Le 9 mars dernier, la commission des Finances a rendu un rapport au vitriol sur la SNCF. Les deux auteurs font le constat que le modèle du groupe ferroviaire doit se réformer en profondeur car il ne pourra pas éternellement compter sur le soutien public pour éponger ses dettes. Ils saluent la libéralisation du rail, génératrice d’un cercle financier vertueux pour l’ensemble du secteur ferroviaire. Enfin, ils dénoncent le poids financier de plus en plus important de l’opérateur historique pour les collectivités locales, qui lui versent 17 milliards par an. Une somme qui a progressé de 35% depuis 2015. Cette augmentation continue n’est pas tenable pour les collectivités, d’autant que la qualité de service n’est pas au rendez-vous, tant et si bien que de nombreuses régions, comme les Hauts-de-France, imposent  à la SNCF des pénalités financières.
Un modèle économique à bout de souffle
Le rapport, prodigue en chiffres, est assez édifiant. Depuis 2018, l’Etat a repris 35 milliards des 55 milliards d’euros de dette du groupe afin de le préparer à l’arrivée de la concurrence. Plusieurs entités, dont SNCF Voyageurs et SNCF Réseau, sont fortement endettées mais le bilan global est sauvé par les bonnes performances économiques des filiales Keolis et Geodis, notamment à l’international. Elles représentaient, à elles-seules, 50% du chiffre d’affaires en 2021 et 37% de la marge opérationnelle du groupe. La situation financière générale reste néanmoins préoccupante et la maîtrise de la dette à long terme, « incertaine » d’après les rapporteurs.
Dans l’optique d’améliorer la viabilité financière, les sénateurs plaident pour l’amélioration de la compétitivité. En effet, le coût de roulage du service TER – qui perçoit le plus de subventions des collectivités locales – est de 60% supérieur à celui du service équivalent en Allemagne. Entre 2006 et 2018, le coût pour le contribuable a augmenté de 92% alors qu’il baissait de 34% en Allemagne, pays où la concurrence s’exerce depuis plus de 10 ans.
Le système boiteux de l’entité SNCF Réseau
L’entité SNCF Réseau est chargée de la gestion et de l’entretien des rails partout en France. Elle est censée, officiellement, être indépendante de l’opérateur de transport. Cependant, l’ART (autorité de régulation des transports) a pu constater le manque d’étanchéité, dans les faits, entre les deux entités et a signalé un risque de contentieux juridique. En outre, Réseau peine à exercer ses missions correctement parce que l’Etat ne parvient pas à planifier le financement et l’entretien du réseau sur le temps long. L’aiguillage des trains reste archaïque et très coûteux en France alors que l’UE a promu le SEGTF (système européen de gestion du trafic ferroviaire), largement répandu en Allemagne et en Italie, qui permet des gains substantiels de performance. L’entité doit d’autre part revoir son organisation du travail puisqu’il faut trois fois plus d’agents qu’ailleurs en Europe pour faire circuler un train. Autre handicap, elle n’a toujours pas adopté de comptabilité analytique. Les frais de péage par kilomètre sont au-dessus de la moyenne européenne, sans pour autant que le réseau français soit le meilleur du continent, il s’en faut de beaucoup : il y a sûrement quelque chose qui cloche dans son modèle économique !
Les sénateurs recommandent des réformes de grande ampleur
Les sénateurs encouragent la SNCF à mener une véritable révolution dans les méthodes d’organisation du travail. Ils rappellent que malgré la fin du statut de cheminot, sa compétitivité n’a que peu progressé. Le rapport recommande de baisser les effectifs d’au moins 2% par an, soit 3 000 ETP d’ici à 2028, afin d’économiser 1 milliard d’euro – les charges de personnel représentant la bagatelle de 15 milliards d’euros par an.
Ils précisent que les baisses les plus importantes devront être effectuées au sein de SNCF Réseau, qui concentrait 21% des effectifs du groupe en 2020,. Les effectifs y sont surdimensionnés au regard des besoins. SNCF Réseau doit absolument se moderniser sur plusieurs plans : développer une culture de la performance afin de renforcer sa productivité, recourir à un audit financier externe pour son volet comptable ce qui, d’après les sénateurs, pourrait lui faire réaliser 1.5 milliards d’économie. Les mêmes changements de pratiques devraient être étudiés dans tout le groupe, où partout sévissent les mêmes maux.
Par ailleurs, les rapporteurs préconisent de revoir les métiers sur le terrain. Ils déplorent le  manque de polyvalence du personnel et une trop grande rigidité dans l’organisation du travail. La SNCF devrait beaucoup plus investir dans la formation des agents, l’externalisation de certaines activités, et enfin développer la rémunération au mérite. La mise en place de ces mesures pourrait faire économiser au moins 500 millions d’euros.
Le rapport décrit une réalité bien connue des spécialistes depuis des décennies. Bien connue, mais qui n’a déclenché que peu de réformes, ni l’Etat ni la direction de la SNCF n’ayant jusqu’ici beaucoup réagi. L’arrivée de la concurrence va peut-être faire bouger les choses, car plusieurs régions devraient lancer des appels d’offres sur les services conventionnés et il n’est pas certain que la SNCF les remporte. Il y a urgence : le coût pour chaque contribuable augmente d’année en année. Il a atteint 250 euros en 2020, d’après le site d’information sur les finances publiques Fipeco.
3 commentaires
La SNCF doit être privatisée à très court terme. Réseau ferré de France doit continuer à vivre. Les lignes doivent être reprises en mains par cet indépendant en en garantissant le bon fonctionnement. L’attribution de l’exploitation commerciale des lignes devra comprendre une redevance pour réseau ferré de France afin d’assurer la bonne gestion et l’entretien de son seul domaine de compétence : les lignes de chemin de fer et la technologie dépendante. La gratuité du transport sera supprimée (aujourd’hui 1/3 des voyageurs ne paient pas, 1/3 bénéficient de tarifs spéciaux ou de réductions importantes et le reste doit s’acquitter de tous les besoins (pharaoniques) des employés de la SNCF.
Trouvez-moi un seul service public correctement géré ?
C’est impossible. Il faut privatiser à outrance, seule solution.
Si un fonctionnaire est fonctionnaire, c’est précisément parce qu’il ne sait pas gérer !
C’est pourtant simple !
Il existait jadis une compagnie, filiale de la SNCF, qui s’appelait SNCM (Société Nationale Corse-Méditerranée), et qui a vécu (survécu ?) 28 ans seulement (de 1976 à 2014), minée par la gabegie du « service public », les sureffectifs, les «  »avantages catégoriels » (cf. le jargon syndical) et les grèves à répétition. Cette administration (la SNCM ressemblait + à une administration qu’à une entreprise) a coulé (le comble pour une compagnie maritime !), et ses employés, au statut fonctionnaire, ont été reconvertis dans les collectivités locales de PACA et de Corse, où ils attendent une retraite bien imméritée.
J’en viens au fait : je pense que certains cheminots rêvent à la faillite de la SNCF et à leur reconversion dans les collectivités locales, où ils pourront attendre paisiblement …une retraite bien imméritée.