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La perversité des aides publiques à l’emploi

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Suite à la conférence sociale du 16 octobre 2023, un rapport avait été demandé par la Première ministre Elisabeth Borne à MM. Bozio et Wasmer sur « l’articulation entre les salaires, le coût du travail et la prime d’activité et à son effet sur l’emploi, le niveau des salaires et l’activité économique ». Il a été remis officiellement au Premier ministre Michel Barnier et rendu public début octobre. Il observe que les dispositifs qui se sont multipliés depuis plus de trente ans pour réduire les cotisations sociales sur les bas salaires ont créé un écrasement de la distribution des salaires en alourdissant de manière significative le coût d’augmentation des bas salaires. Ainsi se sont constituées des trappes à bas salaire accrues par les effets secondaires, décourageant la formation, les efforts de promotion et, au final, les gains de productivité.

Pour remédier à ces effets négatifs, les auteurs du rapport proposent de réduire les exonérations sur bas salaires en compensant cette surcharge par des baisses des taux ordinaires des cotisations, la réforme ayant ainsi lieu à coût constant, globalement, pour les entreprises. Ce scénario permettrait de réduire de 10% ce que coûte aux employeurs une augmentation de 100 € sur un salaire net inférieur à 1,6 Smic, sachant qu’actuellement, le surcoût peut aller jusqu’à 483 €.

Des exonérations contre-productives

Leur analyse a l’immense mérite de faire prendre conscience au monde politique des erreurs de ces régimes d’exonération pilotés à vue et de souligner le coût considérable, 75 Md€, soit 2,7 points de PIB, de ces allégements dont l’efficacité est enfin questionnée. Déjà le Premier ministre en a tiré les enseignements en déclarant au Parlement le 1er octobre que « Notre dispositif d’allégement de charges  freine la hausse des salaires au-dessus du smic », et la ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, a repris les chiffres du rapport Bozio-Wasmer pour dénoncer les trappes à bas salaire.

L’approche paramétrique de MM. Bozio et Wasmer reste cependant modeste et marginale. Faire baisser de 10% le coût, très excessif, d’augmentation de 100€ d’un bas salaire ne fera pas beaucoup bouger les lignes. En l’état, cette étude ne sert qu’à justifier la baisse de réduction de charges que désormais le gouvernement Barnier propose, pour 4Md€ par an, au titre des ressources budgétaires à trouver en 2025. Sauf qu’à la différence du rapport Bozio, il le propose sans compensation. De fait il s’agit d’une augmentation des prélèvements obligatoires. Le gouvernement Barnier, à défaut d’avoir le courage de réduire vraiment les dépenses publiques, s’oblige à augmenter les prélèvements fiscaux et sociaux.

Une allocation sociale unique et limitée ?

M. Barnier profitera néanmoins peut-être de la remise en cause des aides à l’emploi pour simplifier les aides publiques avec, comme le propose l’IREF depuis longtemps, une aide sociale unique. Il a souhaité sur France 2 pouvoir fusionner des aides comme le chômage, le RSA ou les APL en veillant à ce que « ça paie plus de travailler que de ne pas travailler ».

La France est le pays où les aides sociales publiques sont le plus importantes, près d’un tiers du PIB contre 21,1% en moyenne dans l’OCDE en 2022. Concernant les exonérations de charges sociales, il s’agit en réalité de subventions aux entreprises, qui peuvent payer leurs salariés moins cher puisque l’Etat prend ainsi en charge une partie non négligeable de leurs rémunérations. Ce système pousse à la « smicardisation » de la société et à l’appauvrissement des classes moyennes et inférieures. Il nourrit un accroissement perpétuel et réciproque de pauvreté et de besoin d’argent public. Il rend également les salariés modestes et les entreprises dépendants de l’Etat qui peut faire aisément pression sur eux en les menaçant de couper ou réduire ces aides multiples. Ainsi une large majorité de la population française, en y ajoutant les agents publics ou parapublics (20% de la population active), les chômeurs et autres salariés de structures subventionnées est, de fait, étatisée et annihilée, en partie déresponsabilisée.

Ces aides d’Etat, d’ailleurs contraires aux principes de concurrence établis par l’Europe et l’OMC, anémient les entreprises. Cette situation n’est bonne ni pour ceux qui la supportent dans un ressentiment inévitable ni pour la société qu’elle divise en classes hostiles. Les moyens de restituer aux salariés leur liberté et leur dignité est de rendre aux entreprises le soin de payer leurs salariés à un niveau décent plutôt que de laisser l’Etat y pourvoir mal. En supprimant ses aides à l’emploi en même temps qu’il réduirait ses prélèvements sur les entreprises, l’Etat pourrait exiger d’elles une augmentation significative des salaires, à due concurrence. Parallèlement, la liberté pourrait être laissée aux salariés de recevoir leur salaire complet (charges sociales comprises) et de s’assurer socialement auprès des compagnies d’assurance ou mutuelle de leur choix… La concurrence aidant, comme pour les assurances automobile, et en acceptant sans doute volontiers des franchises et autres modérations raisonnables, les assurés obtiendraient des tarifs sensiblement inférieurs à ce que leur coûte – sans qu’ils s’en rendent compte – la Sécu et leur pouvoir d’achat en serait amélioré. Le produit des impôts sur le revenu augmenterait donc aussi.

Et si le travail payait mieux, peut-être accepterions-nous de travailler plus et  n’aurions-nous plus guère de travailleurs pauvres, à l’exemple de la Suisse où la durée du travail est en moyenne de 42 heures par semaine avec un salaire minimum en mai 2023 de 4 444 €, un montant égal au seuil de revenu d’entrée du décile des revenus les plus élevés en France, quand le SMIC français était de 1.747,20 €.

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