« La loi doit être certaine, générale et égale » : ces principes sont mis à mal par les législateurs contemporains. Fin décembre 2009, une loi de finances en corrige une autre votée 20 jours plus tôt. Maître Jean Philippe Delsol, administrateur de l’IREF, nous alerte sur les lois éphémères.
Les lois se succèdent rapidement. C’est sans doute pour se mieux corriger. En témoignent les lois de finances votées en décembre 2 009. A peine adoptée la loi de finances pour 2 010, le 10 décembre 2 009, une nouvelle loi de finances rectificative pour 2 009, du 30 décembre de la même année, venait déjà l’amender, et il ne s’agit pas d’amendements marginaux !
L’article 101 de la loi de finances pour 2 010 disposait que contrairement aux règles retenues jusque là , les dividendes perçus à compter de 2009 devaient être pris en compte intégralement pour le calcul du bouclier fiscal, sans déduction de l’abattement de 40% pris en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu.
Moins de deux semaines plus tard, l’article 56 de la loi de finances rectificative pour 2 009 est venu modifier cette disposition pour l’atténuer de manière dégressive en prévoyant de retenir les dividendes dans le calcul du bouclier fiscal à raison de 70% des dividendes perçus en 2 009, 80% de ceux à percevoir en 2 010 et 90% de ceux qui seront reçus en 2 011.
Cet assouplissement de la règle nouvelle est plutôt salutaire. Mais fallait-il changer déjà les modalités de mise en œuvre du bouclier fiscal qui au bout de trois ans commençait seulement à rassurer les détenteurs français de patrimoines importants ? Ces changements incessants ne les inciteront pas à rester en France.
Plus généralement cet épisode illustre l’instabilité fiscale dont souffrent nos démocraties modernes. Le parlementarisme est malade de sa propre logorrhée législative. La production parlementaire s’étire comme un long fleuve illisible ainsi que la loi de finances abolissant la taxe professionnelle pour la remplacer par la nouvelle Contribution Economique Territoriale en est la démonstration flagrante. Les lois ne se lisent plus et se contredisent. Elles deviennent incertaines, à l’encontre de ce qu’elles devraient être presque par définition.
Il conviendrait donc peut-être, pour assagir la loi, d’en revenir à l’usage locrien cité avec admiration par Démosthène : « Quiconque propose une loi nouvelle le fait la corde au cou. La proposition paraît-elle louable et utile, l’auteur se retire, la vie sauve. Sinon, on serre la corde et c’est la mort». A Athènes, indique Jacqueline de Romilly, « si quelque texte avait été adopté, qui, sur un point ou sur un autre, fût en contradiction avec d’autres lois, n’importe quel citoyen pouvait, n’importe quand, intenter à l’auteur de cette loi soit une action en illégalité, soit une action en établissement de loi préjudiciable à l’Etat. L’action en illégalité était grave : elle pouvait entraîner des amendes considérables, parfois même la mort. Elle fut, dans toute l’histoire athénienne, la garantie contre une démocratie trop imprudente».
Nos législateurs ne manquent-ils pas aujourd’hui trop souvent de prudence ? Sans pour autant revenir aux anciens usages grecs, le Conseil constitutionnel pourra sans doute, dans sa nouvelle vigueur, rappeler aux parlementaires quelques règles essentielles de saine législation, de la tempérance à la non rétroactivité, de la qualité de la rédaction à la sagesse du texte. Le fait même que certains parlementaires s’en offusquent à l’avance traduit bien leur embarras ; le législateur est troublé par ses propres vicissitudes.
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