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L’économie turque souffre de la politique d’Erdogan

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La Turquie du sultan Erdogan sombre dans la dictature à mesure que le régime durcit sa politique. A l’aube des années 2000, le régime s’était démocratisé afin de répondre aux exigences de l’Union européenne, condition préalable à une potentielle intégration. Ce temps est révolu. Depuis la révolte de Gezi, puis le coup d’Etat manqué de 2016, Erdogan a imposé son pouvoir d’une main de fer à un pays sonné par la brutalité et la rapidité de son action. L’économie souffre de ce virage autoritariste et une partie de la population s’est paupérisée à mesure que l’Etat renforçait son emprise sur l’économie.

La mise en place d’un régime autocratique en Turquie

La Turquie n’est devenue une dictature que depuis peu. La transition s’est faite, assez paradoxalement, de manière constitutionnelle et officielle.

Après le coup d’État militaire manqué de 2016, le gouvernement d’Erdogan a déclaré l’état d’urgence et s’est livré à une purge massive de tous les domaines de l’administration, de l’armée, de la police et de l’éducation. Durant cette période, le gouvernement a signé pas moins de 31 décrets d’urgence, tous attentatoires aux libertés fondamentales : d’expression, de réunion et de manifestation. Mais la conséquence la plus notable du coup d’État fut la révision constitutionnelle. Erdogan décide de supprimer le poste de Premier ministre et institue un régime présidentiel fort. Le projet est soumis à référendum le 26 avril 2017 et donne un faible avantage de 51% au Oui. La révision offre de larges pouvoirs au président et supprime le contrôle parlementaire sur l’action de l’exécutif. La Grande Assemblée nationale a été reléguée au rang de chambre d’enregistrement. Le président peut nommer qui il veut à toutes les fonctions importantes de l’Etat sans aucun contrôle parlementaire et légiférer par décret sans consultation a posteriori du Parlement.

La transformation de l’Etat s’est accompagnée d’une chasse aux opposants. De nombreuses figures de la société civile turque qui se sont élevées contre l’autocratie du président sont sous le coup de poursuites judiciaires. Parmi elles, Sebnem Korur Fincanci et Mücella Yapici, qui manifestent publiquement et ouvertement contre la politique d’Erdogan en matière de droits des femmes et des libertés publiques. Elles risquent toutes les deux au moins 14 ans de prison. L’opposition tente de se structurer et de fédérer la jeunesse. Malgré les restrictions et les poursuites, elle est parvenue à remporter quelques belles victoires électorales au niveau local. En 2019 notamment, elle a arraché les quatre plus grandes villes du pays : Ankara, İstanbul, Antalya et Adana. Furieux, le pouvoir a lancé des poursuites contre le maire d’Istanbul. Les procureurs, nommés par le régime, tentent de constituer des dossiers à charge. Le maire de la capitale économique du pays s’est affirmé comme un opposant sérieux au régime et comme un candidat crédible pour la présidentielle de 2023. Une certaine inquiétude est palpable dans les rangs du parti de l’AKP car la colère commence à s’exprimer parmi la population alors que la situation économique se dégrade.

Erdogan met en péril l’économie turque

La reprise en main de l’appareil d’État par Erdogan a eu une conséquence directe sur l’économie du pays. D’une part, il s’est attaqué à l’indépendance de la Banque centrale. Il a décidé d’y nommer un proche aux compétences limitées en matière de politique monétaire ce qui a conduit à une chute brutale de la lyre turque. En effet, le précédent directeur de la Banque centrale Naci Agdal, nommé en novembre 2020, était reconnu pour son expertise par les marchés et avait la confiance des investisseurs. Il s’était distingué en menant une politique agressive d’augmentation des taux directeurs afin de lutter contre l’inflation galopante. Il a été démis de ses fonctions le 25 mars dernier par le président Erdogan, qui défend une politique de taux bas. L’effet s’est fait sentir immédiatement : le cours de la lyre a chuté de 7.5% en un jour. Plus globalement, un dollar s’échangeait contre 3.81 lyres turques le 2 mars 2018, contre 6.85 en juin 2020 et contre 8.56 au 28 mai dernier. Ainsi, en trois ans, le cours de la lyre a baissé de plus de 50%.

