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L’Autorité de régulation des transports recommande la libéralisation du transport ferroviaire

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La France est à la croisée des chemins. Longtemps prisonnière d’un système de transport totalement monopolistique, elle s’ouvre enfin à la concurrence. La loi de 2018 dite nouveau pacte ferroviaire a mis fin définitivement au monopole de droit et de fait de la SNCF sur le transport ferroviaire. Depuis fin 2021, l’opérateur italien Trenitalia assure deux liaisons par jour Paris-Lyon-Milan. Puis, dès 2025, l’entreprise Transdev assurera, seule, la liaison Nice-Marseille en TER. Les opérateurs alternatifs se montrent très enthousiastes car, comme l’explique l’Autorité de régulation des transports, la France dispose d’un réseau ferré très attractif et des réserves de capacités importantes. En effet, aujourd’hui le réseau ferré reste sous-utilisé. En conséquence, l’entité Réseau de la SNCF en charge de la gestion du rail pratique des droits de péage élevés dont le coût est, en partie, répercuté sur le prix du billet. Mais les obstacles, avant d’aboutir à un marché vraiment libéralisé, demeurent nombreux.

A l’occasion des quatre ans de la loi nouveau pacte ferroviaire, l’Autorité de régulation des transports (ART) porte un regard sévère et livre un constat lucide sur les failles qui empêchent la France d’être un eldorado pour la concurrence. Elle fait 39 recommandations dont 12 qui apparaissent comme nécessaires à court-moyen terme, si nous voulons réussir cette révolution. La France est l’un des derniers pays européens à libéraliser son marché intérieur du transport de voyageurs par train. Son droit des transports est archaïque et encore largement construit sur le primat monopolistique.

 

De la nécessité de penser une utilisation des infrastructures plus favorable à la concurrence

Les recommandations les plus importantes formulées par l’Autorité concernent l’indépendance du gestionnaire du réseau ferré. Il s’agit des recommandations 15 à 20 (voir fin de l’article). En 2015, Réseau ferré de France (RFF), le gestionnaire des infrastructures, a été intégré à l’entité chargée du transport ferroviaire (la SNCF) et depuis, SNCF voyageurs et SNCF réseau cohabitent au sein du même groupe. La loi de 2018 a tenté de donner au second un statut indépendant pour répondre aux injonctions de la direction générale concurrence de la Commission européenne mais, dans les faits, cette indépendance est toute relative. En Europe, il existe deux modèles. En Suède, où la libéralisation a commencé à la fin des années 90, le gestionnaire du réseau est toujours public mais complètement détaché de l’opérateur de transport historique. En Allemagne, il est intégré dans un groupe avec  la compagnie nationale, la DB, mais avec des gages d’indépendance plus poussés qu’en France. La question est centrale puisque le gestionnaire de réseau est chargé par l’autorité de régulation d’attribuer les sillons, c’est-à-dire les créneaux alloués aux trains sur un parcours précis de l’infrastructure et à un instant donné. Un exercice parfois délicat, entre les TGV, TER, Intercités et Transiliens pour une même infrastructure. L’irruption de la concurrence pourrait entraîner de nombreux contentieux, notamment juridiques. Particulièrement si le processus d’attribution des sillons n’est pas suffisamment transparent et encadré par le droit (recommandation 7). En effet, le manque d’indépendance de SNCF Réseau par rapport à Voyageurs pourrait conduire à des accusations de favoritisme, d’où la nécessité de s’attaquer à ce problème rapidement.

 

De la nécessité d’orienter l’économie du transport vers la concurrence

Pour l’heure toute l’économie du train est construite en fonction des besoins de la SNCF. Les concurrents qui entrent sur le marché français doivent assumer des dépenses de matériel conséquentes, notamment des rames de train, ce qui les fait hésiter. Pour aplanir cette difficulté, l’ART propose de favoriser le développement de sociétés de location et de gestion de matériel roulant ainsi que d’encourager le développement d’un marché de l’occasion (recommandation 33). Autre barrière pour les nouveaux opérateurs : ne disposant que de petites parts de marché, ils n’ont pas, eux, la capacité, de passer de gros appels d’offres auprès des constructeurs. La location permettrait de remédier à ce handicap par rapport à la SNCF ; comme dans l’aérien où  l’ouverture à la concurrence a consolidé un marché de la location et de l’occasion aujourd’hui très développé.

L’autre aspect à considérer est la compatibilité du matériel roulant acheté par l’opérateur ferroviaire avec les infrastructures. La législation française impose de nombreuses règles de sécurité qui le rendent plus coûteux. L’ART propose donc d’accélérer le déploiement du European Rail Traffic Management System (ERTMS) qui devrait beaucoup simplifier l’installation et l’harmonisation de plusieurs systèmes de guidage et de sécurité. En outre, elle recommande de rendre plus transparentes, lisibles et accessibles les informations utiles pour le paramétrage et l’homologation des matériels roulants. Il s’agit de favoriser l’accès au registre de l’infrastructure ferroviaire dont SNCF Réseau a la charge. L’ART insiste aussi sur le besoin de mettre ce registre à jour régulièrement.

En conclusion, l’ART rappelle les vertus de la concurrence. Les exemples étrangers, nombreux, ont montré une hausse de l’offre de transport ferroviaire, une hausse significative et durable aussi de la demande et enfin une baisse du prix, à la fois pour le contribuable et pour les voyageurs. Le rapport se teinte d’une note très optimiste quant à l’attractivité de notre pays. La concurrence ne peut avoir que des vertus pour tous les acteurs. Enfin, il rappelle que cinq opérateurs alternatifs à la SNCF se sont déjà positionnés sur des appels d’offres. Ce n’est que le début, la décennie 2020-2030 promet des changements profonds du paysage économique dans le secteur ferroviaire.

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1 commenter

Obeguyx 23 février 2022 - 9:36

On est bien d’accord, mais ce n’est qu’une énième recommandation qui ne sera suivie d’aucun effet. Merci pour votre travail et votre documentation. Les politiques de gauche (Sarkosy compris) ont une lourde responsabilité dans le délabrement de la SNCF. Le redressement ne se fera pas sans casser des oeufs ou alors le contribuable continuera de payer.

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