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Les petits salaires sont victimes des aides d’Etat

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Au bas de l’échelle sociale, les plus bas salaires ne permettent pas aux ménages de vivre décemment. L’Etat a donc décidé de compléter les salaires des travailleurs pauvres et plus généralement d’aider les ménages ayant peu de revenus. Il a aussi multiplié les subventions directes ou indirectes aux entreprisses pour que les salaires soient moins lourds pour elles. Ce faisant, il a permis aux entreprises de payer moins leurs salariés dont une partie de la rémunération est prise en charge par l’Etat au travers de ces mesures de redistribution. En définitive, ces mesures d’assistance ont réduit les salaires des travailleurs et les ont rendus encore plus dépendants de l’Etat.

Le tonneau social des Danaïdes

Bien sûr, il existe en France, comme dans la plupart des pays développés (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark Espagne, Finlande, Italie…), un revenu minimum pour les plus démunis (RSA). L’aide au logement est également très importante. En 2022 les aides personnelles permettant aux ménages de réduire leurs dépenses de logement – allocation de logement à caractère familial (ALF) ; allocation de logement à caractère social (ALS) ; aide personnalisée au logement (APL) – ont fait appel aux crédits de l’Etat français pour plus de 13Md€, sachant qu’en 2020 6,3 millions de ménages en ont bénéficié.

Mais la France y ajoute des dispositifs d’exonération en faveur de l’emploi qui ont coûté 81,9 Md€ en 2022 aux comptes de la Sécurité sociale et devrait s’établir à 87,9 Md€ pour l’ensemble des attributaires en 2023.  Ces charges sont dues notamment à la réduction générale dégressive des cotisations patronales jusqu’à 1,6 SMIC (les charges étant désormais quasi nulles au niveau du SMIC) et aux baisses des taux de cotisations patronales maladie et famille pour toutes les rémunérations inférieures à 2,5 et 3,5 SMIC respectivement. Ainsi, en définitive, les cotisations sociales représentent moins de 60% des ressources de la Sécurité sociale.

En outre a été instituée en 2001 par Lionel Jospin une prime pour l’emploi à titre de complément de revenu, versée par l’Etat aux personnes physiques qui occupaient un emploi à faible salaire. Cette aide transformée en prime d’activité en 2015 par François Hollande est un complément de salaire défiscalisé versé aux actifs (à temps plein ou à temps partiel) qui perçoivent une rémunération inférieure à un certain plafond variable selon la situation familiale. Pour une personne seule sans enfant, ce plafond est fixé à 1,5 SMIC brut, soit environ 1 800 euros nets par mois. A titre d’exemple, le montant maximum de la prime mensuelle est de 595,24 € pour une personne seule sans enfant, de 892,86 € pour une personne seule avec un enfant et de 1 071,43 € avec deux enfants. En juin 2022, le nombre de bénéficiaires de la prime d’activité s’élevait à près de 4,45 millions de foyers, pour un montant moyen de 181 euros par mois. Globalement le coût de cette mesure est proche de 10 Md€ par an.

Certes il existe aussi aux Etats-Unis depuis 1975 un crédit d’impôt – EITC – accordé aux citoyens qui travaillent et gagnent moins d’un certain montant (par exemple moins de 53,057 $ pour une personne seule ayant trois enfants ou plus à charge, ou 16,480 $ pour une personne seule sans enfant à charge). Mais les salariés américains pauvres ne disposent pas de toutes les autres aides qui existent en France.

Atteinte à la concurrence

La France semble le pays du monde qui cumule le plus d’aides aux salariés modestes. De fait, il s’agit en réalité de subventions aux entreprises qui font ainsi prendre en charge par l’Etat une partie non négligeable de la rémunération de leurs salariés qu’elles peuvent payer moins cher puisque l’Etat leur assure une partie du salaire. Ce phénomène pousse à la « smicardisation » de l’économie et à l’appauvrissement des classes moyennes et inférieures. Il rend également les salariés modestes et les entreprises dépendants de l’Etat qui peut faire aisément pression sur eux en les menaçant de couper ou réduire ces aides multiples.

Ces aides sont également censées aider les entreprises à exporter. Personne ne le dit car de telles aides aux entreprises sont irrégulières, mais l’Union européenne comme l’OMC, chargées de veiller au respect de juste concurrence entre Etats, ferment les yeux. En faussant la concurrence, ces aides détruisent aussi en partie l’esprit d’initiative et de créativité des entreprises françaises qui n’ont pas besoin de se mettre au niveau des concurrents étrangers par l’innovation puisqu’elles peuvent y arriver par des aides d’Etat déguisées. Du moins elles espèrent s’en sortir ainsi, mais elles n’ont pas conscience du tort que cela leur cause. Car le niveau délirant de ces aides d’Etat nuit à la connaissance du marché et détruit toute notion de juste prix, tant des produits et services que des salaires, tandis que les impôts surabondants qui en sont le corollaire font peser un poids excessif sur les entreprises.

