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La politique des transports à Paris : succès ou échec ?

Traduction par Aymeric Belaud

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Les voitures sont mauvaises. Davantage de voitures, cela signifie davantage d’accidents, de pollution, de changement climatique et de congestion ; toutes choses égales par ailleurs… La réduction du nombre de voitures semble donc être la voie à suivre. En 1999, Chantal Duchène, élue écologiste, alors directrice des transports à la direction régionale de l’équipement d’Ile de France, déclarait : « Il faudra (…) réduire l’espace disponible pour l’automobile. Avec des voies réservées aux bus, des pistes cyclables et l’élargissement des trottoirs, les temps de parcours en voiture vont s’allonger et les autres modes deviendront plus intéressants ». Les politiques suivantes ont été cohérentes avec cette déclaration. La longueur des voies réservées aux bus a doublé et celle des pistes cyclables est aujourd’hui quelque cinq fois supérieure à ce qu’elle était en 2000, passant de 292 à 1 442 km.

De 2003 à 2022, la vitesse moyenne des véhicules est passée de 16,4 à 12,4 km/h et le trafic a été divisé par deux. En termes de mobilité, il s’agit évidemment d’un mauvais résultat, et c’est ce à quoi on peut s’attendre en retenant une partie de l’offre et en créant une pénurie artificielle. En fait, pour réduire efficacement une circulation automobile excessive, il faudrait taxer, les autres solutions n’étant pas toujours convaincantes. Examinons-les.

La sécurité avant tout

A Paris, 54 personnes ont été tuées dans des accidents de la route en 2003 et 38 en 2022. Une nette amélioration, sans aucun doute. La tendance est encore meilleure pour la France dans son ensemble (voir figure 1), surtout si l’on considère que, à l’inverse de Paris, le trafic routier y a globalement augmenté (de 9 %).

Figure 1 :

Cette tendance dure depuis cinquante ans, 1972 ayant été la pire année pour la sécurité routière. Depuis lors, le trafic a presque triplé, le taux de mortalité a chuté de 92 % et le nombre de personnes tuées a diminué de 80 % (figure 2).

Figure 2 :

Ces progrès sont principalement dus aux améliorations technologiques des véhicules, à celle des routes, à des règles de circulation plus strictes et mieux appliquées.

On peut en revanche douter que « privilégier la marche et le vélo » ait un impact positif sur la sécurité. Une évaluation de 2012 se référant aux Pays-Bas a montré que si 10 % de tous les trajets en voiture inférieurs à 7,5 km étaient faits à bicyclette, le résultat serait une augmentation nette du nombre d’accidents mortels.

Pollution de l’air : du bon et du moins bon

A Paris, comme dans toutes les villes occidentales, la qualité de l’air s’est améliorée depuis le milieu du siècle dernier. Le principal polluant, aujourd’hui, est constitué par les particules d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres (également appelées PM2,5). On a commencé à le mesurer dans les années 90, par la méthode des « fumées noires » prenant en compte les particules noires (carbonées) d’un diamètre inférieur à 5 micromètres. La concentration moyenne de ce polluant a été divisé par vingt depuis les années 50.

Le deuxième polluant majeur est le NO2, qui a lui diminué d’environ 40 % depuis les années 90 grâce, surtout, au renouvellement du parc automobile. Les émissions d’une voiture « Euro 6 » sont inférieures d’environ 95 % à celles d’un véhicule « Euro 0 ». Cela dit, ce progrès peut être en partie annulé par des décisions locales : la fermeture de la voie rapide Georges Pompidou qui traversait Paris, par exemple, a entraîné une augmentation de la concentration de NO2 sur le périphérique et dans les rues voisines.

Qu’en est-il du CO2 par rapport au changement climatique ? Les vélos sont-ils vraiment plus indiqués que les voitures ? Ils sont en effet (presque) sans émission de carbone, mais prôner le passage de la voiture au vélo ne rime pas à grand-chose. D’abord parce que le vélo ne peut se substituer qu’à une petite partie seulement du trafic automobile d’un pays. Ainsi en 2019, les Néerlandais ont fait 3km à vélo par jour et par personne, alors que la distance moyenne parcourue en voiture était de 25 km (figure 3).

Figure 3 :

Ensuite, on peut faire observer que, si pour chaque litre d’essence non utilisé, 2,35 kg de CO2 sont évités, dans le même temps, les Trésors publics (en Europe) perdent environ 0,70€ par litre invendu et il faut donc renoncer à 300€ de rentrées fiscales pour réduire d’une tonne les émissions de CO2 ; une somme avec laquelle ils pourraient financer une réduction beaucoup plus importante de ce même CO2 dans d’autres secteurs (rappelons que le prix actuel des quotas d’émission dans le système d’échange de quotas d’émission de l’UE est de 70 € la tonne).

La technologie sera plus efficace que toutes les politiques

En résumé, les politiques s’appliquant à réduire le trafic n’ont aujourd’hui qu’un faible effet sur la sécurité comme sur la qualité de l’air, et cet effet sera de plus en plus limité. C’est plus le type de voitures circulant sur les routes que leur nombre, qui importe. Pour réduire les émissions de CO2, il faut surtout miser sur la technologie.

On pourrait dire qu’avec moins de voitures dans les rues, la qualité de vie à Paris s’est améliorée. Les Parisiens qui ont dû adopter un autre mode de transport ou déménager parce qu’ils ne pouvaient plus circuler ne seront probablement pas de cet avis.  Bien sûr, la mobilité n’est pas le seul facteur de choix pour un lieu de résidence, mais elle n’est pas sans importance. Dans un article paru en 2005, l’économiste Rémy Prud’Homme parlait de la « tentation de Venise » pour Paris. Venise comme modèle de ville sans voitures, où les déplacements sont très difficiles. Une belle ville où la population et l’emploi diminuent rapidement au profit de la métropole.

Depuis 2011, Paris a perdu 150 000 habitants, tandis que le reste de l’Île de France en gagnait 500 000. En d’autres termes, quand une ville se vide de ses voitures, l’une des conséquences souvent négligée est une probable augmentation de leur nombre, et du nombre d’habitants, juste à l’extérieur de ses murs.

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