D’autre part, d’après un rapport de la Banque mondiale, l’inflation a été de 22% en 2020 et le prix des denrées alimentaires a augmenté de 55% en l’espace de trois années, précipitant des millions de Turcs sous le seuil de pauvreté.

L’activité économique a été fortement impactée depuis 2016. La Turquie avait affiché un taux de croissance moyen de 5%/an entre 2002 et 2016 ; il a baissé 3,6%/an en moyenne à partir de cette dernière année. Les politiques sécuritaires menées par le président Erdogan ont contribué à créer un climat de défiance des investisseurs étrangers. Les chefs d’entreprises turques critiquent durement la politique monétaire du gouvernement, car l’effondrement de la monnaie pèse sur les importations des industriels. D’autant que le discours agressif de la Turquie envers la France et la Grèce a dégradé le climat des affaires. En juillet dernier, les investisseurs étrangers ont vendu pour 7 milliards de dollars d’obligations turques libellées en monnaie locale. Ce mouvement s’inscrit dans une baisse massive d’investissements étrangers en Turquie. En 2013, les investisseurs étrangers possédaient 82 milliards de dollars d’actions à la bourse d’Istanbul, or cette somme a baissé à 24 milliards en juillet 2020. Le pays est tributaire des capitaux étrangers car les banques nationales ne disposent pas des capitaux propres suffisants pour financer les entreprises turques et soutenir le développement économique. L’économie turque reste fragile, Erdogan ayant braqué les investisseurs européens.

Au travers du Human Freedom Index, Cato institute attribue un score de 6.62/10 à la Turquie en ce qui concerne les libertés économiques. Elle est particulièrement pointée du doigt à propos des droits de propriété et du système légal. The Freedom economic index va plus loin et la note notant sévèrement sur les libertés financières (60/100) et sur les libertés d’investissement (70/100). Les opportunités pour les investisseurs en Turquie se sont taries depuis 2016. Avec Erdogan, l’Etat turc est devenu un prédateur, clientéliste et corrompu.

La Turquie promettait, à l’aube des années 2000, de s’affirmer comme une démocratie libérale et une économie émergente. Forte d’une main d’œuvre qualifiée et d’une position stratégique, elle pouvait prétendre à une place dans le concert des nations européens. Mais l’autoritarisme d’un homme, qui a accaparé les ressources monétaires et économiques pour son propre profit, a ruiné les espoirs d’un peuple ouvert aux libertés et à la démocratie. Les Turcs ne se laisseront pas faire et Erdogan peut craindre la montée en puissance de l’opposition. La détresse économique de nombreux Turcs, dont il porte la responsabilité, servira peut-être de catalyseur pour précipiter sa défaite en 2023.

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3 commentaires

Christian Moignet 8 juin 2021 - 6:00

La Turquie démocratique ?
Pays plus tourné vers le monde arabo-musulman que vers l’Europe, tiens-t-on vraiment à ce qu’il intègre l’UE ?
Merci Erdogan pour maintenir la Turquie dans sa nature profonde …

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Gabriel IREF 8 juin 2021 - 7:53

L’économie turque souffre de la politique d’Erdogan
Merci de votre commentaire.
Erdogan aura eu ce mérite, dégouter l’Europe de la Turquie et mettre fin aux négociations. Il est clair que la Turquie actuelle n’a pas les mêmes valeurs que les européens

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Dudufe 8 juin 2021 - 9:57

L’économie turque souffre de la politique d’Erdogan
Si comme je l’espère la Turquie n’intègre pas l’UE,je pense que ce serait « pas mal  » que ce pays rembourse les 6 milliards d’euros versés par Bruxelles comme aide de PREADHESION !

Bien sur arrêt complet des négociations !!!

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