Il serait souhaitable de mettre fin à cette assistance coûteuse et destructrice des mentalités comme du marché. En contrepartie, l’Etat pourrait réduire ses taux de TVA d’au moins 10%, ce qui serait autant de gain de pouvoir d’achat pour tous. En Suisse, les taux de TVA en vigueur sont de 7,7 pour le taux normal (20% en France) et 2,5% pour le taux réduit (10% en France). Les charges sociales sur salaires y oscillent entre 20 et 40%, soit 2 à 3 fois moins qu’en France. L’ensemble des prélèvements obligatoires représente environ 28% en Suisse et 46% en France. Une baisse des prélèvements français fiscaux et sociaux, tant sur les ménages que sur les entreprises, permettrait aussi aux particuliers d’améliorer leur pouvoir d’achat et aux entreprises de payer mieux leurs salariés : en 2023 un employé au SMIC à Genève en Suisse touche 4 444€ brut par mois (1.747,20 € en France), un montant égal au seuil de revenu d’entrée du décile des revenus les plus élevés en France ! Mais en Suisse la durée du travail est en moyenne de 42 heures par semaine, contre une durée légale de 35 heures en France.

Pour permettre la revalorisation des plus basses rémunérations, il serait donc nécessaire de prohiber ces subventions déguisées aux entreprises en les intégrant expressément dans les aides d’Etat interdites de l’UE et de l’OMC. Parallèlement, il faudrait proposer à ceux qui le souhaitent d’augmenter la durée du travail et aussi permettre aux salariés qui le voudraient de s’assurer socialement auprès des compagnies d’assurance ou mutuelle de leur choix, réduire sensiblement les dépenses publiques et donc les prélèvements obligatoires… Alors sans doute, à l’exemple de la Suisse, nous n’aurions plus guère de travailleurs pauvres.

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5 commentaires

ORILOU 4 septembre 2023 - 7:28

Facile de se montrer généreux quand on figure dans le peloton de tête des pays les plus taxés. Dans les années 1970-1980, les ouvriers qualifiés se plaignaient déjà du fait que leurs salaires étaient rattrapés par celui des smicards, sans qualification. Au travers d’une politique dite sociale, plutôt que de favoriser la promotion et la formation des travailleurs Français, on incite les entreprises à pratiquer une politique de bas salaire. Parallèlement, les effets de seuil encouragent le travailleur à avoir recours à l’assistanat plutôt qu’à gagner plus.
Cela commence dès l’école où les métiers manuels sont dévalorisés. Bien plus grave, après avoir permis à des jeunes sachant à peine lire écrire et compter d’entrer en 6ème, on les maintient dans des collèges où ils ne font pas grand chose, en vue d’un hypothétique baccalauréat qui n’a plus guère de valeur, pour des étude dont la finalité de certaines filières pose parfois question. EN MEME TEMPS, on manque de personnel qualifié… tot en ayant des chômeurs ! CHERCHEZ l’ERREUR.

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Koris 5 septembre 2023 - 4:39

La Suisse est un bon choix de comparaison mais votre exemple est biaisé. Le coût de la vie en Suisse est bien plus élevé qu’en France. Donc un salaire à 3 ou 4000 euros brut n’est pas extraordinaire.
La durée de travail est aussi un argument assez faible. Les hollandais travaillent encore moins que nous tout en connaissant une certaine prospérité.

Je suppose que vous connaissez ces exemples comme moi. Je présume donc vous avez omis ces exemples volontairement. C’est dommage car une argumentation plus mesuré, moins binaire et simpliste est bien plus intéressante et ressemble moins aux discours bidons de nos adversaires politiques.

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Roven 4 septembre 2023 - 8:30

L’assistanat : un esclavage d’État volontaire.

Un chômeur, aides diverses incluses, gagne 35 € de plus par mois qu’un smicard : en France, on a vite compris qu’il faut travailler moins pour gagner plus : des milliers d’emplois non pourvus par les chômeurs (ce sont les clandestins qui bossent, voir les cuisines des restos…), des chèques électoraux qui incitent à rester assisté.
Éloge de la servitude d’une classe moyenne qui se paupérise au profit d’une petite caste institutionnelle elle-même soumise aux fortunes internationales reconnaissantes…

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Jean Kircher 4 septembre 2023 - 8:45

L’exemple suisse n’est pas forcément le bon car c’est le salarié qui paye ses charges. En plus de réduire de façon conséquente le coût entreprise, les caisses privées suisses sont autrement regardante sur les absences maladie et en cas de récidive le salarié est viré de la caisse. Cela change tout!

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Nicolas Lecaussin 4 septembre 2023 - 2:46

En France aussi c’est le salariés qui les paient…

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