Dans le milieu associatif la situation est beaucoup plus grave que vous ne l’écrivez. Outre que certaines associations ont une activité nuisible pour la société, certaines sont créées pour donner un job à des paresseux. Elles sont aussi souvent relais des partis de gauche.
Les emplois aidés sont des cache misère, un emploi aidé coutant plus cher que la création d’un fonctionnaire…
Oui mais du point de vue du dogme, le fonctionnaire c’est le mal, donc non. Pourtant les USA sont le pays ayant le plus de fonctionnaires par habitant !
Une politique de grands travaux ou de projets militaires nationaux créée de véritables emplois qualifiés.
Mais encore une fois c’est opposé au dogme, donc non.
Donc on dilapide l’argent des contribuables dans des dispositifs inefficaces et dispendieux. On aurait tord de ne pas le faire puisque on a les pleins pouvoirs, que l’on est redevable de rien et que l’argent, il suffit de la voler aux honnêtes gens au titre de la solidarité ou de l’écologie…
Quand cesserons nous de parler de création d’emplois pour parler, enfin, de création de richesse ???
Qui fera l’étude du nombre d’emplois créateurs de richesse détruits par le coût des emplois inutiles?
Un emploi créateur de richesse s’ auto finance, un emploi créé pour masquer l’inefficacité de l’état nécessite une aide, coûte donc à la collectivité et ruine les emplois créateurs de richesses.